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La possible recomposition monétaire

La possible recomposition monétaire

Les exemples d’éclatement d’unions monétaires existent. Des enseignements peuvent être tirés pour la zone euro.

La fin de la monnaie unique n’est plus un sujet tabou. Cette théorie est de plus en plus reprise par des politologues, économistes et journaux de renom. Selon une récente analyse de Capital Economics, même un changement limité de périmètre de la zone euro, où seuls la Grèce puis le Portugal et l’Irlande quitteraient la monnaie unique au cours des deux prochaines années, entraînerait une baisse du PIB de la zone euro de 1% en 2012 et 2,5% en 2013, soit une proportion équivalente à celle de la récession observée en 2008-2009.

Il ne s’agit pas ici d’entrer dans ce type de réflexion – ni même dans les problématiques de dévaluation, explosion de la dette, aggravation de l’inflation, diminution de taux d’intérêt – mais bien de nous rendre à l’évidence qu’un retour à une monnaie «locale» n’est pas un évènement inconcevable.

Si la crise dans la zone euro devait encore s’intensifier d’un cran et que les prochaines réunions politiques n’apportent pas aux marchés des réponses concrètes, ce scénario totalement improbable pourrait alors devenir réaliste.

L’histoire n’est qu’un éternel recommencement et en matière d’éclatement d’unions monétaires, les exemples sont nombreux.

En 1929, la Cour de justice internationale de La Haye a donné une formulation de la souveraineté monétaire de l’Etat, enracinée depuis dans le droit international, à l’occasion de l’affaire dite des Emprunts serbes et brésiliens: «C’est un principe généralement admis que tout Etat a le droit de déterminer lui-même ses monnaies».

PLUS DEXEMPLES TCHEQUES ET ARGENTINS EN SUIVANT :

L’éclatement de la Tchécoslovaquie

Une étude publiée par le centre pour les études sur l’intégration européenne de l’Université de Bonn en 1999 prend comme exemple la scission de la Tchécoslovaquie au début des années 1990. La Tchécoslovaquie fut dissoute à la date du 1er janvier 1993, la République tchèque et la Slovaquie proclamant chacune leur indépendance. Les deux nouveaux Etats conserveront, cependant, la même monnaie et maintiendront une union douanière, ainsi que la liberté de circulation et d’installation des travailleurs, donc un marché commun. Mais concernant la monnaie, il deviendra rapidement évident que les deux parties sont incapables de résister aux mouvements de capitaux qui menacent de déstabiliser leurs systèmes financiers. Il faudra donc séparer leurs monnaies.

La nouvelle sera rendue publique le mardi 2 février 1993 et l’opération n’aura duré que quatre jours, du jeudi au dimanche. Le lundi 8 février, la couronne tchécoslovaque était morte.

A noter que les comptes en banque avaient été basculés très simplement, dans chaque pays, dans la nouvelle monnaie nationale (un timbre fut collé sur les billets de banque pour les identifier comme tchèques ou slovaques).

La facilité avec laquelle la République tchèque et la Slovaquie ont introduit de nouvelles monnaies nationales tend donc à prouver qu’un tel mouvement n’est pas infaisable. Il faut cependant souligner que le déficit public de la Tchécoslovaquie ne pouvait se comparer avec celui des PIGS d’aujourd’hui.

Mais la leçon de l’exemple tchécoslovaque doit être méditée. L’implosion de la zone monétaire tchèque aura été bénéfique pour les deux pays, mais de manière diverse. En effet, la redistribution de richesses, censée diminuer les inégalités n’était pas égale. Durant des années, la Slovaquie a bénéficié de transfert de la Tchéquie, alors que l’inverse n’était pas vrai. Un parallèle peut donc être fait aujourd’hui avec les pays de la zone euro «à risque» financés par des pays comme l’Allemagne (qui contribuent à 27% du FESF) ou la France (20%).

Le cas argentin

L’Argentine fut confrontée à l’une des plus grandes crises économiques et sociales de son histoire entre 1998 et 2002. Au-delà de l’inflation qui ne fit que s’intensifier depuis la deuxième guerre mondiale, le «cas argentin» a beaucoup de similitudes avec la crise de la zone euro que nous traversons actuellement. A l’époque en effet, le pourvoyeur n’est autre que le Fond monétaire international.

Tout d’abord, la monnaie argentine, le peso, était initialement liée au dollar, si bien qu’elle était surévaluée. La banque argentine avait interdiction de financer le pays, ce qui impliquait que l’Argentine se finançait sur les marchés obligataires internationaux. Le FMI prit le relais en 1998 en imposant au pays des ajustements structurels sur le même format que celui de la Grèce aujourd’hui: plan de rigueur, privatisations, dérèglementations, réductions des dépenses sociales…

Ensuite engluée dans une dette extérieure de 132 milliards de dollars et un fort taux de chômage, l’Argentine se vit, le 5 décembre 2001 refuser un prêt d’un peu plus de 1,2 milliard de la part du FMI. Le FMI qui avait déjà débloqué plus de 20 milliards de dollars en 2001, estimait que l’Argentine n’avait pas respecté le programme de réformes économiques dit plan «déficit zéro» lancé au mois de juillet de la même année. Ce plan comprenait nombre de mesures d’austérité, et carnet de bord stricts, à l’instar de la modification du traité européen que propose la chancelière allemande.

La Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement suspendront à leur tour le versement de 1,1 milliard de dollars. Pour honorer sa dette extérieure, l’Argentine dut puiser dans les réserves des fonds de pension. Une période de manifestations et d’émeutes a suivi, quand des milliers de désespérés, dépourvus de toute couverture économique et sociale. C’était le début de la fin.

Il s’agit ici de relever qu’il ne faut surtout pas minimiser les effets des crises sociales qui vont s’intensifier en Europe dans le courant des prochains trimestres.

Il a fallu deux ans et demi pour que l’Argentine et le FMI ne reprennent leurs relations avec un crédit de 12,5 milliards de dollars, permettant de financer pour les trois années à venir la dette de 15 milliards de dollars de l’Argentine envers les institutions de crédit multilatérales. L’accord prévoyait également un engagement de l’Argentine à porter son excédent budgétaire à 3% en 2004.

Le ministre de l’économie entre 2002 et 2005, Robert Lavagna, résolut la crise en faisant passer une solution en 4 points

a/ La relance ne se fait pas sans le retour de la consommation

b/ Une expansion économique est nécessaire pour avoir un excédent fiscal

c/ Il est nécessaire d’avoir une restructuration pour dégager un excédent fiscal (servant finalement à réduire la dette)

d/ Les comptes publics solides permettent une gestion autonome du taux de change, avec des interventions stabilisatrices sur les marchés.

Actuellement, l’Europe, mise à part l’Allemagne, recule l’échéance de la véritable confrontation. La planche de salut ne viendra pas de la BCE, mais du FMI avec les risques et la rigueur que cela implique.

John-f. Plassard Louis Capital Markets Genève DEC11

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