Les banques, le (faux) stress de l’été
La Coupe du monde de foot, la mission d’informateur de Bart De Wever, un mariage monégasque auquel on ne croyait plus… Les sujets palpitants n’ont pas manqué ces dernières semaines. Mais que dire des banques ! Elles en ont fait voir de toutes les couleurs aux marchés et à leurs actionnaires. Et ce n’est en principe pas fini.
PLUS DE BANKSTERS EN SUIVANT :
Avec la fin des prêts à un an de la Banque centrale européenne, d’aucuns frémissaient à l’idée que certaines institutions financières ne se retrouvent à court de liquidités. Les 346 tonnes d’or déposées durant les mois précédents à la Banque des règlements internationaux (BRI), en échange de 13 milliards d’euros de cash, ne plaidaient-ils pas en ce sens ?
Rumeur et questionnement : Mais à qui sont ces 346 tonnes d’or ? (cliquez sur le lien)
Finalement, les prêts à plus court terme demandés à la BCE, en relais des précédents, portèrent sur des montants sensiblement inférieurs aux attentes. Non, les banques européennes n’étaient pas aux abois !
BCE – 59 milliards d’euros d’obligations POURRIES rachetées au 2 juillet (cliquez sur le lien)
Le sentiment des investisseurs à leur égard vient du reste de se raffermir, la composante bancaire de l’indice boursier européen Stoxx 600 gagnant 11 % en une semaine à peine. On se souvient que le secteur avait connu des sautes d’humeur bien plus spectaculaires au printemps : une chute de 21 % en trois semaines, lors de la crise grecque, et un rebond phénoménal de 15 % le 10 mai, lors de l’annonce du plan de sauvetage européen. Chahutées comme de vulgaires valeurs spéculatives, les banques ! Et toujours mal aimées, puisque le secteur reste en repli de 5 % depuis le début de l’année, alors que l’ensemble du marché est à l’équilibre.
Et elles n’ont pas fini de faire l’actualité, nos banques européennes. Le vendredi 23 juillet, on connaîtra les résultats de ces fameux tests de résistance menés sur 91 d’entre elles par le Comité européen des contrôleurs bancaires (CEBS). A la manière des stress tests auxquels les banques américaines ont dû se prêter l’an dernier. Et sur l’insistance des mêmes autorités américaines, confirme-t-on en coulisse : on est apparemment plus inquiet là-bas qu’ici de la santé du secteur bancaire européen.
En attendant, commentaires, critiques et autres supputations vont bon train. Lundi dernier, le Handelsblatt allemand croyait savoir que 10 à 15 % des banques ne passeraient pas la rampe, y compris l’une ou l’autre Landesbank. D’autres, dont Crédit Suisse, ont déjà évoqué plusieurs dizaines de milliards d’euros de capitalisation complémentaire pour ces banques publiques allemandes, tout comme pour les cajas espagnoles. Beaucoup ont par ailleurs jugé les critères (officieux) des tests trop peu sévères. «Les 17 ou 20 % de décote sur les emprunts grecs ? C’est une plaisanterie, alors que le marché envisage aujourd’hui 60 % !», tempête un analyste.
RBS stresse en testant les Banques Espagnoles… (cliquez sur le lien)
On avait formulé des critiques semblables à l’égard des stress tests américains. Pourtant, quand ils révélèrent que 10 banques avaient besoin de 75 milliards de dollars, ils furent pris pour parole d’évangile et Wall Street s’est définitivement apaisée. C’est peut-être dans cet esprit que Washington a jugé ces tests européens indispensables. Moins sensibles à la psychologie des marchés, les Européens s’en seraient visiblement passés et certains pays, dont l’Allemagne, s’y sont longtemps opposés. La raison en est simple : les Etats ne vont évidemment pas laisser tomber les banques. S’ils les ont parfois sauvées en 2008, ce n’est pas pour les laisser en rade aujourd’hui, alors que l’effort éventuellement à consentir sera beaucoup moindre. Un important banquier renchérit : «Les banques ont eu besoin des Etats et ce sont maintenant les Etats, dramatiquement impécunieux, qui ont besoin des banques. Les deux parties sont solidaires sur la même galère. Alors, les stress tests…» Il en sera toutefois abondamment question dans les jours qui viennent. A défaut de Coupe du monde de foot…
Guy Legrand, directeur adjoint de Trends-Tendances juil10
EN COMPLEMENT : L’heure de vérité pour les banques
16 juillet 2010 | THE ECONOMIST LONDRES
Les résultats des tests de résistance auxquels ont été soumises les banques européennes seront publiés le 23 juillet. Mais cette transparence doit être bien organisée, sous peine d’entamer un peu plus le capital confiance des marchés, prévient The Economist.
Quand l’Amérique avait imposé des tests de résistance aux situations extrêmes à ses banques en 2009, elle avait contribué à endiguer la panique à Wall Street. La Réserve fédérale avait mis son nez dans les livres de comptes des banques, réclamé une présentation cohérente de la gravité des pertes éventuelles et obligé les établissements qui manquaient de capital à en lever davantage, le contribuable jouant le rôle d’investisseur de dernier recours.
L’UE va bientôt suivre cet exemple, les résultats devant être communiqués le 23 juillet. Pourtant, si les tests américains ont été exécutés avec une rigueur toute militaire, les efforts européens ont sombré dans le chaos – faisant davantage penser à une dispute sur les quotas de pêche à la morue qu’à la recapitalisation du plus grand système bancaire du monde.
Les banques et la transparence ne font pas bon ménage
Les banques et la transparence font rarement bon ménage. Quand un constructeur automobile reconnaît qu’il a un problème, ses usines sont toujours là une semaine plus tard. Qu’une banque fasse de même, et c’est la ruée dévastatrice sur ses comptes. C’est pourquoi les régulateurs préfèrent parfois s’occuper des banques en faillite à l’abri des regards. Or, quand la confiance s’est presque totalement évaporée, la lumière du jour est le seul remède qui subsiste. C’est ce qui s’est passé au Japon en 2002-2003, quand des banques zombies ont été poussées à reconnaître leurs mauvaises créances, et aux Etats-Unis l’an dernier.
L’Europe en est arrivée au même point. Certaines banques se sont retrouvées exclues des marchés des emprunts internationaux. D’aucuns redoutent en effet qu’elles ne soient emportées par les malheurs de l’Europe du Sud et les soupçonnent de conserver des prêts toxiques datant des années de prospérité. Tant que la foi ne sera pas restaurée, le système bancaire du continent, qui dépend lourdement des emprunts de gros, risque un effondrement de son financement. Ce qui obligerait les banques à s’appuyer encore plus massivement sur les banques centrales et les gouvernements pour refinancer leurs dettes. Cela pourrait également déclencher une récession à deux chiffres.
La tâche est énorme. Le système bancaire européen est beaucoup plus important que son équivalent américain : 91 banques sont soumises à des tests, contre 19 à Wall Street. De plus, ne disposant pas d’une institution unique dotée de l’autorité et des ressources de la Fed [la Banque fédérale américaine], les tests sont menés par une mosaïque de régulateurs nationaux, la Commission européenne, la Banque centrale européenne et un organisme non gouvernemental quasi-autonome, le Comité européen des contrôleurs bancaires.
Les banques allemandes, qui ont également souffert de la crise mais peuvent toujours emprunter à faible taux grâce à la bonne santé de leurs finances publiques, ont d’ores et déjà indiqué qu’elles n’étaient pas inquiètes. Ces tests pourraient noyer le problème de la dette souveraine en misant sur des pertes liées à des portefeuilles de négociation et non à des crédits. Contrairement aux Etats-Unis, l’Europe semble déterminée à utiliser une définition assez vague du capital qui ne fait plus figure d’indicateur de référence pour les marchés en matière de solvabilité.
Il est nécessaire que certaines banques échouent à ces tests
Il est trop tard pour réparer ces erreurs mais il est également trop tôt pour balayer les résultats de ces tests d’un revers de la main. L’Europe a maintenant besoin de faire trois choses. Tout d’abord, il est nécessaire que des banques échouent à ces tests. Un résultat de 100 % de réussite prouverait seulement que les questions posées n’étaient pas assez difficiles. Heureusement, certaines entreprises indiquent que le niveau des tests a été relevé à la dernière minute.
Deuxièmement, même s’il est politiquement impossible de chiffrer le risque d’un défaut de paiement, cette éventualité doit être abordée avec lucidité. Chaque banque doit publier en détail les opérations réalisées dans des économies à risque. Comme par le passé, il est probable que certaines banques minimisent leur vulnérabilité. Ces tests revêtiront une importance cruciale en Espagne, le grand pays qui inquiète les investisseurs. Si l’Espagne affiche une dette publique moins importante, certains craignent toutefois qu’elle n’ait pas les moyens de sauver ses banques d’épargne. Ces peurs semblent exagérées car de toute manière, l’Espagne pourrait toujours bénéficier du nouveau plan de sauvetage européen. Mais les régulateurs et les responsables politiques doivent à présent traduire les paroles en actes, même si certains autres pays sont plus laxistes avec leurs banques.
Enfin, ces tests doivent être mis en œuvre de manière compétente. La dernière chose dont l’Europe a besoin, c’est de publier les résultats de 91 banques en ordre dispersé, avec des conclusions contradictoires et aucun plan de recapitalisation pour les établissements recalés. Le pire ne serait pas que ces tests ne servent à rien mais qu’ils entament un peu plus le capital de confiance des banques européennes.
EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Jean Pierre Petit : Apports et limites des stress tests (cliquez sur le lien)
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