Agefi Suisse

La stagflation mettra tout le monde d’accord

La stagflation mettra tout le monde d’accord

Menaces de déflation (au sens de récession) contre risques inflationnistes. La combinaison des deux semble la plus probable.

Il est un fait avéré que depuis un certain temps, les banques centrales naviguent à vue, ne sachant pas exactement quelle politique appliquer. Trichet combattant à sa manière l’inflation des matières premières et Bernanke tentant de résorber un chômage incompressible. Les discours sont hésitants voir maladroits, laissant quelquefois présager qu’il pourrait simultanément y avoir inflation et récession. La stagflation est la situation d’une économie qui souffre simultanément d’une croissance économique faible ou nulle et d’une forte inflation (c’est-à-dire une croissance rapide des prix). Cette situation est souvent accompagnée d’un taux de chômage élevé. C’est le pire cauchemar des économistes et gouvernements.

PLUS DE STAGFLATION EN SUIVANT :

Au cours des années 1970, tant aux Etats-Unis, au Japon qu’en Europe, la situation économique était caractérisée par un ralentissement du rythme de croissance de la production, une augmentation du chômage avec une hausse des prix qui se poursuivait ou s’accélérait: nous étions en pleine stagflation. Durant les années 1973-1975, en particulier, la croissance des investissements était retombée de 6% à 2% par an et le chômage dans les pays dits développés avait doublé.

La stagflation a été surmontée progressivement au moyen de politiques radicales (menées par Thatcher en Grande-Bretagne et Reagan aux USA).Ces politiques ont consisté à couper les salaires tout en durcissant les conditions de travail et en diminuant les dépenses publiques. Et en augmentant les taux d’intérêt.

N’oublions pas que par la stagflation et la mondialisation rampante (secteur automobile, chantiers navals, etc.), la Grande-Bretagne est devenue un désert industriel tandis que les Etats-Unis et certains autres pays ont perdu des parts de marché importantes de par leur désindustrialisation.

Le cheval de bataille et le mandat de Jean-Claude Trichet est, et a toujours été le (vain?) combat contre l’inflation. Lors de la dernière réunion de la BCE, ses déclarations ne faisaient pas de doute: «Les anticipations d’inflation doivent rester fermement ancrées». Ou: «Les risques pour les perspectives d’inflation à moyen terme sont orientés à la hausse. (…) Ces risques sont liés notamment aux prix de l’énergie et à la forte croissance des marchés émergents». Et encore: «Il est probable que l’inflation restera nettement au-dessus de 2% dans les mois qui viennent» et «Nous pensons que la poussée d’inflation sera confirmée en raison des prix pétroliers.» A noter que l’indicateur fétiche utilisé par M. Trichet est l’écart de production (ou output gap).

Officiellement, nous observons une progression de l’inflation: 2,4% dans la zone euro, 4,4% au Royaume-Uni, qui provient quasi exclusivement de la hausse du prix des matières premières.

Selon le dernier communiqué de la Commission européenne, le taux d’inflation de la zone euro a été de 3,2% en mai 2011 contre 2,1% un an auparavant. L’inflation annuelle en Allemagne a progressé ou est restée inchangée en juin dans cinq Länder, ce qui devrait conforter les anticipations d’un relèvement des taux d’intérêt de la Banque centrale européenne sous peu. Du côté de la croissance, la Banque centrale européenne prévoit que l’activité économique dans la zone devrait croître dans un intervalle allant de 1,5% à 2,3% en 2011.

Concernant le chômage, les chiffres officiels font froid dans le dos. En effet, le taux de sans emploi dans la zone OCDE était de 8,1% en avril 2011. Et le taux de chômage dans la zone euro reste stable à 9,9%. A noter que les taux de chômage des moins de 25 ans est passé à plus de 44% en Espagne, 36% en Grèce et en Slovaquie et 34% en Lituanie. En France, on comptait environs 4 millions de demandeurs d’emplois inscrits à Pole Emploi dans les catégories A, B, C.

Selon la BCE, les trois ingrédients constituants de la stagflation sont donc bien présents, en quantités diverses: inflation, croissance faible et chômage élevé.

A ce jour, il est regrettable de constater que, pour des raisons doctrinaires, la BCE a lutté ces dernières années contre une inflation qui n’existait pratiquement pas, alors que tous ses efforts auraient dû tendre à faciliter le renouveau économique. Mais mieux vaut tard que jamais.

La lutte permanente du président de la réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, est de rétablir la croissance et faire baisser le taux de chômage. Cependant la Banque centrale des États-Unis est plus pessimiste sur la croissance américaine qu’elle ne l’était en avril dernier, elle vient en effet d’annoncer dernièrement revoir à la baisse l’ensemble de ses prévisions pour le quatrième trimestre 2011. Résultat: la croissance économique en glissement annuel sur cette période devrait se situer entre 2,7% et 2,9% contre une fourchette de 3,1% et 3,3% précédemment.

Du côté du chômage, son taux devrait être compris entre 8,6% et 8,9% en moyenne au quatrième trimestre, alors que deux mois auparavant la Fed tablait sur 8,4% à 8,7%. Ce taux de chômage est remonté à 9,1% en mai.

Enfin, l’inflation est vue entre 2,3% et 2,5% en glissement annuel et entre 1,5% et 1,8% en excluant l’énergie et l’alimentation. Ces prévisions sont supérieures à celles d’avril, de 0,2 à 0,3 point de pourcentage. Le comité de politique monétaire estime que la reprise économique se poursuit à un rythme modéré, quoique légèrement plus lent que le Comité ne le prévoyait. La Fed se montre aussi moins optimiste en ce qui concerne le marché du travail. Elle l’estime plus faible que prévu, au lieu d’être «en amélioration graduelle» selon son expression du mois d’avril. Cependant elle laisse planer le spectre du retour de l’inflation. Au regard des derniers indicateurs économiques américains, l’indice des prix liés aux dépenses de consommation s’est accéléré pour passé à une hausse de 2,5% sur un an, contre +2,3% en avril.

A noter que l’inflation reste cependant à des niveaux encore considérés comme raisonnables, mais qu’elle intervient pendant une politique monétaire expansionniste (QE1, QE2) associé à une hausse du prix des matières premières ce qui pourrait entrainer une vague inflationniste inconnue jusqu’à lors.

Soucieuse de rassurer les marchés, la banque centrale a toutefois ajouté que le ralentissement de la reprise économique était en partie le reflet de facteurs probablement temporaires, comme la hausse des prix alimentaires et de l’énergie, ou le pouvoir d’achat et la consommation des ménages, ainsi que les perturbations dans les approvisionnements associés aux événements tragiques au Japon.

Le spectre est donc bien présent aussi aux Etats-Unis: croissance molle, taux de chômage important et prémisse de hausse de l’inflation. Cependant, la stagflation rampante pourrait s’estomper plus rapidement qu’anticiper dans l’éventualité où les pays d’extrême orient (Chine et Inde, par exemple) commençaient à marquer une pose dans la croissance ce qui diminuerait par voie de conséquence la pression qu’ils exercent actuellement sur les prix des matières premières.

En guise de conclusion, même si les ingrédients d’une stagflation ont pour l’instant l’air plus présents dans la zone Euro qu’aux Etats-Unis, il convient ici de marquer la différence avec le début des années 1970.

Si globalement la croissance molle et le taux de chômage élevés sont des faits avérés, l’affirmation qu’il y a actuellement de l’inflation est sujet à discussion. En effet, il faut distinguer l’inflation importées (matières premières) que nous avons actuellement et l’inflation au sens étymologique du terme qui est une hausse non maitrisée du prix des biens et services associée à une hausse des salaires; ce que nous n’avons pas. De plus notons ici que le passage à l’euro a entraîné une inflation cachée des biens et services que la majorité des politiques ont délibérément dissimulée, car elle marquait leur incapacité à maitriser la politique de la grande distribution.

Si l’on ajoute finalement à cela une rechute probable des prix de l’immobilier (surtout américain), c’est une stagflation d’un nouveau genre à laquelle nous pourrions assister sous peu. Les banques centrales doivent espérer qu’elle sera moins longue que prévue.

 John-f. plassard Louis Capital Markets Genève Juin11 

 


En savoir plus sur Le blog A Lupus un regard hagard sur Lécocomics et ses finances

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

2 réponses »

  1. C’est mal comprendre l’origine de l’inflation actuelle en occident. Les M3 sont toujours aussi plats que l’électro encéphalogramme d’une amibe…

    C’est une inflation importée due à l’explosion de la demande des émergents et au fait qu’il n’y a plus assez de ressources. Pas une inflation monétaire en occident.

    Au passage, il va bien falloir finir par comprendre que le QE n’est pas de la planche à billets.

    C’est par la suite en revanche, devant l’impossibilité de sortir de ça par la croissance, qu’ils sont être tentés de s’en sortir la planche à billets, la vraie.

    J’aime

    • Pas une inflation monétaire en Occident… ça reste à voir. Jusqu’à présent les dollars sont partis se loger chez les émergents et sur les marchés des matières premières, c’est tout.

      Qu’ils reviennent sous la forme d’inflation importée n’est rien sinon très normal.

      Et tout ce qui est en pension dans les banques va ressortir aussi.

      J’aime

Laisser un commentaire