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La zone euro pourrait aussi s’inspirer de l’expérience US

La zone euro pourrait aussi s’inspirer de l’expérience US

La zone euro veut endiguer la crise par davantage de centralisation. Les Etats-Unis ont une approche différente.

Comparaison n’est pas raison. Mais il n’est pas interdit de regarder ce qui se passe ailleurs et, s’il y a lieu, de s’en inspirer. Aux Etats-Unis, aucun Etat de l’Union n’a, en cas de difficultés financières, le droit de compter sur Washington pour être sauvé. Il en est ainsi depuis deux siècles. L’expérience américaine pourrait-elle servir d’exemple à la zone euro?

La zone euro veut endiguer la crise par plus de coordination, plus d’harmonisation et plus de centralisation. Les Etats-Unis d’Amérique – une «union monétaire» dont les membres sont relativement autonomes – lui proposent une autre méthode: résister aux exigences des Etats membres qui demandent à être renfloués et ne pas céder même et surtout quand les temps sont durs.

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Comme le montre l’histoire américaine, cette résistance de Washington n’a jamais été gravée dans le marbre. Le politologue Jonathan Rodden de la Stanford University rappelle qu’un fort mouvement de centralisation a eu lieu aux Etats-Unis tout au long du XXe siècle. Il n’a cessé de menacer la discipline du marché. Aujourd’hui, estime Jonathan Rodden, les finances de Washington et des Etats de l’Union ont tendance à se confondre de plus en plus. Depuis le New Deal dans les années 1930, les Etats sont devenus des sociétés utilitaires auxquelles on a transféré toujours plus la réalisation et pour partie aussi le financement de programmes sociaux tels que l’assurance-maladie pour les pauvres (Medicaid). Ces obligations imposées aux Etats expliquent aussi pourquoi l’ancien gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, a demandé en 2009 au gouvernement fédéral de garantir les dettes de son Etat. De fait, les subventions de Washington représentent une part croissante des recettes des Etats de l’Union et des communes. Le premier programme conjoncturel de l’Administration Obama a confirmé cette tendance. Les Etats ont reçu des moyens supplémentaires pour Medicaid et pour des travaux d’infrastructure. Le président Obama a même proposé de contribuer pour 35 milliards de dollars au paiement des salaires d’instituteurs, de policiers et de pompiers et 30 milliards à la rénovation d’établissements scolaires. Il est exact que l’éducation, la police et les services du feu sont devenus l’affaire des Etats de l’Union et plus encore celle des communes. Malheureusement, constate Jonathan Rodden, de tels transferts financiers ad hoc renforcent l’impression dans les Etats qu’ils peuvent s’en remettre à Washington pour régler leurs problèmes financiers. Et dès lors que Washington s’occupe davantage des finances des Etats, les investisseurs pourraient subitement se mettre à douter de la détermination du gouvernement fédéral de ne pas voler au secours des Etats.

Le politologue de Stanford sait bien qu’on n’en est pas là. Il n’en pense pas moins que Washington doit veiller à ne pas perdre sa réputation. Il observe que dans la zone euro, de mauvaises habitudes avaient déjà été prises avant la crise: les banques avaient le droit de détenir des obligations d’Etat de la zone, sans capitaux en couverture. Ce qui revenait en quelque sorte à leur attester officiellement que ces obligations étaient sans risque aucun. Rien d’étonnant, dans ces conditions, qu’il y ait autant de papiers d’Etat dans les bilans des banques européennes. Les banques américaines, rappelle Jonathan Rodden, sont au contraire très peu exposées à des emprunts des Etats de l’Union. Le danger de contagion par le canal du système bancaire, en cas de faillite d’un Etat, n’est pas important. Qu’aurait dû faire la zone euro pour préserver aussi dans la crise un reste de discipline du marché de la part de ses membres? La Grèce n’aurait pas dû être renflouée en raison de son problème de solvabilité. Pour limiter les dégâts, l’Allemagne et la France auraient pu tout au plus donner un coup de main à quelques banques trop exposées aux obligations grecques.

Jonathan Rodden reconnaît que la discipline du marché fonctionne plutôt bien dans des pays comme les Etats-Unis ou la Suisse. Même si ici et là-bas une certaine redistribution s’opère entre les Etats ou entre les Cantons. Mais il doute fort que l’Union européenne soit en mesure d’introduire un équilibre transparent et obéissant à des règles claires. Une chose pourtant est sûre: un rôle plus important de l’Union européenne en matière de redistribution ne change rien à la cause première de la crise européenne. Celle-ci s’explique par l’insouciance avec laquelle des pays se sont endettés.

La solution adoptée jusqu’ici dans la zone euro, conclut le politologue américain, est un mélange en demi-teinte de discipline du marché et de prescriptions hiérarchiques: interdiction de bail-out dans le traité de l’Union européenne, d’une part; contraintes du Pacte de stabilité et de croissance de l’autre. Les deux ont failli. Dès 2003, France et Allemagne ont saboté le mécanisme de sanctions du Pacte en question. Quant à un retour à la discipline du marché, suite aux divers programmes d’aide et actions de sauvetage, il ne faut pas se faire trop d’illusions. L’exemple américain illustre le fait que cette discipline ne peut être que le fruit d’une action conséquente s’étendant sur des décennies.

HENRI SCHWAMM Université de Genève DEC11

1 réponse »

  1. Le MAÎTRE MOT de l’affaire, DE LA ZONE EURO … et tout particulièrement
    DE LA FRANCE et des habitudes françaises institutionalisés depuis longtemps, c’est :

    DÉRESPONSABILISATION.

    C’est aussi pernicieux que global et ça touche TOUS LES DOMAINES
    avec bien sur en tête TOUTE LA FONCTION PUBLIQUE … HYPERTROPHIÉE.
    Toucher à ça ? Mais c’est sacrifier les vaches sacrées en Inde, manger du porc en pays … sémite ! Etc, etc !

    Ça va prendre une bonne .. faillite pour le moins avant que ça change ? Et encore, même pas sur ! A.C

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