L’investissement dans les pays émergents est désormais à la mode. Surtout depuis que ces contrées, autrefois reconnues comme le paradis de la volatilité, sont de plus en plus considérées comme une façon de diversifier le portefeuille d’un investisseur moyen. Les pays du BRIC sont donc devenus incontournables. Mais le BRIC n’est-il juste qu’un acronyme?
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C’est ce que se demande The Economist dans un texte intitulé : « The trillion-dollar club ». (cliquez sur le lien)« Le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine ont de l’influence individuellement. Mais y a-t-il un sens à les traiter comme un bloc, tout comme n’importe quelle combinaison de pays émergents? » se demande le magazine.
Certes, reconnaît The Economist, aux dernières négociations sur le climat, on a vu un Barak Obama faire une visite surprise à son homologue chinois… pour se retrouver dans la même pièce que les dirigeants de la Chine, du Brésil, de l’Afrique du Sud et de l’Inde. Une coïncidence? De fait, les dirigeants des pays du BRIC et de l’Afrique du Sud se rencontrent chaque année depuis 2006. Leurs ministres des finances et une armada de fonctionnaires et de penseurs en font tout autant, encore plus régulièrement. Mais cela signifie-t-il quelque chose du point de vue de l’investisseur?
Le terme BRIC vient d’un économiste de Goldman Sach, Jim O’Neil. Sur un ton humoristique, The Economist affirme que si Goldman Sach a inventé le terme et le principe, le monde doit suivre! Mais au-delà des concepts marketing, celui du BRIC pèse désormais de tout son poids dans les cercles économiques. Et dans les esprits des investisseurs du monde entier.
Pas si riches mais pesants
Les pays du BRIC font la différence. Leurs économies, pris ensembles, occupent la quatrième place en dehors de l’OCDE. Ce sont les seuls pays émergents ayant un PIB de plus d’un trillion de dollars américains. Outre la Russie, ils ont profité de la croissance malgré la crise économique qui a frappé les pays développés. Sans eux, l’économie mondiale aurait souffert bien plus que ce que le monde a traversé depuis deux ans.
The Economist retient que les pays du BRIC ont appris à se connaître et se sont lancés dans de vigoureux échanges économiques. Leur commerce s’accroît : celui entre la Chine et l’Inde (deux ex-ennemis) atteindra 60G$US cette année. La Chine est devenu le plus grand marché pour les autres pays en émergence.
Les pays du BRIC sont également parmi les plus pollueurs de la planète. La Chine à elle seule émet 22% du dioxyde de carbone (CO2) mondial. La Russie occupe la troisième place et l’Inde, la quatrième.
Symbole de leur nouvelle puissance : les pays du BRIC détiennent désormais 40% des réserves mondiales de devises étrangères. La Chine domine ce club, avec des réserves époustouflantes évaluées à 2,4 trillions $US, assez pour acheter les deux tiers de toutes les actions des sociétés cotées au NASDAQ. Les réserves russes étaient pratiquement à zéro lorsque le pays a embrassé le capitalisme, en 1992. Elles sont de 420 G$US aujourd’hui. Si les pays du BRIC mettaient de côté le sixième de leurs réserves combinées, ils pourraient lancer une institution de la taille du FMI.
Pays Emergents : montant des réserves de changes et principaux fonds souverains (cliquez sur le lien)
Ces réserves leur ont permis de passer au travers de la crise sans trop de dommage, d’établir leur puissance et de s’endetter modestement pour soutenir la relance de leurs économies.
Pas cohérents
Les pays du BRIC, désormais reconnus comme des puissances montantes, ne partagent pas nécessairement les points de vue des pays riches. Ils abritent de larges populations pauvres et la lutte contre la pauvreté demeure leur priorité. Ils tentent actuellement de diversifier leurs économies, qui sont chaque jour davantage intégrées au marché mondial. S’ils ont attiré les critiques occidentales parce qu’ils ont moins libéralisé leurs économies que les nôtres, ils offrent un modèle crédible aux autres économies émergentes : ils se posent désormais comme une alternative au « consensus de Washington » (soit l’économie de marché à l’Américaine).
Pourquoi alors le BRIC pèse désormais de tout son poids dans les sphères économique et politique mondiales? Parce que les pays riches les considèrent désormais comme des acteurs incontournables. Spécialement depuis le G20 de 2008.
D’autre part, si la Chine entend prendre toute sa place comme prochaine grande puissance mondiale, elle veut le faire avec un certain sens de la discrétion. La Chine, en s’alliant à d’autres puissances émergentes, qui peuvent au passage lui vendre de précieuses ressources naturelles, peut faire passer ses demandes derrière le paravent commode du multilatéralisme. Ce soft power Chinois paraît plus acceptable au sein du BRIC que lorsque le géant Chinois se retrouve seul à une table, à dominer un groupe de pays émergents ou non.
Le principe du BRIC fait grandement l’affaire d’une multitude de pays dans le monde, qui craignent comme la peste l’émergence d’un éventuel G2 : le fameux couple Chinamerica.
Cela dit, le BRIC est encore aujourd’hui incapable de former un bloc solide et cohérent. Les économies de ses membres individuels sont en concurrence l’une envers l’autre, et avec l’Europe et les États-Unis. Deux de leurs membres sont autoritaires, deux sont de bruyantes démocraties, trois sont des puissances nucléaires, deux ont des sièges permanents au Conseil de sécurité de l’ONU, deux autres sont frustrés de ne pas bénéficier du même statut.
Un concept à raffiner
Le principe du BRIC attire aussi des critiques par sa composition même. La Russie suscite les doutes : sa population vieillit et sa main-d’oeuvre active rétrécit. Pourquoi ne pas inviter le Mexique, l’Indonésie ou l’Afrique du Sud à ce club des puissants de l’avenir? Et la Chine et l’Inde se détestent : ils ont mené une brève guerre en 1962 et se disputent quelques territoires à leurs frontières communes. Les puissances du BRIC se livrent une compétition permanente sur le front de l’aide aux pays pauvres, spécialement en Afrique, pour s’attirer leurs faveurs. Un peu comme les États-Unis et l’URSS au temps de la guerre froide.
Ce manque de cohésion n’empêche toutefois pas les pays du BRIC de commercer entre eux. Et de mutuellement stimuler leurs économies à la hausse. Même s’il pèse peu politiquement sur la scène mondiale, le BRIC, selon le concepteur de cet acronyme (O’Neill), permet tout de même un contrepoids face aux pays riches. « Ce qui force ces derniers à bouleverser leur vision quant à la façon dont ils gèrent l’économie mondiale ».
Impossible de ne pas ajouter que, du point de vue d’un investisseur, un simple placement dans l’indice MSCI des pays émergents en 2008 vaut aujourd’hui son pesant d’or. Et ça ne semble pas terminé…
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