Gribouille et l’épargne par Yves de Kerdrel


D’abord, s’attaquer à l’épargne, c’est s’en prendre aux fruits du travail des Français. Un travail largement imposé, et qui permet de temps à autre à quelques contribuables responsables de mettre un peu d’argent de côté pour le faire fructifier en Bourse, à travers l’assurance-vie ou dans la pierre. Ces pécules sont des matelas bien nécessaires au moment où les perspectives en matière de retraite s’assombrissent. La France, qui bannit le principe de la double imposition, accroît fortement toutes les taxes sur le patrimoine et ses revenus au moment où les Français en ont le plus besoin. Premier paradoxe.
Ensuite, s’attaquer à l’épargne, c’est brider la croissance du pays. Sait-on que les 1.425 milliards d’euros placés en assurance-vie financent à hauteur des deux tiers la dette française ? Sans l’effort d’épargne de nos concitoyens, la France serait la proie des fonds souverains et la bête noire des agences de notation. Sans compter tout ce que l’épargne en actions apporte à ces locomotives de la croissance que sont les grandes entreprises cotées.
Enfin, raboter telle ou telle niche fiscale va, certes, permettre d’économiser une petite dizaine de milliards d’euros, mais il est regrettable que l’Etat préfère une fois encore s’en prendre aux particuliers plutôt qu’à son propre train de vie et à ses 1.000 milliards de dépenses publiques dont la Cour des comptes dénonce régulièrement la gabegie.
Chacun connaît le personnage de Gribouille, qui, pour échapper à la pluie, a fini par plonger dans un lac. C’est le même comportement qu’adopte l’Etat en s’en prenant à cette épargne, qui est le levain de la croissance, pour ne pas avoir à se remettre en question. Et, une fois de plus, les Français paieront !
PAR YVES DE KERDREL | JDF HEBDO | 21.08.2010
EN COMPLEMENT : Un Etat sans parole.
PAR GABRIEL MILESI | JDF HEBDO | 21.08.2010
La petite embellie de la croissance française n’efface pas les problèmes. Tandis que les déficits plongent, les hauts fonctionnaires se creusent la tête pour rentrer dans les rails. Si les grandes agences de notation se montrent encore clémentes, elles commencent à brandir des menaces. Le « triple A français », qui permet d’obtenir les taux d’intérêt les plus avantageux, pourrait baisser d’un cran. « Les défis liés aux ajustements budgétaires impliquent que le chemin à parcourir avant un abaissement de la note s’est encore réduit », indique avec des pincettes diplomatiques l’agence Moody’s.
Le gouvernement français a promis de ramener d’ici à 2013 son déficit public de 8 % à 3 %. L’effort est colossal. Le gouvernement a déjà annoncé une batterie de mesures : réforme des retraites, non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique, baisse du budget de la moitié des ministères, gel des fonds accordés aux collectivités locales… Mais cela ne suffira pas car il faut du temps avant que ces décisions, salutaires, ne portent leurs fruits. Or la France a besoin de résultats immédiats. Comme il n’est pas question d’augmenter des impôts, qui battent déjà des records, nos responsables économiques raclent les fonds de tiroir. Et quoi de mieux que de tailler dans les célèbres niches fiscales !
Elles ont bon dos, les niches fiscales ! Qui les a créées sinon les gouvernements successifs ? Avec chaque fois la volonté d’orienter l’épargne vers un secteur particulier. Avec l’idée d’accorder un avantage fiscal en échange d’un placement qui intéressait alors le gouvernement. Il fut un temps ou pour régler un problème, on créait une commission. Il en fut un autre où l’on proposait un gain fiscal. Bien sûr, comme pour les acquis sociaux, aucun de ces avantages n’a jamais été remis en question.
Depuis des années, il est prévu de passer au peigne fin toutes les dépenses de l’Etat et de supprimer tout ce qui n’apporte rien à la marche de l’économie, à l’emploi. Combien d’organismes ont-ils été supprimés ? La liste reste à publier. En revanche, aucun président ne s’est privé d’en créer de nouveau. Pour qui ? Pour quoi ?
Un rapport de l’Inspection générale des finances déplore aujourd’hui qu’aucun objectif prioritaire ne se dégage de la profusion de dispositifs fiscaux accumulés au fil du temps. L’Etat soutient tous les types de placements, qu’ils soient risqués ou non, bloqués ou non. Et cela pour un coût de 11,5 milliards en 2009. Et, naturellement, l’assurance-vie est dans le collimateur. Le rapport estime qu’elle remplit de moins en moins ses objectifs que sont le renforcement des fonds propres des entreprises et le financement de l’Etat. Et de préconiser de ne soutenir que les placements en actions.
Mais qui a financé l’Etat pendant des années si ce n’est l’assurance-vie, en achetant à tour de bras, quand les temps étaient difficiles, les emprunts émis par l’Etat ?
L’Etat joue avec les contribuables selon son bon plaisir. L’Etat français d’aujourd’hui n’a pas de parole. Il incite les contribuables à rentrer dans son jeu et n’hésite pas à remettre tout en question quand bon lui semble.
Souscrire une assurance-vie, c’était souscrire un contrat avec l’Etat. La gauche l’a déjà remis en question en augmentant la fiscalité. Si la droite poursuit dans cette voie, qui peut avoir confiance en l’Etat ?
De même, remettre en question l’exonération de charges fiscales pour les employées de maison ne peut qu’inciter à les licencier et à revenir au travail au noir.
L’économie repose sur la confiance. Si l’Etat lui-même rompt cette confiance, qui peut être confiant pour le lendemain ?
Le plus étrange – et l’on peut se demander pourquoi -, c’est que, parmi les niches fiscales qu’il s’agit de raboter, ne figure pas celle qui a pour objectif d’investir dans le cinéma. Serait-il devenu la priorité des priorités ?
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J’ai beau être assez libéral, je ne partage pas ce point de vue.
L’endettement ne pourra se réduire que si l’on fait des efforts de toute part, sur la dépense de l’état bien sur mais aussi en rognant certains avantages dispensés par l’état