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Le somnambulisme du chômage aux USA par Mohamed a. el-erian

Le somnambulisme du chômage aux USA par Mohamed a. el-erian

Washington sous-estime le problème. Malgré des signaux plutôt inquiétants.

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Le sujet fut relégué à la session des questions-réponses, plutôt que traité dans la déclaration initiale lors de la toute première conférence de presse du directeur de la Réserve Fédérale américaine Ben Bernanke. C’est un problème que trop de personnes à Washington préfèrent qualifier de «transitoire», malgré des éléments contradictoires évidents. Il est extrêmement sensible à la hausse des prix du pétrole et de l’alimentation. Et il fragilise les hypothèses opérationnelles qui permettaient de dire depuis déjà longtemps de l’économie américaine qu’elle est dynamique et réactive.

Le sujet en question concerne l’ampleur et la composition du chômage en Amérique – un problème qui tarde à être reconnu pour son impact destructeur croissant sur le tissu social, le potentiel économique, la situation budgétaire déjà fragilisée et les dynamiques de l’endettement du pays.

Commençons par les faits:

A 9%  près de trois ans après le début de la crise financière internationale, le taux de chômage américain poursuit obstinément sa hausse de manière inhabituelle.

Plutôt que de refléter la création d’emplois, une grande part de l’amélioration de ces derniers mois (le taux était à 9,8% en novembre 2010) est due aux ressources humaines sortant du marché du travail, ramenant ainsi la participation de la main d’œuvre potentiellement active à son taux le plus bas de ces dernières années, 64,2%;


Economix

Si l’on comptabilise les travailleurs à mi-temps qui veulent travailler à plein temps, un sixième des travailleurs en Amérique sont soit sous-employés soit inemployés;

 

source zerohedge

Plus de six millions de travailleurs sont sans emploi depuis plus de six mois et quatre millions le sont depuis plus d’un an;

La proportion du chômage chez les 16-19 ans est au plus fort à 24%;

Economix

Compte tenu de l’absence virtuelle de revenus et d’une épargne en berne, les sans emplois sont moins à même de faire face à la flambée des prix des carburants et de l’alimentation, ils se voient refuser l’accès au crédit et nombre d’entre eux ont des emprunts immobiliers dont les montants dépassent la valeur de leur maison.

Ces éléments associés à de nombreux autres révèlent une désagréable et inhabituelle réalité pour les Etats-Unis. Le pays a désormais un problème de chômage d’ampleur importante et de nature de plus en plus structurelle. Les conséquences sont diverses, de l’angoisse individuelle à des tensions sociales et politiques grandissantes, sans parler des pertes économiques et des pressions budgétaires. Un chômage fort et ingérable entraine de lourdes conséquences à long terme. De nombreuses études internationales montrent que plus la période de chômage persiste, plus il est difficile de retrouver un emploi.

La grande récession déclenchée par la crise a sans aucun doute largement contribué à cette situation inquiétante. Malheureusement, le problème est bien plus profond et lui est largement antérieur.

A l’origine, la crise de l’emploi américaine résulte de longues années de faibles investissements dans les ressources humaines et les secteurs sociaux. Le système éducatif a pris un large retard sur les progrès effectués dans de nombreux autres pays. Les initiatives de formation professionnelle continue sont déplorablement inadaptées. La mobilité professionnelle est ralentie. Et peu a été accompli pour maintenir un filet de sécurité sociale approprié.  Ces réalités ont été masquées par la folie qui a caractérisé «l’âge d’or» de l’Amérique avant 2008, des années de profits, de droit au crédit et à l’endettement, qui ont alimenté un boom considérable, mais insoutenable, de la construction, de l’immobilier, des loisirs et du commerce de détail. Les emplois générés, même si temporaires, ont bercé les politiques dans une illusion qui les a empêché de voir la réalité de ce qui était en train de se passer dans le marché du travail. Alors que ce boom vire à l’effondrement prolongé, les insuffisances de plus long terme du marché du travail sont devenues visibles à quiconque prend la peine de les observer.  Faute de traitement approprié, le problème du chômage US se creusera. Et il sera plus difficile encore de trouver une solution de moyen terme aux problèmes croissants d’endettement et de déficits du pays.

Le gouvernement américain n’a pas de temps à perdre s’il veut éviter que le chômage ne s’enlise durablement. Il doit agir dès maintenant pour s’atteler aux sources du problème par des programmes visant à une restructuration du système éducatif et de la formation continue des travailleurs, au renforcement de la productivité et à une réforme du secteur de l’habitat. Et il doit le faire tout en assurant une meilleure protection des chômeurs de longue durée dont la plupart ne sont pas vraiment responsables de la délicate et malheureusement durable situation qu’ils traversent actuellement, pourtant jugée impensable à l’époque.

Il est grand temps pour les Etats-Unis de se réveiller et de s’atteler sérieusement à cette crise du chômage. Comme le savent tous ceux qui ont déjà eu un emploi difficile, débrancher l’alarme et se cacher sous une couverture n’est pas la solution.

Mohamed a. el-erian/Pimco/Project Syndicate mai11

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