Art de la guerre monétaire et économique

La croissance chinoise, un mirage?

La croissance chinoise, un mirage?

La croissance chinoise actuelle est basée sur du vent. C’est l’opinion d’une minorité d’investisseurs, surtout des gestionnaires de fonds de couverture.Bien qu’ils soient peu nombreux, leurs arguments ont du poids.C’est en particulier l’opinion des des plus brillants d’entre eux : Hugh Hendry… 

PLUS DE HENDRY DE CHINAMERICA ET DE GAVE EN SUIVANT :

Cette opinion à contre-courant est exprimée dans le texte « Bulls and Bears do battle over China » (Les bulls et les bears se battent autour de la question chinoise)dans le Financial Times. Essentiellement, ces gestionnaires de fonds de couverture affirment que la croissance chinoise, propulsée avant tout par l’immobilier, est en fait une bulle sur le point d’éclater.

Certains d’entre eux, comme Hugh Hendry, a pris l’avion pour l’Empire du Milieu, avec sa caméra vidéo, pour filmer l’entrée de nombreux édifices flambant neufs des grandes villes chinoises, notamment à Chongqing et Guangzhou.Ils souhaitent ainsi démontrer que personne n’entre ou ne sort de ces tours pratiquement vides.

Les bears considèrent que le simple fait que l’indice principal de la Bourse de Shanghai ait gagné 12% en seulement six séances consécutives en octobre constitue une preuve supplémentaire en faveur d’une bulle.

L’indice se situe loin du sommet de 2007, mais tout de même à 25% plus élevé que le creux de juillet dernier. Ce qui correspond, selon les investisseurs pessimistes, à un véritable marché bull.  Un marché haussier étant défini comme une obtention de + 20% de gain ayant été précédée par une baisse d’au moins 20%. De son plus bas le 5 Juillet, l’indice composite de Shanghai est désormais en hausse de 25%.

Mais pour combien de temps?

Tout va bien

Les grandes banques d’investissement comme Morgan Stanley et Goldman Sach se situent dans le camp des optimistes. Cette dernière estime que, dans les vingt prochaines années, le marché des actions de la Chine va dominer celui des États-Unis et devenir le leader mondial.

Plusieurs gestionnaires de fonds reconnus pour leur position neutre, comme la filiale chinoise de la firme Schroeder, demeurent positifs sur la croissance chinoise. Ils écartent la possibilité d’une bulle.

Quelques-uns diffèrent, comme ceux de la firme Lombard, qui considèrent que les investisseurs ne veulent tout simplement pas envisager l’idée que la croissance phénoménale de la Chine pourrait ralentir ou même s’arrêter. Car les deux locomotives de la croissance chinoise, les investissements et les exportations, croissent de façon insoutenable.

« Ils sont sur un tapis roulant de l’enfer et ils ne peuvent en débarquer », commente Hugh Hendry. Ce dernier dresse un portrait troublant des fleurons de l’économie chinoise qui sont listés en Bourse. Il souligne des structures floues de propriété, de la comptabilité agressive, des flux de trésorerie anémiques et des transactions douteuses avec des sociétés « affiliées ».

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« Kapitalisme d’Etat » : Les entreprises publiques chinoises prospèrent à l’abri d’une « économie socialiste de marché » accommodante

Ce dernier se dit également pessimiste sur l’avenir des firmes étrangères faisant affaire avec la Chine, spécialement celles du Japon. Et il n’est pas le seul. Plusieurs croient qu’une baisse éventuelle de la croissance chinoise affectera profondément des pays comme le Brésil et l’Australie, de gros exportateurs de commodités vers l’Empire du Milieu.

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Cela dit, certains économistes, comme Andy Xie, une vedette de la finance asiatique et ex-chef économiste chez Morgan Stanley, rétorquent que des investisseurs comme Hugh Hendry ne comprennent pas la Chine. Cette dernière ne fonctionne pas selon les mêmes principes économiques que ceux appliqués en Occident. Car la Chine est dirigée par des bureaucrates autoritaires. Et ces derniers vont tout faire pour éviter l’éclatement d’une bulle immobilière.

Andy Xie croit que les mesures adoptées par Beijing, soit le resserrement du crédit pour l’achat d’une deuxième ou d’une troisième propriété, ont effectivement ralenti la spéculation.

EN LIEN Hugh Hendry, Son Rapport (pdf)

EXTRAITS : Concernant le developpent chinois : Trois facteurs distincts ont été au travail: la libération de 50 millions de travailleurs entre 1998 et 2005 à destination des entreprises détenues par l’État (entreprises publiques), une estimation  de 20 à 30 millions de nouveaux migrants  des zones rurales vers les zones urbaines et la croissance rapide de la population en âge de travailler. A noté que dans la fin des années 1990, le chômage urbain a été élevée en raison de l’effondrement de la demande asiatique après la crise asiatique ce qui exerçait une forte pression à la baisse sur les salaires. Mais tous ces facteurs qui ont permis àla main-d’œuvre de se développer, soit ne sont plus positifs, voire sont mème en marche arrière.

Par exemple les taux de chômage dans les zones urbaines sont faibles comme en témoigne la forte augmentation des salaires, ajouté au fait que les exportations nettes ne sont plus désormais  dans une tendance lourde de progression.  

Le nombre de personnes employées dans les entreprises publiques s’est stabilisée, et la population en âge de travailler qui a été de plus en plus à 1,5% par an a atteint un sommet et a cessé de croître. Et la migration vers les villes est devenue maintenant atone. Les migrants ont tendance à être jeunes. Selon l’enquête Ji’nan, 58% des migrants sont âgés de moins de 25 ans et 74% sont âgés de moins de 30 ans. Non seulement le groupe des 15-24 ans va baissé de  20% au cours des 5 prochaines années à mais étant donné le nombre de migrants qui ont déjà migré vers les villes, le stock de potentiel de jeunes migrants en les zones rurales a également diminué. Dans l’ensemble, la main-d’oeuvre urbaine pourrait avoir du mal à croître plus rapidement que de 2% à 4%  

Ainsi, la croissance du PIB chinois devrait se situer entre 4% et 6%. Il est évidemment possible à la Chine de croître plus rapidement, mais cela  déclencherait l’inflation, et, éventuellement, des troubles politiques et sociaux. Le mantra des autorités pour l’avenir : une croissance non-inflationniste ».

source financial times/oct10

EN COMPLEMENT :  La Chine connaît les premières tensions internes autour de sa politique monétaire

Inflation, risque de bulle immobilière et ralentissement, les responsables chinois n’ignorent plus les dangers qui guettent l’économie. La banque centrale a surpris en relevant son taux directeur

Critiquée à l’extérieur par ses principaux partenaires économiques, la politique monétaire de la Chine commence à diviser aussi à l’intérieur. Au lendemain de la conclusion du plénum annuel du Parti communiste chinois (PCC) lundi dernier, la banque centrale de Chine a relevé son taux d’intérêt directeur de 0,25%. Une première depuis décembre 2007. Son objectif déclaré est de serrer le robinet de crédit, ce qui contredit une résolution de l’instance suprême du parti unique; celle-ci avait demandé d’«accélérer la croissance et la transformation économique du pays».

Ce n’est pas la première fois que la banque centrale chinoise montre une certaine indépendance. Au début du mois, elle a ciblé six banques, exigeant qu’elles augmentent leurs réserves obligatoires pendant les deux prochains mois. Une mesure qui vise aussi à contenir la masse monétaire en circulation. Sommés par le gouvernement d’expliquer cette décision, les responsables se sont défendus en disant qu’ils n’avaient pas besoin d’autorisation puisqu’il s’agissait d’une mesure de portée limitée. Depuis le début de l’année, la banque centrale a ordonné une augmentation des réserves obligatoires à trois reprises à l’ensemble des banques. Celles-ci ont prêté 75 milliards de dollars le mois dernier aux particuliers et aux entreprises, soit une augmentation de 18% par rapport à août.

Les craintes de l’inflation, résultat de l’abondance de l’argent, ne sont pas infondées. L’indice des prix pour septembre a atteint 3,6%, plus 0,6% point par rapport à août. Les risques sont plus élevés pour ces prochains mois du fait de la flambée des cours de diverses matières premières. Selon Lu Zhengwei, économiste en chef de l’Industrial Bank of China, cité par le Quotidien du peuple, l’organe officiel du PCC, l’inflation pourrait toucher la barre des 4% en octobre. Pour l’année, l’objectif national est de 3%, ce qui laisse présager de nouvelles mesures.

La banque centrale veut surtout éviter la formation d’une bulle immobilière alimentée par l’explosion du crédit, des investissements publics et de l’afflux des capitaux étrangers. Une crise dans ce secteur mettrait en péril les banques qui ont prêté sans vergogne.

Les tensions se sont exacerbées cette semaine après la publication des chiffres de la croissance au troisième trimestre. Cette dernière a ralenti à 9,6%, contre 10,3% au semestre précédent. Elle devrait encore décélérer en 2011 et 2012.

Le yuan divise

Tout aussi important, les autorités chinoises sont aussi divisées sur la stratégie à adopter sur la politique de taux de change. Jusqu’à présent, Pékin a contrôlé tout mouvement. Il a permis une faible flexibilité à partir de juillet 2005. Le yuan est ensuite retourné à un taux fixe sous le prétexte de la crise en 2008-2009. Suite aux pressions exercées notamment par les Etats-Unis, la Chine a de nouveau introduit une petite souplesse à partir d’avril. Résultat: le dollar s’échangeait vendredi contre 6,65 yuans, contre 8,27 yuans en juillet 2005.

Pas assez, selon Washington qui compte un large déficit commercial avec Pékin. Les Etats-Unis reprochent aussi à la Chine ses montagnes de réserves qui, selon eux, sont responsables des déséquilibres financiers mondiaux. Désormais, la banque centrale chinoise n’ignore plus le problème.

Lors de la récente assemblée du Fonds monétaire international, son gouverneur Zhou Xiaochuan a récusé les accusations en disant que les Etats-Unis pratiquaient aussi la dévaluation compétitive en ayant recours à la planche à billets. Mais quelques jours plus tard, il a laissé le yuan s’apprécier vis-à-vis du dollar. Un de ses adjoints, Yi Gang, a même laissé comprendre que la Chine allait ramener le surplus de son compte courant au-dessous de 4% de son PIB d’ici trois à cinq ans.

De son côté, le premier ministre chinois Wen Jiabao, comme d’autres responsables du PCC, a changé de langage. Dans le passé, il défendait son indépendance à prendre des décisions pour servir ses intérêts en premier. Désormais, il plaide pour une réforme à un rythme mesuré. Selon lui, une thérapie de choc réduirait les exportations chinoises, fermerait des milliers d’usines et jetterait des millions d’ouvriers dans la rue.

L’OMC donne gain de cause aux Etats-Unis contre la Chine

Des produits étaient exportés de Chine à un prix inférieur à leur coût de production

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Dans la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, engagée depuis plusieurs années, le verdict que vient de prononcer l’Organisation mondiale du commerce fera date. Il a donné raison à Washington sur douze points, contre cinq à Pékin qui avait protesté contre des surtaxes sur les importations de certains produits (tuyaux en acier, pneus et sacs en tissu plastifié) aux Etats-Unis. Pour l’OMC, ces produits étaient exportés à un prix inférieur à leur coût de production. Mais le verdict recommande aussi aux Etats-Unis de respecter les cinq points sur lesquels ils sont mis en cause.

Depuis quelques mois, les Etats-Unis menacent de prendre de nouvelles mesures antidumping contre la Chine. Cette fois-ci, ils estiment que le yuan, sous-évalué selon eux, constitue une subvention déguisée par Pékin. Et, à la demande du syndicat de la métallurgie, Washington a ouvert cette semaine une nouvelle enquête contre des pratiques antidumping de la Chine. Si les faits reprochés sont avérés, une plainte sera déposée contre la Chine.

La plainte chinoise avait été déposée en septembre 2008. Pour Ron Kirk, représentant américain au Commerce, il s’agit d’une victoire pour les travailleurs et entreprises américains, qui doivent faire face à la concurrence déloyale de la Chine.

Pékin et Washington disposent de 90 jours pour faire appel

Par Ram Etwareea/le temps oct

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LE POINT DE VUE DE CHARLES GAVE

La Chine prépare le G20 PAR CHARLES GAVES | JDF HEBDO | 23.10.2010 |

A peine de retour à Hongkong après un périple qui m’a mené des Etats-Unis à la Vieille Europe en passant par la France, toujours le plus beau pays du monde, je suis retombé dans le brouhaha asiatique, où le problème n’est pas l’absence de mouvement mais bien plutôt l’excès d’agitation.

Tout juste étais-je installé à mon bureau qu’une nouvelle énorme tombait : la Banque centrale chinoise a décidé de relever ses taux d’intérêt, et cela est extraordinairement important.

En effet, pour que le monde revienne à l’équilibre, il faut que la Chine cesse de compter sur ses exportations pour tirer sa croissance et se tourne vers sa consommation intérieure, et que donc les excédents chinois baissent en raison d’une forte croissance des importations.

Il y a plusieurs mois, j’avais écrit dans Le JDF que, si (et quand) la Chine annonçait qu’elle acceptait de laisser monter son taux de change, alors il faudrait acheter les actions du monde entier, partout.

Cette décision, elle l’a prise il y a quelques semaines, et, à la stupéfaction générale, les marchés progressent…

Ce que la Chine nous dit aujourd’hui en faisant monter ses taux d’intérêt, c’est qu’elle va permettre – enfin et de plus en plus – aux épargnants chinois de gagner leur vie honorablement.

Fini la croissance débridée, créée par un endettement de plus en plus grave de l’Etat ou des municipalités chinoises.

Fini les taux de croissance de l’économie à 8 % par an au minimum que le Politburo décrétait comme une « ardente obligation ». La croissance en Chine va, certes, être moins forte, aux alentour de 6 % par an, mais elle sera de bien meilleure qualité et, surtout, elle va tirer autre chose que les importations de matières premières.

Le but est maintenant non plus de créer des emplois à tout- va, puisque le nombre de nouveaux entrants sur le marché du travail est en train de s’écrouler, mais bien plutôt de faire monter le niveau de vie de ceux qui ont déjà un emploi.

Deux axes pour arriver à ce résultat : une hausse des salaires impressionnante, et qui n’est que la conséquence de la situation démographique, et la hausse de la monnaie, qui enrichit les Chinois en leur rendant moins chères toutes les importations.

Le premier de mes deux sujets d’inquiétude depuis des mois était, comme je viens de le dire, la politique du taux de change de la Chine.

La décision qui vient d’être prise a été annoncée, de facon tout à fait exceptionnelle, non pas par la Banque centrale chinoise, mais par le pouvoir politique au plus haut niveau, le lendemain d’une réunion. C’est une façon de signaler que cette décision est de nature politique et qu’elle marque un profond et réel changement. Les Chinois sont en train de sortir de leur mercantilisme ou, à tout le moins, de l’atténuer.

Comme je l’ai expliqué la semaine dernière, le deuxième obstacle sur la route d’un rééquilibrage mondial que chacun souhaite et où nul ne peut perdre, c’est bien entendu la politique insensée suivie par l’administration Obama, qui pense que faire croître l’Etat, ruiner les épargnants en maintenant des taux réels négatifs et appauvrir le citoyen de base en faisant baisser sa monnaie sont des moyens de créer des emplois. Voilà qui rappelle l’Union de la gauche en France de 1981 à 1983.

Si, comme je le pense, cette politique est massivement désavouée par les électeurs le 2 novembre, alors plus rien ne s’opposera à la hausse des marchés des actions, et je gage que les sociétés bien gérées feront beaucoup mieux que l’or et les matières premières, l’infinie demande chinoise disparaissant au moins en partie.

Je reste cependant vendeur sur les obligations, puisque leur prix, à terme, ne va plus être manipulé par les banques centrales, qui n’auront plus d’excuses.

*Charlesgave@gmail.co

 

Le Blog de Charles Gave :  http://lafaillitedeletat.com/

http://lafaillitedeletat.com/2010/10/20/la-chine-prepare-le-g20-a-paraitre-dans-le-jdf/

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