Au coeur de la création de richesse : l'Entreprise

Quand la Chine (sociale) s’éveillera

Quand la Chine (sociale) s’éveillera

La Chine est-elle en train de devenir une économie comme les autres ? Et donc, de cesser d’être un Eldorado pour les entreprises occidentales ? On est sans doute loin du compte. Mais certaines évolutions pourraient venir beaucoup plus tôt que prévu.

PLUS/MOINS DE CHINE EN SUIVANT :

Il y a quelques semaines, une vague de suicides a ainsi touché l’entreprise technologique Foxconn, dans le sud de la Chine. En cause, les bas salaires, les mauvaises conditions de travail et la banalité de la vie dans les cités dortoirs proposées aux travailleurs de ces villes-champignons.

Dans le même temps, le mouvement social s’est étendu à de nombreuses entreprises de la région. Ce qui faisait mauvais genre, non seulement pour les Chinois mais aussi pour les entreprises occidentales (comme Apple, Dell ou HP) qui font appel aux services de ces sous-traitants. Et, surprise, les employeurs chinois ont craqué, comme n’importe quel patron européen. Ils ont octroyé à leurs travailleurs des augmentations salariales de 20 à 70% ! Ce qui pèsera évidemment sur le prix de revient des produits fabriqués par ces entreprises…

La semaine dernière, une enquête révélait aussi que la Chine n’avait toujours pas renoncé à ces vieux démons que sont la bureaucratie et le protectionnisme. Une tendance qui se renforcerait même au fur et à mesure que les entreprises locales deviennent capables de concurrencer les producteurs étrangers.

Au fil de l’évolution du modèle économique chinois, les atouts indéniables de  » l’usine du monde  » (bas salaires, main d’œuvre innombrable et docile) auront tendance à s’amenuiser. Or, dans un tel contexte, d’autres économies asiatiques, à commencer par l’économie indienne avec ses travailleurs qualifiés et anglophones, ont peut-être davantage d’atouts dans leur jeu.

 par Martine Maelschalck echo juil10

EN COMPLEMENTS : De la Chine au Vietnam, l’Asie « low-cost » se rebelle

Le mouvement d’humeur s’étend. Après les ouvriers chinois, les Cambodgiens et Vietnamiens demandent des augmentations de salaires.

Dernière annonce en date : la Confédération cambodgienne du travail a annoncé son intention d’entraîner ses 50.000 membres dans une grève de trois jours dans le courant du mois. Elle réclame une augmentation du salaire minimum des ouvriers textiles de 50 dollars (USD) aujourd’hui à 93 dollars par mois. Le syndicat justifie ses exigences par la vague d’augmentation de prix, qui déferle sur la nourriture, les logements, les transports… En juin, le gouvernement avait déjà appelé l’industrie à augmenter les salaires de 5 dollars bien loin des ambitions syndicales. Le Vietnam voisin a lui aussi montré qu’il n’a pas peur non plus de débrayer. Quelque 10.000 ouvriers d’une usine de chaussures du sud se sont récemment mis en grève pour obtenir primes et augmentations salariales. Se pourrait-il que la vague de mouvements d’humeur chinois fasse tache d’huile ?

Grèves en cascade

Ces dernières semaines, la Chine ouvrière a bouleversé l’image d’Épinal qu’elle donnait depuis le réveil industriel du pays.

En quelques semaines, une nouvelle classe de jeunes ouvriers plus confiante, plus ambitieuse a remporté des victoires éclatantes contre les entreprises étrangères qui les emploient. Les ouvriers de Foshan Fengfu Auto Parts sous-traitant de Honda ont ainsi obtenu une augmentation de 24% de leur salaire mensuel de base. Et chez Foxconn, le sous-traitant taïwanais d’Apple, la grève a débouché sur 70% d’augmentation de salaire. Les plus grandes victoires ouvrières concernent la fixation des salaires minimums locaux: dans le Guangdong (Sud-Est), berceau de l’industrie chinoise, le salaire minimum a par exemple augmenté de 20%. Mais la vague de mauvaise humeur n’est peut-être pas finie. Fin juin, les 2.800 ouvriers d’une usine de Mitsumi Electric à Tianjin (Nord-Est) se sont mis en grève, toujours pour réclamer des augmentations salariales.

Tache d’huile ?

L’esprit revendicatif chinois est-il en train de s’étendre à toute l’Asie du Sud-Est ? « Ces grèves interviennent à un moment clé en Chine: Pékin est en train d’anticiper un rééquilibrage du modèle de développement chinois, les autorités veulent progressivement favoriser le développement de la consommation des ménages », souligne Christine Peltier, économiste, spécialiste de l’Asie de l’Est chez BNP Paribas. Les augmentations de salaires, encouragées par les autorités vont participer à l’augmentation du pouvoir d’achat des masses chinoises, au même titre que les réformes du système de protection sociale qui sont envisagées. Au Vietnam ou au Cambodge, la situation est très différente. « Le Vietnam n’est pas au même stade de développement que la Chine, les salaires y sont bien inférieurs, et si relocalisation de la production chinoise il doit y avoir, elle se fera probablement vers ces régions, indique l’économiste. Les revendications salariales répondent à l’inflation qui y sévit, mais ne sont pas accompagnées des mêmes changements structurels qu’en Chine. »

On ne doit donc pas s’attendre à ce que les grèves du Cambodge et du Vietnam aient un impact significatif sur la structure de l’économie régionale. D’autant que l’Organisation internationale du Travail (OIT) souligne que les mouvements sociaux ne sont pas exceptionnels dans ces pays. Selon elle, le nombre de conflits sociaux a augmenté de manière substantielle ces cinq dernières années. On a recensé quelque 720 cas de conflits sociaux au Vietnam en 2008 contre à peine 70 en l’an 2000. Il ne faut donc pas voir de lien de causalité entre le vent rebelle chinois et les nouveaux ateliers bon marché d’Asie.

Le coût du travail au Laos, au Cambodge ou au Vietnam reste très compétitif. Le salaire minimum cambodgien est l’un des plus faibles du monde (50 dollars pour un ouvrier textile). Et le Cambodge reste l’un des pays les plus attractifs pour les industries à faible valeur ajoutée. Non seulement le coût du travail y est moins élevé qu’en Chine, mais les entreprises peuvent être détenues à 100% par des étrangers. Rien qu’au cours du premier trimestre 2010, 290 nouvelles entreprises étrangères se sont enregistrées dans le pays, selon le ministre du commerce cambodgien. Les mouvements de grève ne remettent pas en cause la translation des industries à faible valeur ajoutée de la Chine vers ses voisins sud-est asiatiques.

L’Echo juil 10

3 réponses »

Laisser un commentaire