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La crédibilité des stress tests bancaires en Europe (2/4) par Jean Pierre Petit

La crédibilité des stress tests bancaires en Europe (2/4) par Jean Pierre Petit

Jean-Pierre Petit  Les hypothèses retenues aux Etats-Unis n’étaient pas plus sévères. Personne ne nie aujourd’hui la réussite de l’opération

LES TESTS DE PERTES DES DETTES  SOUVERAINES NE PORTENT QUE SUR LE PORTEFEUILLE DE TRADING ET NON PAS SUR LE PORTEFEUILLE BANCAIRE.

PLUS DE PETIT EN SUIVANT :

Dans la situation de stress, le ratio de capital moyen des banques couvertes passerait de 10,3% fin 2009 à 9,2% fin 2011. Les perteset dépréciations cumulées en situation de stress sont de 566 milliards d’euros (dont 67 liées aux pertes associées au risque souverain et 39 directement imputables aux expositions souveraines).

Seuls 7 établissements ont été «recalés » (dont cinq caisses d’épargne espagnoles), ce qui représente un taux de réussite de 92% (contre 47% dans le cas américain en raison de la limite plus restrictive de 4% sur le ratio Core Tier One, alors que le taux de réussite y était proche de 90% pour la limite identique de 6% sur le ratio Tier One).

Cela aboutit à un besoin de recapitalisation de 3,5 milliards d’euros (dont 1,2 milliard pour Hypo Real Estate, l’établissement le plus fragile). Cependant, il faut noter qu’une dizaine d’établissements (12) passent «de justesse» (i. e. avec un ratio Tier One inférieur ou égal à 6,6%), ce qui créera une«pression» et, sans doute, des besoins de recapitalisation supplémentaires.

Les hypothèses retenues font-elles de ce rapport un rapport crédible?

Les hypothèses macroéconomiques sont crédibles:

 -3 points de pourcentage de déviation pour le PIB de l’Union Européenne par rapport aux prévisions de la Commission Européenne pour 2010 et 2011. Pour 2010, le PIB de l’Union Européenne stagne et il baisse légèrement dans la zone euro. Compte tenu des effets d’acquis, cela signifie en fait que l’Europeentrerait immédiatement en récession et y demeurerait en 2011 (scenario de «double-dip»). La période de 2 ans est par ailleurs pertinente (horizon raisonnablepour le marché, …) et correspond aux stress tests les plus usuels.

Les stress appliqués d’ici fin 2011 aux autres facteurs de risque sont également importants: les taux court terme seraient relevés de 125 pb, les actions et l’euro (face au dollar) corrigeraient de 20%, le pétrole de 30%, les spreads de crédit augmenteraient de 40% et la volatilité des marchés progresserait globalement de 60%.

Par ailleurs, le choc appliqué aux prix immobiliers est également important (-15% en 2 ans en moyenne pour l’Union Européenne, allant de -3,6% en Italie à -23% en Espagne).

S’agissant du risque souverain, il s’agit d’une détérioration plus importante que celle observée au pic de la crise grecque début mai 2010. En effet, le choc de taux modélisé correspond à un choc sur l’ensemble des pays européens (de 75 pb), intégrant les spreads les plus élevés en mai-juin pour chaque pays (40pb en moyenne), plus une fraction de la volatilité des taux de chaque pays en 2010 (30pb en moyenne). Certes, on n’envisage pas à proprement parler de défaut souverain dans la mesure où les autorités estiment que l’existence de la Facilité Européenne de Stabilité Financière assure en elle-même que cela n’interviendra pas, ce qui apparait justifié à horizon à 2 ans.

Mais le trading book des banques est impacté par de fortes tensions sur la dette souveraine. Ainsi les haircuts issus des hausses de taux sur les emprunts publics sont conséquents; le taux moyen pondéré des emprunts à 5 ans passe ainsi de 2,69% à fin 2009 à 4,60% fin 2011. Pour la Grèce, cela représente un taux de 13,87% contre 8,23% à fin mai 2010 (haircut de 23,1%). Pour l’Espagne, cela représente un taux 5,78% à fin 2011 contre 3,34% à fin mai 2010 (haircut de 12%).

La critique de manque de crédibilité est injuste. D’abord parce que le taux de perte sur les crédits est historiquement relativement peu élastique aux conditions macroéconomiques dans la zone euro dans son ensemble sur un an. Ensuite et surtout parce qu’il ne s’agit pas d’ajouter de la pro-cyclicité à l’envers. Annoncer des hypothèses beaucoup plus sévères présenterait le risque d’être au moins en partie auto-réalisant. Un stress test doit s’appuyer sur des risques plausibles bien que peu probables, et non pas nécessairement extrêmes.

Une critique semblable avait été faite sur les stress tests américains.

Les hypothèses retenues aux Etats-Unis (-3,3% de croissance du PIB pour 2009 et 0,5% pour 2010) n’étaient pas particulièrement plus sévères. Or, personnene nie aujourd’hui la réussite de cette opération.

Certes, les tests de pertes des dettes souveraines ne portent que sur le portefeuille de trading (soit moins d’1/4 des expositions bancairesau risque souverain) et non pas sur le portefeuille bancaire.

Ainsi pour les 4 banques françaises couvertes, les expositions souveraines représentent 196 milliards d’euros au titre du portefeuille bancaire (bankingbook) et 42 milliards au titre du portefeuille de négociation (trading book).

Trois arguments peuvent cependant être opposés:

– il était difficile pour les instances européennes de tester le défaut des obligations souveraines (surtout à horizon 2 ans) compte tenu des nouveaux mécanismesde stabilisation financière mis en place début mai comme on l’a évoqué plus haut;

– c’est tout de même à notre connaissance la première fois qu’une instance publique oblige à stresser des obligations publiques.

Tel n’avait pas été le cas dans les stress tests américains, alors même que des tensions avaient pu être observées sur la dette de certainsEtats fédérés (Municipalbonds):

– les conséquences de hausse des taux souverains dans le banking book privé (impact de la hausse des coûts de financement) sont prises en compte.

Enfin, les résultats publiés comprennent les expositions souveraines vis-à-vis de chaque pays européen banque par banque (sauf pour les Landesbanken), dans le trading et le banking book, levant ainsi l’incertitude et permettant au marché d’appréhender le risque spécifique de chaque banque.

D’une manière générale, il n’y a pas de stress test parfait et incontestable.

Celui-ci, ne l’oublions pas, est avant tout le résultat d’un compromis politique rapide entre les principales instances de régulation.

JEAN-PIERRE PETIT économiste et Stratégiste de marché

BILLET PRECEDENT : Jean Pierre Petit /Les stress tests en Europe (1/4) (cliquez sur le lien)

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