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Jean Pierre Petit : La consommation de masse en Chine, une longue marche

Directeur de la recherche économique et de la stratégie d’ Exane-BNP Paribas jusque fin 2008, Il a été auparavant (1995-1999) adjoint au directeur des études économiques de la BNP, adjoint de direction à la Banque de France et consultant pour le Fonds monétaire international (1986-1994). Il est diplômé de Sciences Po Paris, détient une maîtrise en droit et est titulaire d’un DEA d’économie internationale. Jean Pierre Petit est l’auteur de plusieurs ouvrages dont, La finance, autrement (en collaboration, Dalloz, 2005).Aujourd’hui devenu stratégiste de marché indépendant il continue de collaborer  de manière régulière à divers revues et journaux économiques et financiers. Voici le 19ème billet d’une série qui lui est consacrée…

Il est faux de considérer que la consommation chinoise est structurellement faible. C’est au contraire l’une des plus dynamiques. Elle a ainsi progressé de 8% en termes réels par an au cours de la dernière décennie. La hausse de la consommation a nettement progressé, mais moins rapidement que l’investissement ou les exportations. Cette tendance remonte en fait à une vingtaine d’années.

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 Ainsi, en 2008, la consommation privée ne représentait que 35% du PIB chinois, après 51% en 1990. Or, on le sait, l’émergence d’une consommation de masse en Chine est à l’origine des thématiques de «rebalancement» ou «rééquilibrage» de la croissance mondiale. 

Après la grande crise de 2007-2009, qui a sanctionné un modèle de croissance assis sur des bulles immobilières et une croissance débridée du crédit dans un grand nombre de pays riches, il s’agit de ne pas faire du consommateur américain ou occidental (britannique, français, espagnol…) l’unique réassureur de la croissance mondiale, sachant qu’au cours des prochaines années, il sera pénalisé par une dynamique moins forte du crédit, un marché de l’emploi moins favorable et des hausses probables d’impôts

Il ne faut pas pour autant «rêver». Une politique d’activation de la consommation en Chine se heurte à de nombreux obstacles. L’effort structurellement élevé d’épargne des ménages chinois constitue certainement l’obstacle naturel le plus solide au développement de la consommation. Au-delà, le coût exorbitant des études supérieures et du logement constitue également un facteur d’explication

Dès 2003, les autorités chinoises avaient identifié ces déséquilibres et ont cherché à le corriger, mais sans succès. Les programmes gouvernementaux de soutien à la protection sociale lancés depuis n’ont touché que la moitié de la population des villes. Quant au grand plan de relance de l’automne 2008, il ne concernait qu’à hauteur de 8% la protection sociale des Chinois. Son extension aux zones rurales se heurte encore largement aux résistances des élites locales. 

Bref, il est difficile d’envisager la planification généralisée d’un système de protection sociale semblable à ce qui s’est produit dans un grand nombre de démocraties occidentales après la Seconde guerre mondiale. 

Plus fondamentalement, c’est aussi le partage de la valeur ajoutée entre le capital et le travail qui explique une part de cette sous-consommation. Le modèle de développement chinois, axé sur les industries intensives en capital, fortement orientées à l’exportation et à bas coûts de main-d’œuvre (système encouragé par la sous-évaluation du renmimbi, l’adhésion à l’Organisation mondiale du Commerce en 2001 et diverses incitations fiscales), a favorisé les profits au détriment des revenus du travail, entraînant une suraccumulation de l’épargne des entreprises

Le manque de maturité du système financier implique aussi un taux d’autofinancement structurellement élevé. Presque la moitié des entreprises cotées ne versent pas en fait de dividendes à leurs actionnaires. D’où une préférence naturelle pour la suraccumulation capitalistique. 

L’absence d’accès aisé au crédit de la part des ménages constitue aussi un facteur négatif; il ne représente que 13% du PIB contre 70% en Corée du Sud ou 48% en Malaisie par exemple.

 Plus directement, le développement de la consommation implique une extension et une modernisation des canaux de distribution dans ce pays, tout particulièrement dans les provinces. 

Le développement de la consommation des ménages chinois appelle également une modification de la politique de sous-évaluation du taux de change. L’appréciation du renminbi aurait de nombreuses vertus compatibles avec un développement de la consommation de masse en Chine; outre les gains de pouvoir d’achat pour les consommateurs, découragement du surinvestissement dans l’industrie, réduction de l’excédent commercial, allègement des pressions protectionnistes à l’étranger, incitation à une meilleure spécialisation et à une hausse de la compétitivité hors-prix des exportations…. 

Bref, le passage à une consommation de masse en République Populaire de Chine est un processus beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord. Cela requiert des changements structurels profonds par rapport au modèle de développement chinois à l’œuvre depuis trente ans. Ce changement se heurtera à des obstacles non seulement économiques, mais aussi sociologiques et politiques. Est-il ainsi possible de voir la consommation chinoise se développer sans développement parallèle de la démocratisation? 

Dès lors, si ce processus a lieu, l’hypothèse la plus probable et la plus souhaitable est celle d’une évolution graduelle et expérimentale

4 réponses »

  1. La chine, la chine, la chine qui s’éveille, la chine s’ouvre, la chine qui s’industrailise, la chine écolo: je viens de retrouver une revue de 1975 chez mes parents, en aidant à faire le tri dans les vieux placards. En 1975, on avait déja droit à la propagande comme quoi on allait voir ce qu’on allait voir avec la Chine, sous peu. Résultat, à l’aube de 2010, on a droit a toujours la même propagande (marque de fabrique du communisme?) et on nous cache toujours le vrai état de la chine: la misère, le pib par tête ridiculous, le travail à pas cher. Bref, il faut relativiser avec cette histoire de chine.

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