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Hedge funds , fonds spéculatifs : de la chasse aux sorcières au bûcher des vanités

En mars 1968, Pierre Viansson-Ponté avait écrit un fameux article intitulé «la France s’ennuie», annonciateur de désordres à venir. Aujourd’hui, il suffit de modifier deux lettres de ce titre pour résumer le message aussi discret qu’urgent que nous passent certains des meilleurs investisseurs de la planète: «la f (in) ance s’ennuie». Car de fortes tendances d’exclusion apparaissent. Elles sont le meilleur carburant du pessimisme et donc des marchés baissiers.

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Depuis des années, nous défendons la cause des hedge funds pour une raison essentielle: leurs animateurs, qu’ils gagnent ou qu’ils perdent, sont avant tout les propriétaires de plein droit des entités financières qu’ils dirigent. A ce titre, et pour autant que vous ayez su gagner leur confiance, ils vous diront sans fard la vérité telle qu’ils la lisent et la vivent.

A l’opposé, les hommes d’appareil sont d’abord là pour faire rentrer de l’argent dans leur tiroir-caisse s’ils entendent garder leur travail.

Cette dichotomie n’a jamais été aussi vraie que depuis quelques semaines. D’une part, la langue de bois officielle vous explique que les actions sont bon marché, les dividendes élevés et que les gouvernements maintiendront les taux bas; en conséquence, que les marchés financiers vont continuer à progresser.

De leur côté, les animateurs de hedge funds vous tiennent un tout autre langage. Ils avaient déjà réalisé l’année dernière les conséquences de l’incurie grecque, grosse comme une maison. Logiquement, ils s’étaient positionnés à la baisse sur la dette hellène.

Dans la foulée, et connaissant l’incohérence existentielle de l’euro (une union monétaire implique automatiquement à terme une union politique et fiscale), ils avaient vendu l’euro contre le dollar au meilleur moment. Bingo à nouveau.

Mais cette fois, ils n’ont pas droit à l’admiration de la foule mais à de vives critiques. Des gouvernements et des populations les montrent désormais du doigt et les transforment en boucs émissaires. Dans la foulée, les régulateurs annoncent que ces vilains spéculateurs devront se soumettre à toute sorte de contrôles. En bref, apparaissent de fortes tendances d’exclusion, le meilleur carburant du pessimisme et donc des marchés baissiers.

Ils ne le crient pas sur tous les toits mais nos vrais professionnels ont compris le message: les marchés financiers sont sous influence, voire même manipulés. Dans ces conditions, ils sentent le danger et augmentent fortement la liquidité de leurs portefeuilles, pourtant supposés être les plus agressifs qu’ils soient.

En mars 1968, Pierre Viansson-Ponté avait écrit un fameux article intitulé «la France s’ennuie», annonciateur de désordres à venir. Aujourd’hui, il suffit de modifier deux lettres de ce titre pour résumer le message aussi discret qu’urgent que nous passent certains des meilleurs investisseurs de la planète: «la f(in)ance s’ennuie».

Par François Gilliéron*

* fgillieron@atlascapital.ch

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EN COMPLEMENT :

L’industrie des hedge funds s’adapte au vent réglementaire

Le marché des solutions transfrontalières UCITS pourrait atteindre 8000 milliards d’euros en 2012, selon une estimation présentée lors d’un séminaire de Harcourt

Les hedge funds ont revu leurs ambitions à la baisse. 2008 a montré que l’objectif de rendement ­absolu était irréaliste. Même la considération des hedge funds comme une classe d’actifs a été remplacée. L’industrie parle dorénavant de solutions d’investissement alternatives. Lors du séminaire annuel du spécialiste en hedge funds Harcourt, jeudi et vendredi près de Zurich, les termes les plus cités ont été ceux de gestion du risque, d’information, de liquidité, de diversification, et de responsabilité sociale et environnementale.

Le scandale Madoff a accéléré la mutation. Castle Hall a mis en évidence 327 cas d’échec opérationnel de hedge funds en 2009, par fraude ou incompétence. L’impact de Madoff s’est élevé à 64 milliards de dollars, l’ensemble des autres à 15 milliards de dollars, a expliqué Andrew Weisman, patron de WR Group.

 Pourtant les hedge funds ne constituent nullement un risque systémique, selon le rapport des autorités britanniques (FSA) paru ces derniers jours. Le degré de levier des hedge funds (1,5) est par exemple bien inférieur à celui des banques européennes (30), selon Thomas Deinet, directeur du Hedge Fund Standards Board.

Dans l’alternatif, la vague réglementaire a notamment pris la forme de la directive AIFM, celle qui est la plus disséquée et discutée dans la profession. «Même s’ils ne créent pas de risque systémique, nous voulons obtenir davantage d’informations des hedge funds, améliorer la protection des consommateurs privés sans réduire leurs choix et améliorer l’intégrité des acteurs», a déclaré Thomas Deinet.

La première version de la directive a soulevé une tempête de reproches. La nouvelle mouture dite suédoise serait moins restrictive. Mais des ajustements restent à faire. Les critères définitifs pourraient avoir des relents protectionnistes. Les décisions seront prises au plus haut niveau, selon l’expert.

Ignorance du projet AIFM

Mais si l’impact de cette directive s’annonce considérable, beaucoup en ignorent les contours. C’est le cas de la moitié des gérants américains, selon un sondage d’Ernst & Young. Parmi ceux qui l’ont analysée, un sixième estiment devoir cesser leurs opérations dans l’UE si elle est adoptée dans sa forme actuelle. Ce changement d’environnement se traduit notamment par l’attrait croissant des plates-formes de comptes gérés (managed accounts). Cette solution permet à l’investisseur institutionnel de profiter du contrôle de son fonds, d’une liquidité supérieure et d’une transparence majeure, selon les experts de Harcourt.

L’autre grande tendance, c’est le développement fulgurant des UCITS III, des solutions liquides, réglementées et disposant du passeport européen. Harcourt pourrait prochainement également offrir un tel produit.

Leurs contraintes réglementaires portent sur l’interdiction d’investissement direct en matières premières, l’interdiction de l’endettement à des fins d’investissement, et une période de remboursement limitée à 14 jours. Les deux premières contraintes peuvent être levées à l’aide de dérivés, selon Henrik de Koning, associé de KdK AM. Toutefois la performance des UCITS III devrait être inférieure à celle des hedge funds offshore. C’est l’opinion des gérants et des distributeurs. Mais ces derniers en attendent beaucoup. Le marché des UCITS s’élève à hauteur de 5000 à 6000 milliards d’euros aujourd’hui et il devrait grimper à 8000 milliards d’euros en 2012, selon Henrik de Koning. La croissance des UCITS en trois ans correspond à la taille actuelle du marché des hedge funds, 2000 milliards.

L’expert doute pourtant de la réalité de certaines vertus accordées à ces produits. Meilleur marché? A voir. Plus transparents? L’établissement d’un bilan annuel audité n’augmente pas la transparence de ce rapport si l’on connaît l’importance des positions en dérivés et la difficulté à les comprendre. La mesure du risque sera supérieure, peut-être pas sa gestion, selon de Koning.

 Par Emmanuel Garessus le temps mars10

EN LIEN : Fonds gérés dans les hedge funds (cliquez sur le lien)

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