Qui réglementera les régulateurs? par Henri Schwamm
Une réforme de l’encadrement de la place financière demande une coordination internationale. Mais rien n’est plus difficile.
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Les banques et autres établissements financiers sont toujours en quête du régulateur le moins contraignant. Ce n’est pas surprenant puisqu’ils cherchent à maximiser leurs rendements et n’ont donc aucune raison de se soumettre à des règles qui les placeraient dans une situation défavorable. À l’ère de la mobilité du capital, de l’absence de contrôle sur les mouvements de capitaux et de la mondialisation financière, ils peuvent choisir à leur guise le pays le plus accommodant.
Dans ces conditions, aucune réforme de la réglementation financière n’est théoriquement possible sans coordination internationale. Sinon, les acteurs se livrent systématiquement à l’«arbitrage réglementaire». Mais rien n’est plus difficile que d’amener les Etats à se coordonner en la matière. Frustrés par le manque de coordination, certains décideurs et de nombreux théoriciens plaident en faveur d’un «super régulateur mondial». L’ancien ministre social-démocrate allemanddes Finances Peer Steinbrück appelait de ses voeux une «autorité internationale posant les règles de fonctionnement des marchés financiers».
L’économiste Nouriel Roubini, dans son dernier livre Economie de crise – une introduction à la finance du futur, coécrit avec son collègue historien Stephen Mihm, trouve cette idée apparemment attrayante et «totalement impraticable». On peut comprendre, explique-t-il, que le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire émette des recommandations que les différents régulateurs transposent dans leur législation nationale.
Nouriel Roubini/Stephen Mihn : Economie de crise , une introduction à la Finance du futur (cliquez sur le lien)
Mais convaincre l’ensemble des régulateurs, ainsi que les léislateurs «qui les ont créés», d’abandonner tout ou partie de leur autorité à un régulateur unique et tout-puissant est proprement impensable. La preuve? Des versions plus modestes de cette idée ont lamentablement échoué:
les tentatives de faire de la Banque centrale européenne le régulateur en chef des établissements financiers situés dans les pays membres de l’Union européenne ont avorté. La réglementation des banques européennes reste du ressort des banques centrales des différents pays.
Nouriel Roubini va plus loin en affirmant que même si toutes les grandes économies avancées pouvaient se mettre d’accord sur la création d’un super régulateur mondial, ce ne serait pas une bonne idée, car «créer un régulateur unique consisterait à confier des responsabilités excessives à une seule entité, qu’elle soit ou non à la hauteur de la tâche ». Et il enfonce le clou en soulevant deux questions essentielles restées jusqu’ici sans réponse:
«Les réglementations les plus cohérentes et les plus complètes ne servent à rien si elles ne sont pas correctement mises en oeuvre.
Pour le dire autrement, une réglementation ne vaut que ce que vaut le régulateur chargé de l’appliquer.
Comment devrions-nous gérer ce problème?» Et qui garantira que ceux qui ont la responsabilité du maintien de l’ordre rempliront leur devoir efficacement et de façon désintéressée? En d’autres termes: Qui réglementera les régulateurs?
HENRI SCHWAMM Université de Genève juin10
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