A Chaud!!!!!

Les Clefs pour Comprendre : François Hollande, Finance, Financiarisation ,Inégalités par Bruno Bertez

François Hollande : Finance, Financiarisation ,Inégalités  par Bruno Bertez

 Vous avez entendu, comme nous, François Hollande désigner son ennemi: la finance. Il est dommage qu’il n’ait pas précisé l’analyse sous-jacente à cette stigmatisation de la sphère financière. La finance, comme la langue d’Esope recouvre la meilleure et la pire des choses.

 

  Dans le sens populaire, et les commentaires de la presse de ce lundi en attestent, le public confond la finance avec le profit. Ainsi, les travailleurs de Lejaby considèrent que c’est l’exigence d’un taux de profit qui a coulé leur entreprise et, nommément, ils incriminent la finance. 

 La finance, cela peut être aussi l’existence de l’argent, du système bancaire, l’existence en quelque sorte du moyen et de la circulation des échanges. 

 Dans notre conception, la finance, ce n’est ni le profit, ni l’argent, ni le système bancaire, c’est la perversion du système dans lequel nous sommes tombés depuis le début des années 80 et c’est pour cela qu’au lieu de la désigner sous le vocable de finance nous préférons la désigner sous le vocable de financiarisation.

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Contre la lutte contre les inégalités, contre l’austerité! par Bruno Bertez  (reprise)

La financiarisation génère des inégalités au lieu d’être productrice de richesse. L’économie de marché a été saisie par les classes dominantes et l’Etat.

Vous avez noté comme nous la montée du thème de l’aggravation des inégalités. On le retrouve dans les différentes plateformes électorales, bien sûr, mais aussi chez les économistes comme Stiglitz, Shiller, les gourous comme Roubini et les grands prêtres du système comme Warren Buffett et Soros.

Nous-mêmes, dans nos chroniques, mentionnons très souvent les inégalités, leur aggravation et l’accélération de ces aggravations comme un élément de la crise et du système qui produit cette crise.

Les différents mouvements sociaux qui se développent, Occupy Wall Street, les Indignés, les grévistes de Grèce, du Portugal ou d’ailleurs, brandissent de nombreuses pancartes, quelquefois fort imaginatives sur cette question.

PLUS DE BERTEZ EN SUIVANT :

Nous pensons que, si quelque chose reste de ces différentes manifestations de révolte, ce sera certainement la revendication de réduction de ces inégalités. Ces mouvements sociaux seront, nous en sommes persuadés, dévoyés, récupérés, désamorcés, mais la lutte contre les inégalités a toute chance de subsister, car elle va dans le sens souhaité par les partisans de l’ordre établi, par les partisans du statu quo issu des reformes de 1971 et du début des années 80.

Cet ordre, ce Système est celui qui a produit la crise dans laquelle nous sommes actuellement, concomitamment, structurellement, organiquement, cet ordre produit, comme conséquence inséparable, de l’inégalité accélérée. Et nous ajouterons, mais sans le développer maintenant: il produit aussi de l’étatisme.

source New York Times

Ceux qui présentement dénoncent, soulignent, évoquent, le creusement des inégalités le font tous de la même manière, une manière  »soft  »dirons-nous. Ils en parlent comme liée à la crise, comme plus ou moins responsable, comme ayant à voir d’une manière ou d’une autre avec les difficultés actuelles. Personne, à notre connaissance, n’établit les liens entre le système, la crise et les inégalités; personne ne fait ressortir les causes et les effets, personne ne montre que tout cela est organiquement lié et qu’il ne s’agit pas là de conséquences non voulues. Le système, l’ordre mis en place selon les étapes décrites ci-dessus, produit de l’inégalité par construction et il en produit de façon accélérée et quasi autonome maintenant. Ainsi, toutes les statistiques disponibles montrent qu’au lieu de se résorber, elles se sont fortement accrues depuis 2008. Ce qui est logique puisque la seule parade à la crise a été la création de monnaie et l’inflation du prix des assets financiers.

Pourquoi ces gens intelligents, informés, introduits ne le font-ils pas? Pourquoi fournissent ils des critiques et dénonciations parcellaires au lieu d’exposer la question dans son ensemble, avec son historique, son développement et maintenant son impasse? Tout simplement parce que cela serait contraire à leurs intérêts, à leurs choix, à leur volonté de survivre dans leur statut social actuel.

Ces gens, soit aspirent à monter dans l’échelle du Pouvoir et à profiter eux aussi de ces inégalités, on parle de gauche caviar par exemple; ou bien ils aspirent à conserver ce qu’ils ont et veulent que fondamentalement le système ne soit pas remis en cause. Le thème des inégalités, comme celui de la redistribution des richesses et des revenus est dialectique, selon la façon dont on l’utilise et les doses que l’on emploie, il permet soit de maintenir l’ordre établi, soit de le renverser.

Face donc à ce problème de l’accroissement des inégalités il y a deux positions et seulement deux :

– Supprimer la production d’inégalités, changer le système qui les produit et les aggrave

– Laisser la production d’inégalités en l’état, ne pas montrer leur origine systémique et les confisquer, tout ou partie. Confisquer par la taxation au profit de l’Etat.

Ceux qui veulent que l’on arrête un système qui produit de l’inégalité et des crises ont intérêt à montrer, à mettre en évidence, comment se fabriquent ces inégalités ; ceux qui veulent simplement le corriger à la marge et surtout continuer à bénéficier de ce système escamotent les analyses, les occultent et se contentent de juxtaposer les phénomènes sans montrer les causes et les effets, sans faire ressortir les enchaînements.

Ainsi, la revendication de Warren Buffett de taxer les riches, d’augmenter leurs impôts, de réduire les inégalités par la fiscalité, ne l’empêche pas d’empocher quelques milliards de dollars sur le sauvetage de Goldman Sachs, milliards dont le remboursement et la plus value ont été produits par la spéculation financière. Ainsi, l’intervention de Soros qui aide matériellement les Occupy Wall Street, mais continue de participer à la communauté spéculative mondiale et ne trouve pas cela contradictoire.

La ligne partage entre ceux qui déplorent vraiment les inégalités au motif qu’elles sont économiquement perverses, porteuses de crises financières et sociales, contraires à l’équité et ceux qui offrent de lutter contre les inégalités pour apaiser les tensions mais faire durer le système, la ligne de partage est là, les uns montrent les causes et les origines, les autres les dissimulent, les escamotent.

L’action en vue de la réduction des inégalités présente de nombreux avantages à ceux qui s’en font les apôtres.

Elle permet par une sorte compensation de faire passer la pilule des scandaleux bail-out. Du genre : regardez, nous savons aussi prendre aux riches

Elle permet de faire passer l’austérité car tel est le message, la rigueur est pour tous

Elle permet le financement des déficits keynésiens par l’augmentation des taxations. Le keynésianisme est le meilleur garant de l’ordre établi puisqu’il permet d’apaiser les tensions sociales et quelquefois la misère dangereuse par des distributions charitables habillées d’économisme.

Elle met en selle les partis et organisations sociales démocrates, lesquelles sont très utiles pour désamorcer les luttes sociales en période crise et de chômage. Confère ce qui se passe en Grèce, en Espagne et peut être qui sait, bientôt en France

Elle permet de lutter contre l’ascension des classes moyennes qui, nous l’avons déjà dit, sont assurées de ne jamais devenir supérieures, taxées qu’elles sont sur leur travail, leur épargne et leurs biens malheureusement toujours visibles

Elle permet, mais là, le jeu est dangereux, de désigner des boucs émissaires qui exonèrent la responsabilité des gouvernements, des banquiers centraux et des groupes sociaux qui leur sont alliés. Si les revenus et les patrimoines sont taxés, n’est ce pas que justice, n’ont-ils pas été gagnés, acquis de façon douteuse. On taxe la richesse comme on taxe le tabac, le vice, la pollution

Elle permet, et c’est important, de continuer d’augmenter le pouvoir de l’Etat, de renforcer sa présence,son autorité, elle assoit l’étatisme encore mieux tout en stigmatisant au passage les individus, ces égoïstes malhonnêtes.

L’Etat prospère grâce aux ressources qu’il prélève, une grande partie de ses ressources vient de son rôle de pseudo moralisateur qui consiste à laisser les vices ou les dysfonctionnements se développer et à en confisquer tout ou partie des produits, mais en laissant les causes soigneusement intactes, inchangées. Dans le cas présent, on verra que c’est la volonté des Etats de stimuler la croissance et de financer plus facilement leurs promesses et déficits qui les a conduit à mettre en place un système producteur d’inégalités accélérées et à grande échelle. Ces Etats ont fait une erreur, commis une faute et ils prétendent s’en récompenser en confisquant une partie du produit de leur faute. Un peu plus, ils prétendraient protéger les citoyens contre les dangers qu’ils ont eux-mêmes créés!

Le thème de la réduction des inégalités en tant que thème permettant le maintien de l’ordre/désordre établi dans les années 80 peut être combattu et il doit l’être car c’est le masque de l’injustice, c’est le cynisme qui se dissimule derrière l’équité.

La réduction des inégalités excessives créées par la dérive du système doit être prise à la fois à sa source, c’est à dire là où les inégalités sont produites et dans sa globalité.

Contrairement à ce que l’on essaie de faire passer pour les déconsidérer, les mouvements sociaux actuels ne sont pas stupides, ils sont, dans leur intuition, primaires, clairvoyants, eux dont les thèmes et les mots d’ordre sont les suivants:

– Nous sommes les 1% contre les 99%

– Le chômage

– Les expulsions

– Contre les délocalisations

– Contre le lobbying

– La corruption

– Contre les bail-out

– Contre la collusion de l’argent et de la politique

– Contre les banques centrales

– Contre le renchérissement des soins, des études, la dépréciation des pensions de retraites

– Contre les guerres de soi-disant libération

Ces gens sont primaires, ils sont incapables de faire ressortir la logique et l’unité profonde de leurs revendications et de leurs fureurs, mais ils voient plus juste que les leaders politiques des pseudos gauches, les économistes étroits et les gourous patentés. Ils donnent à voir que tout est lié.

Car, de fait, tout est lié, organiquement lié dans un système dont chaque pièce est solidaire de l’autre, dont chaque processus a une raison être et une fonction.

Tout a commencé en 1971 quand Nixon a coupé le lien entre le dollar et l’or quand il a libéré la politique monétaire américaine de la contrainte extérieure. Bref, quand il a libéré la production, on devrait dire la surproduction, de dollars. Comme l’a dit un de ses conseillers, avant, nous avions un problème avec nos dettes, maintenant, ce sont nos créanciers qui en ont un. Ainsi, ont été jetées les bases de la Great Experiment.

Les think tanks américains se sont émus du ralentissement tendanciel de la croissance, de l’érosion du taux de profit avec les conséquences sur le chômage, d’une part, et sur l’hégémonie américaine, d’autre part.

Leurs réflexions ont débouché sur l’idée qu’il fallait augmenter la capacité du système américain de créer du crédit, qu’il fallait repousser les limites de solvabilité du système, qu’il fallait donner aux banques les moyens d’augmenter leurs profits, de réduire leurs risques et de bonifier leur capital. Tout ensemble. Cela a été explicité à l’époque et surtout cela a été répété clairement, sans équivoque, par Greenspan en 2009 à l’occasion d’une audition devant le Congrès afin de justifier sa propre action à la tête de la FED.

On a appelé cela la modernisation, ou la dérégulation ou la déréglementation peu importe le nom, nous nous appelons cela la financiarisation.

Une incidente, si vous le permettez.

La modernisation, dérégulation, déréglementation, libération des forces de la finance et leur abandon au marché n’ont pas été uniquement le fait des gouvernements conservateurs, de droite, des Thatcher, Reagan et autres, les gauches sociales démocrates se sont empressées d’emboîter le pas.

En France, par exemple c’est Laurent Fabius, Premier Ministre et son Ministre des Finances, Pierre Bérégovoy, qui ont porté la modernisation sur les fonds baptismaux.

EN LIEN : Le consensus de Paris, la France et les règles de la finance mondiale

Fin d’incidente.

Les résultats de ce grand mouvement étalé sur plusieurs années et marqué par des innovations ou pseudo innovations à jets continus, le résultat a été une baisse des taux d’intérêts, une chute des primes de risque, une externalisation du risque financier et bancaire et un gonflement considérable de la masse de crédit dans le système.

Les avantages ont été spectaculaires et multiples :

La baisse des taux et l’expansion du crédit permettent de hausser le niveau d’investissement, de la productivité et de l’emploi

– La croissance se redresse, accélère

– Les consommateurs ayant accès au crédit facile s’endettent, consomment, achètent des logements, ils augmentent la demande finale

– Le financement des déficits du gouvernement est facilité, les déficits se réduisent grâce à la croissance et aux plus-values

– La hausse de la valeur des assets, des actions, des bonds, de l’immobilier fournit des collatéraux pour les dettes et entretient par l’effet de richesse le moral des consommateurs

– La hausse du taux de profit réel, le gonflement Ponzi de la valeur des assets attirent les capitaux étrangers, les Etats-Unis pompent littéralement les capitaux internationaux, la question du déficit extérieur ne se pose pas. La  »grande pompe à phynances » fonctionne à plein. Le même phénomène se produit à l’intérieur de l’Europe.

– Malgré la globalisation et les déséquilibres croissants du système réel, la sphère financière croit à la stabilité grâce au recyclage des capitaux des exportateurs sous -consommateurs. Et puis, il y a les fameux Puts Greenspan d’abord, les hélicoptères de Bernanke ensuite.

Le mouvement de modernisation de la finance, de la financiarisation, comme nous le désignons, est jumeau du mouvement de la globalisation. L’un ne va pas sans l’autre et l’autre ne va pas sans l’un.

La globalisation a permis le miracle de la soi-disant productivité du système américain par les importations à bas prix, par les délocalisations, par l’arbitrage international du travail et par le transfert inégal et invisible de valeur.

Si la financiarisation n’était pas intervenue dans un contexte de globalisation, elle aurait échoué car le taux de profit américain n’aurait pas remonté, car l’inflation aurait rapidement fait son apparition, car il y aurait eu, rapidement des tensions sur les taux intérêts.

Financiarisation et globalisation sont inséparables, deux faces d’un même phénomène de mutation et d’extension du système placé sous le signe et permis par les modernisations, innovations, dérégulations financières. Permis aussi par cette sorte d’arrêt de l’Histoire, constitué par l’écroulement du modèle soviétique et l’affaiblissement historique du pouvoir syndical.

La financiarisation a produit un système politique pollué par l’argent, complaisant, connivent, sorte de pseudo-démocratie à deux vitesses dont le maintien repose sur l’opacité et la manipulation. La financiarisation a produit les théories pour la légitimer et elle a armé la force et la violence nécessaires pour la protéger. Car financiarisation, concentration et impérialisme vont de pair.

Le couple globalisation/financiarisation a produit une masse considérable de profit, une masse considérable de plus values boursières, une masse incroyable dettes, et une… modération, sinon une baisse des salaires réels dans les pays précédemment développés! En 20 ans, les salaires réels américains n’ont pas progressé.

Allemagne: les salaires bruts ont baissé de 4% en dix ans

Les salaires mensuels allemands se sont dégradés de 4% au cours de la décennie 2000-2010, représentant une perte moyenne de 100 euros, notamment en raison du développement du travail partiel, selon une étude de l’institut économique allemand DIW. Le travail partiel s’est développé au cours de la première moitié de cette décennie. En 2010 près de 25% des salariés avaient un emploi à temps partiel, s’accompagnant souvent de salaires horaires moins élevés. Le salaire horaire moyen d’un salarié à temps partiel s’élève actuellement à 7,79 euros brut à l’ouest et 6,86 euros à l’est (ex-RDA). Mais certains salariés, dans le commerce et la restauration notamment, gagnent à peine plus de cinq euros bruts de l’heure.

La masse de capital dans le système a gonflé de façon exponentielle, mais surtout, ce qu’il ne faut oublier, c’est que la masse de dettes incroyable dont nous parlons ci-dessus constitue un capital. Car ce qui est une dette pour les uns est un capital pour les autres, pour les créanciers. On le ne voit pas assez, cela est même dissimulé, dans nos systèmes, la dette une fois empaquetée, titrisée, vendue sur un marché devient un asset financier qui a statut de capital car il rentre dans le patrimoine de son propriétaire comme un autre placement et lui donne le droit de prélever son intérêt et d’exiger son remboursement.

source Global Macro Monitor

source Peak Watch

source BIS

Ce capital produit par la financiarisation/globalisation, il faut bien qu’il appartienne à quelqu’un, il n’est pas suspendu dans les airs. Il faut bien qu’il aille se loger à certains endroits du tissu social. Il n’est allé ni enrichir les salariés qui ont vu leur niveau de vie stagner, ni les Etats qui se sont endettés et ont vendu leurs bijoux de famille. Il est allé là où il devait aller, chez ceux qui étaient placés aux bons endroits du système, c’est à dire dans la sphère financière et dans les cercles, classes sociales, qui en sont proches, périphériques.

En gonflant dans des proportions sans précédent la valeur du capital financier, en accumulant une masse considérable de dettes, le système mis en place dans les années 80 a produit une inégalité sans précèdent. Quand on parle de surendettement, on pense aux débiteurs, on oublie que symétriquement, en face, il y des créanciers. Et si l’endettement a cru de façon exponentielle, les créances ont cru tout autant. Cela était inévitable, c’était inscrit dans la logique du système et cela le restera tant qu’on n’en changera pas.

Vous comprenez, bien sûr, pourquoi on escamote l’analyse des causes et des effets, pourquoi on évite de tirer sur le fil conducteur de l’Histoire et des origines du phénomène : mieux vaut se contenter, quand on veut que cela dure, de juxtaposer des constats et ne pas en tirer de conclusions. Elles pourraient déboucher sur des mises en questions inopportunes. L’escamotage des relations qui lient les causes et les effets, voire leur inversion, est l’un des grands secrets des magiciens du pouvoir. Les secrets de la financiarisation craignent la lumière ; c’est de l’obscurité que ses grands prêtres tirent leur pouvoir et leur richesse.

En fait, il faut aller plus loin encore dans l’analyse et c’est un aspect qui mériterait un développement en soi. Ce n’est pas un hasard si, dans ce même temps de la financiarisation/globalisation, se sont développés de nouveaux modes de gestion financière, de nouveaux véhicules, de nouvelles organisations.

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La politique de bas taux intérêt, a rendu totalement spoliateurs les placements traditionnels sans risque comme les fonds d’Etat.

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Les taux intérêt réels ont été nuls et le sont évidemment encore. Ils sont négatifs après frais et impôt. Cela explique le développement des gestions alternatives, délocalisées ou non, hedge funds, private equity etc. qui, elles, savent gérer et bénéficier de la complexité.

Ces gestions au cœur du système connivent ont réussi, jusqu’à ces derniers temps, à s’octroyer des rentabilités de 10 à 15%, lesquelles, capitalisées, viennent encore bonifier et enfler la masse de ce capital. L’épargnant traditionnel, lui, ne capitalise plus depuis longtemps et ses fonds de retraites non plus. Il prend à plein l’érosion monétaire et la prédation fiscale.

source New York Times

De la même façon, le système a, par l’argent bon marché, permis la généralisation des stocks options des dirigeants et de leur pendant, les rachats d’actions par les entreprises grâce au crédit, concrétisant ainsi la solidarité des détenteurs du capital et des managers dans le fameux objectif mystifiant de la création de valeur. La création de valeur qui se présente comme réelle et résultat du génie managérial, alors qu’elle n’est bien souvent que fictive et résultat de l’ingénierie financière permise… par la financiarisation.

Le système mis en place dans les années 80 a permis une accumulation sans précèdent dans l’Histoire, de vrai capital, de capital inflaté, de capital Ponzi et de capital fictif non représentatif d’investissements productifs. Il est logé dans le système financier, dans sa périphérie. Il s’est accumulé dans la sphère financière au sens large, celle qui inclut les grandes entreprises cotées, celles qui ont été introduites en bourse sous forme d’IPO, rachetées par le Private Equity, etc. Bref, dans les tissus de la finance de type Wall Street, même si, évidemment, il faut y inclure les satellites mondiaux de la place américaine.

Ce capital ne s’est pas diffusé, il n’a pas bonifié l’épargne traditionnelle, mais en plus, il a exigé des taux de profits hors normes, historiques, pour soutenir sa valeur. C’est un fait que, quand les valeurs boursières montent, les managers sont sommés de délivrer et de ratifier, par les résultats financiers, les anticipations contenues dans les cours de bourse. Ils n’ont pas droit de décevoir, sinon gare au bonus.

Ceci explique que la répartition des valeurs ajoutées entre le capital et le travail soit et reste, à un niveau historique record en faveur du capital. Et ce malgré la crise. Ceci, entre autres, a conduit à l’appauvrissement relatif des salariés, des petits entrepreneurs et des classes moyennes.

Variation du Coefficient de GINI aux Etats -Unis
Source: Census.gov, Table H.4

Le coefficient de Gini est un nombre variant de 0 à 1, où 0 signifie l’égalité parfaite (tout le monde a le même revenu) et 1 signifie l’inégalité totale (une personne a tout le revenu, les autres n’ont rien, cas extrême du maître et de ses esclaves).

Taux de Pauvreté aux Etats Unis

C’est ce système qui doit être stoppé à la fois parce qu’il dysfonctionne, parce qu’il est instable, contre-producteur de richesses réelles, mais aussi parce qu’il provoque des tensions sociales, politiques et maintenant géopolitiques.

Ce système doit être stoppé et la crise qu’il a provoquée donne l’occasion de la faire. Dans les crises, tout devient réversible. Le système peut être aussi bien consolidé que supprimé. Ce système doit être stoppé parce qu’il est néfaste et profondément destructeur. Ce n’est pas un hasard si les Anciens avaient reconnu la perversité du système de l’accumulation financière et avaient dans les traditions juive et chrétienne organisé des Jubilés. Des Jubilés, sortes de moratoires et de pardons des dettes institutionnalisés.

Le bon sens commande : avant même de songer à réduire les inégalités, avant de prendre de nouvelles initiatives malencontreuses, la logique est d’abord arrêter d’en produire.

L’accumulation financière dans ses paroxysmes actuels est déflationniste. Au lieu d’être productrice de richesse et de progrès, de sécurité et d’emploi, elle est génératrice de chômage, de mises au rebus et de gaspillage. De risques et de précarité. Elle détruit le vrai capital productif et le capital d’entreprise. Cette accumulation de la Finance Moderne est étroitement liée à la « capture » politique, à l’étatisme, à l’inquisition et à l’érosion des libertés individuelles.

Nous avons écrit à longueur de colonnes, dès 2002, puis régulièrement à partir de 2008, que la chose financière avait basculé. Elle marche sur la tête. La Sphère Financière a phagocyté, pollué, la Sphère Réelle. La finance au lieu d’être serve, tenue en laisse, produit maintenant de la servitude pour les autres. L’éclatement prévu, prévisible, inéluctable de la crise avec les mesures et les plans de sauvetage qui ont suivi ont révélé l’évidence cachée : c’est un système profondément injuste dans lequel profits sont privés et les pertes sont publiques. Et c’est pour cela que la question est maintenant politique. La crise n’est pas affaire de technique, mais de choix politique.

L’enjeu de la crise et de son traitement est simple : c’est le maintien ou non de l’ordre qui a été établi en 1971, puis complété pas à pas dans les années 80. Le maintien ou non de cet ordre de la finance prédatrice qui, au lieu d’être au service de l’économie, met, non seulement, l’économie, mais aussi la société toute entière à son service.

La Finance Moderne, construite par et pour les Etats, a donné naissance à une classe de gestionnaires aveugles, grisés, « greedy ». Cette finance a été bâtie sur une erreur colossale en train de devenir criminelle : l’illusion qu’il n’y avait pas de limite à l’endettement, l’illusion que le risque pouvait toujours être couvert, « hedgé ».

La Finance Moderne a été bâtie sur une illusion qui est maintenant en train de devenir un mensonge : le risque peut toujours être rejeté en dehors du système, le mouvement perpétuel existe, tous les jours on peut raser gratis, etc.

On sait maintenant, mais nous l’avons toujours écrit, que le risque ne peut être rejeté hors du système financier qu’à une condition : la condition est qu’il soit assumé, supporté par d’autres, les Etats, les Banques Centrales, bref, par les citoyens contribuables. Tiers payant généralisé, systémique. Les banquiers centraux qui ont prêté leur concours sont plus que des apprentis sorciers, ce sont des imposteurs cyniques.

C’est ce système qu’il faut démanteler. Il faut démystifier l’argument de ceux qui affirment que la consolidation, la poursuite dans la même voie, sont dans l’intérêt général. Il faut démasquer ceux qui se servent de la peur et agitent le catastrophisme pour faire croire qu’il n’y a pas d’autres solutions.

La Finance Moderne a produit un désordre social funeste. A la faveur de l’aggravation des inégalités, à la faveur de la destruction des classes moyennes, la société va tomber dans le piège d’une mise en cause du capitalisme et de l’économie de marché. L’Etat, une fois de plus, va se saisir de l’aubaine pour devenir de plus en plus intrusif, autoritaire et spoliateur. L’ironie est que cet Etat, qui est le vrai responsable in fine de la catastrophe, car c’est lui qui a mis en place le cadre de la Finance Moderne, cet Etat va se trouver renforcé !

 
BRUNO BERTEZ Le 10 Novembre 2011
 
 
 

21 réponses »

  1. C’est brillant comme d’habitude.

    Et ça ne manque pas de faire résonner mes mésaventures avec Nicolas Doze et sa goldmanite

    Mais ce que vous décrivez en terme de caste parasitaire vaut surtout pour les USA et la Chine. L’évolution du coefficient de Gini de la France devrait vous faire tiquer.

    Vous ratez la quintessence générationnelle du système, qui est que par définition, ceux qui n’étaient pas là au moment de l’émission de tout ce capital bidon, cette fausse épargne, se retrouvent aujourd’hui à trimer pour servir la dîme à la croulantocratie.

  2. Lundi 23 janvier 2012 :

    Les ministres des Finances de la zone euro ont rejeté lundi l’offre faite ce week-end par le secteur privé sur sa participation au deuxième plan d’aide à la Grèce, ont indiqué plusieurs sources au sein de la zone euro.

    Dimanche 22 janvier, le représentant des créanciers privés de la Grèce avait déclaré que ces derniers avaient atteint les limites des pertes qu’ils étaient prêts à concéder dans le cadre d’un échange de dette « volontaire », ajoutant que la balle était désormais dans le camp des bailleurs de fonds internationaux d’Athènes.

    « Les ministres ont renvoyé l’offre sur la table des négociations », a déclaré l’une des sources, avant de préciser qu’ils avaient spécifiquement demandé aux négociateurs de s’entendre sur un taux d’intérêt inférieur à 4 % pour les nouvelles obligations grecques.

    La Grèce négocie depuis des mois avec ses créanciers les modalités de l’effacement d’une partie de sa dette, condition essentielle à la mise en place d’un deuxième plan d’aide de 130 milliards de la part de ses partenaires de la zone euro.

    Du fait de longues formalités d’application, le pays a besoin d’un accord sur ce plan de participation du secteur privé (PSI) dans les tout prochains jours, sous peine de faire défaut dès la fin du mois de mars.

    http://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRPAE80M0FV20120123

    • 1) « La situation s’est débloquée quand j’ai persuadé les différents groupes parlementaires allemands, mercredi 28 avril, que ce n’était pas seulement la stabilité de la zone euro qui était menacée, mais son existence même et aussi les comptes de l’Allemagne », disait le directeur du FMI….

      http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2010/05/03/97002-20100503FILWWW00529-grece-strauss-kahn-s-attribue-le-merite.php

      Hélas ! Quelques jours après il a démissionné à cause… D’un non-lieu ! Qui a-t-il dérangé ?
      Car ses propositions n’étaient pas celles que l’on fait circuler aujourd’hui : convaincre les allemands au lieu de les suivre, opposition à une taxe Tobin, versement d’un prêt de 30 milliards à la Grèce et rigueur dans les pays non disciplinés (pas austérité)… [Perso, moi je suis pour une taxe Tobin, au moins à l’échelle européenne, mieux si internationale]. Quoi qu’il en soit, maintenant voilà où nous en sommes, « écoutez les saintes agences au lieu de cet obsédé sexuel »….

      2) Relativement à l’excellente analyse, je me trouve d’accord sur tout. Même si discotonio a une part de raison à dire que nous les jeunes sommes les grands perdants dans l’affaire, il faut dire que les occupy ne sont pas de vieillards non plus ! Il faut que les jeunes s’engagent plus (mais les vieillards aussi, à commencer par les profs avec le culs chauds sur leurs chers fauteuils, n’en parlons pas des politiques).
      Petite correction : leur mot d’ordre est plutôt : « nous sommes les 99% contre le 1% » et non pas l’inverse : – )

      3) Enfin, relativement au thème des inégalités, qui « comme celui de la redistribution des richesses et des revenus est dialectique » et puisqu’il est dit que « Personne, à notre connaissance, n’établit les liens entre le système, la crise et les inégalités; personne ne fait ressortir les causes et les effets, personne ne montre que tout cela est organiquement lié et qu’il ne s’agit pas là de conséquences non voulues. Le système, l’ordre mis en place selon les étapes décrites ci-dessus, produit de l’inégalité par construction et il en produit de façon accélérée et quasi autonome maintenant »,
      je ne peux que conseiller l’excellente analyse de DAVID HARVEY, qui est aussi très compréhensible même pour les moins férus de modélisation économétrique ou de jargon financier.

  3. merci pour cet excellent article.j’aurais aimé que vous le complètiez par votre avis sur la vraie valeur des monnaies après ce déluge de financiarisation.ne sont elles pas surévallués ,et comment ne pas s’etonner de la confiance que les gens leur accordent encore?

  4. Mardi 24 janvier

    @YAK

    Je vous remercie de votre question qui va a l’essentiel.

    La crise est une crise de surendettement, au début surendettement américain, maintenant surendettement global comme en atteste le déferlement de créances douteuses en Europe et en Chine.

    A la faveur du laxisme du crédit américain , le monde a été noyé sous les liquidités et l’argent facile et toute la planète a été contaminée. il est évident que si les taux d’intérêt et le prix du risque sont maintenus en dessous de leur valeur pendant très longtemps, cela développe des comportements pervers et en particulier des recours excessifs au crédit.

    Cela étant posé qu’est qu’une crise de surendettement? Qu’est ce qu’une crise d’excès de crédit? C’est un excès de promesses, libellées en monnaie, excès de promesses que l’on ne peut honorer, soit en terme d’intérêt que l’on ne peut servir, soit en terme de capital que l’on ne peut rembourser.

    Les solutions pour résorber cet excès qui peu a peu , par le biais de l’insolvabilité gagne tout le système sont:

    1- Restructurer la masse de dettes, c’est a dire en réduire le poids. C’est ce que l’on essaie de faire en ce moment en Grèce, on négocie pour faire en sorte que les banques abandonnent une partie de leurs créances sur le pays. La restructuration peut se faire de multiples façons: moratoire, conversion , allongement des échéances; baisse des taux, etc. La forme de restructuration la plus brutale est la faillite, le reniement des dettes: le débiteur dit je ne peux et ne veux plus payer;

    2-Accélérer la croissance économique et consacrer une part plus importante de cette croissance au remboursement des dettes au lieu de consommer; Travailler plus pour rembourser plus. Le problème c’est que le poids des dettes empêche la croissance, car il fait pencher le système dans le sens de l’austérité; Par ailleurs tout le monde ou presque étant dans la même situation , on ne peut faire de la croissance sur l’exterieur et tout ce que l’on réussit c’est la spirale vers le bas; La croissance grâce a l’austérité est un mythe, surtout dans une situation d’excès de dettes généralisé. L’austérité est une sorte de keynésianisme à rebours, les baisses de dépenses et les hausses d’impôts ont un effet multiplicateur négatif sur l’activité économique.

    3- La dernière solution consiste à avilir l’unité monétaire, c’est à dire à faire en sorte que les prix montent suffisamment pour que la masse de promesses accumulées en valeur réelle devienne compatible avec la production de richesses. Avant on dévaluait les monnaies les unes par rapport aux autres, c’était facile, maintenant, on ne peut que dévaluer par rapport aux biens et services, c’est à dire fabriquer de l’inflation.

    Sans le dire c’est la voie qu’ont choisi les anglais; Ils sont en train de réduire le poids de leur dette en inflatant le prix des biens et des services; Et cela marche, ils le font , tout en disant le contraire, à la faveur d’une politique économique cohérente et à la faveur du statut souverain de leur monnaie. Mais avec une inflation annuelle de l’ordre de 4,5 % , ce sera long, trop long.

    Entre temps ils risquent comme la France la dégradation qui fera monter leurs taux d’intérêt et bloquera le processus.

    Bien entendu les trois voies décrites ci dessus peuvent être panachées et c’est à mon avis ce que tentent les américains.

    Combien valent les monnaies dans ce cadre?

    En régime statique les monnaies devraient être dévalorisées de 75% au minimum.
    Mais le régime est tout sauf statique, quand on lance une mécanique, les agents économiques ne restent pas les bras croisés et le système devient dynamique, tout le monde résiste et cherche à se protéger; l’inflation d’abord rampante s’accélère, puis devient hors de contrôle et l’on ne sait pas ou elle s’arrête, C ‘est ainsi que la monnaie risque d’être détruite dans les proportions considérables. C’est la grande crainte des allemands.

    • merci.je pense que nous nous dirigeons tous vers la première voie.l’écroulement immobilier pourrait bien empecher toute inflation amha

  5. « Les pirates ne sont pas, et ne seront jamais, les amis sincères des navigateurs »Histoire de l’infamie, Jorge Luis Borgès

  6. Mardi 24 janvier 2012 :

    Standard & Poor’s va probablement abaisser la note souveraine de Grèce en catégorie « défaut sélectif » lorsqu’Athènes finalisera la restructuration de sa dette, a annoncé mardi John Chambers, président du comité des notations souveraines de S&P.

    Il a toutefois précisé qu’un défaut grec ne détruirait pas nécessairement la crédibilité de l’Union européenne.

    « Il n’est pas dit qu’un défaut grec ait un effet domino dans la zone euro », a déclaré John Chambers lors d’une rencontre organisée par Bloomberg Link.

    http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2012/01/24/97002-20120124FILWWW00492-grece-menaces-sur-la-note-par-sp.php

  7. L’élite mondiale à Davos loin des tumultes d’un monde « épuisé ».

    Les dirigeants de l’élite politique, économique et financière de la planète se retrouvent mercredi à Davos (est) pour leur grand rendez-vous annuel, loin des tumultes d’un monde « épuisé » par la crise et des incertitudes entourant son avenir économique.

    La Grèce n’en finit pas de s’enfoncer dans la crise, les négociations qu’elle mène avec ses créanciers privés (banques, fonds d’investissement, etc) ne sont toujours pas bouclées, et même si les marchés accordent depuis le début de l’année un moment de répit aux Européens, la crise est encore loin d’être réglée.

    Une fois encore, tous les regards sont tournés vers l’Allemagne dont beaucoup attendent, en Europe et ailleurs, un geste pour rassurer durablement les marchés.

    « Le monde est dans un état de burn out (épuisement) total », avait déclaré fin décembre le fondateur et président du Forump, Klaus Schwab. « Nous avons échoué à retenir les leçons de la crise financière de 2009. Une transformation mondiale doit avoir lieu d’urgence et cela doit commencer en rétablissant une forme de responsabilité sociale », a-t-il renchéri il y a quelques jours.

    Les thèmes retenus pour cette édition 2012 du Forum en disent long sur l’inquiétude de ses organisateurs : « Le capitalisme du XXème siècle est-il en train de flouer la société du XXIème siècle ? », « Risques globaux en 2012 : les graines de la désillusion », ou encore « Réparer le capitalisme ».

    http://www.boursorama.com/actualites/l-elite-mondiale-a-davos-loin-des-tumultes-d-un-monde-epuise-ed64fe2306bc7c20ada691562acd850f

    • tiens,tiens,ils commencent a retourner leur veste!quel culot chez ces gens qui n’ont été qu’arrogance et malhonneteté intellectuelle depuis des années.c’est caricatural

  8. Mercredi 25 Janvier

    L’une des thèses que nous défendons est que la politique financière suivie depuis la dérégulation et le début de la financiarisation, cette politique financière est déflationniste. Elle produit des inégalités, du chômage, et incite les marchés à réclamer des taux de profits historiquement records alors que l’on est en pleine crise.
    La dérégulation financière n’a pas provoqué d’inflation du prix des biens et services, Elle a provoqué un gonflement sans précèdent de la valeur des assets, des actifs. Cela est normal, et c’était voulu, puisque le canal par lequel la manne financière a été déversée a été, non pas les consommateurs, mais les marchés financiers, les marchés d’actifs. C’est une des conséquences de la théorie de l’offre qui dit que ce qu’il faut stimuler, pour accélérer la croissance, c’est l’investissement. Mais la théorie de l’offre n’avait pas prévu que, dans une économie non compétitive, comme les USA et les vieux pays industrialisés, la délocalisation, les investissements à l’étranger et les importations se développeraient et qu’ainsi, les ressources financières artificielles créées, au lieu d’alimenter la croissance domestique et de produire de l’emploi, produiraient du profit et un gonflement de la valeur du capital, des assets.
    La concomitance d’une crise de surendettement, d’une bulle des assets financières, de taux de profits absolument records et d’un système social dominé par l’aggravation des inégalités devraient faire réfléchir. Intuitivement, on sent bien que tout est lié.
    C’est ce que nous avons essayé de montrer dans notre article sur la production des inégalités.
    En un mot comme en cent, le recours à la dette, au levier, a servi à produire, à fabriquer, du capital et des profits records et, ce capital, comme cela est normal et souhaitable en régime capitaliste, cherche à se défendre, à maintenir sa valeur et sa rentabilité en imposant, ou cherchant à imposer, un taux de profit supérieur aux normes historiques. A capital hors normes, doivent correspondre des profits hors normes. La loi de la concurrence ne s’impose pas seulement aux marchandises, elle s’impose aussi aux capitaux. Dans un monde de l’investissement compétitif, les capitaux cherchent la rentabilité maximum, par tous les moyens, et de ceci témoignent la création et le développement des hedge funds et du private equity.
    A noter que les détenteurs de capitaux et les gérants ne font que leur travail, imposé par le système; placés dans un monde de compétition, ils essaient d’exceller. Mais on remarquera que si l’argent était moins facile, si les taux d’intérêt étaient à leur prix, c’est à dire réellement positifs, le recours au levier et à la dette serait beaucoup plus limité. Le gonflement de la valeur des assets, du capital, serait beaucoup moindre, la pression pour valoriser le capital, obtenir la masse de profits la plus élevée possible, cette pression serait elle aussi beaucoup plus limitée.
    Présenté autrement pour les besoins de la démonstration, on a créé du capital à crédit, on a inflaté la masse de capital par le recours à l’endettement et on ne doit donc pas s’étonner si cette masse de capital essaie de faire en sorte de maintenir sa valeur, d’une part, et de s’octroyer le profit maximum, d’autre part. Les managers, on le sait, cherchent à remplir leur contrat vis à vis des propriétaires et des marchés et à délivrer des performances qui sont conformes aux attentes et qui ratifient les cours.
    Les managers sont donc conduits à chercher la productivité maximum, à investir là où c’est le plus rentable, donc à l’étranger, à chercher les fiscalités les plus avantageuses, à importer plutôt qu’à produire, à racheter les actions pour soutenir les cours plutôt que de subir une érosion de leur taux de rentabilité du capital investi.
    Pratiquement, pour illustrer, prenons le cas Lejaby. Une ouvrière explique qu’à la suite de diverses transactions financières, Lejaby est passé dans les mains de capitalistes du Private Equity. Le Private Equity, pour acheter, a recouru au levier, cela permettait de bonifier le retour sur le capital propre investi. La production a été délocalisée, seule 30% de la fabrication est restée en France. Le taux de profit moyen normal de Lejaby est de 3 à 4 % ; c’est peu ; mais pour un capitaliste à l’ancienne, c’était et c’est encore souvent suffisant. Mais pour un capitaliste de Private Equity qui attire les fonds de ses souscripteurs par des promesses de rentabilité supérieures à 10%, et, en plus, a des dettes à rembourser et, en plus, veut faire de l’asset stripping (dégraisser les actifs immobiliers ou autres), c’est très insuffisant.
    Si le capital en levier, le capital à crédit, n’était pas entré dans la danse, peut-être que les Lejaby seraient encore au travail.
    Si les politiques monétaires d’argent facile, de stimulations idiotes, n’avaient pas été mises en place, d’une part, il y aurait moins de dettes dans le système et, d’autre part, il y aurait moins d’inégalités et plus d’emplois.
    Les politiques idiotes se poursuivent et s’aggravent.
    Elles consistent toutes à prélever sur les ménages, leur épargne, leurs fonds de retraites, au profit du couple maudit constitué par l’Etat et les Banques.
    En réalité, c’est plus qu’un couple, car les participants à l’entreprise sont plus nombreux, il y a l’Etat, les Banques Centrales, les Banques, le Shadow Banking System.
    Les politiques de taux d’intérêt nul, ou quasi nul, consistent à transférer les revenus des épargnants, des ménages et de leur retraites, vers les endettés, surendettés, c’est à dire l’Etat et les Banques. Ce transfert de revenu est purement et simplement un impôt qui pénalise le pouvoir d’achat et le pouvoir d’épargne des ménages. C’est une taxation cachée, mais c’est aussi de l’austérité qui ne dit pas son nom. Car les taux bas ne sont pas transmis à l’économie par les banques, celles-ci maintiennent des taux élevés, des marges exceptionnelles, elles refusent les risques, elles découragent les emprunteurs. Ce que les épargnants et retraités perdent ne se retrouve pas dans la demande finale du pays, ne contribue pas à accélérer l’investissement, la croissance, à créer des emplois; non, cela sert à améliorer la situation financière des deux complices, Banques et Etat. Pour souligner cette complicité, nous faisons remarquer que la crise actuelle sert de révélateur et que l’on voit clairement que Banques et Etat sont liés, les Banques finançant les Etats, achetant leurs dettes, et les Etats, en échange, assurant les Banques de leur soutien. Bien entendu, les discours publics tendent à prouver le contraire.
    Les Banques Centrales ne se contentent pas d’imposer des taux d’intérêt spoliateurs, elles font des Quantitative Easing. Un QE, cela consiste à acheter des actifs dont le taux de rendement est élevé, car risqué ou long, et à le remplacer par un actif, la monnaie, à une rentabilité nulle, à rendement zéro. Un QE, cela consiste à retirer du revenu dont disposait avant l’économie et à le remplacer par des assets monétaires court terme qui ne rapportent aucun revenu. Les QE ne sont évidemment pas inflationnistes, mais déflationnistes, ils retirent du revenu et le donnent à l’Etat et au système bancaire, lesquels font, because austérité et surendettement, lesquels font la grève de la dépense. Au passage, on fait un cadeau aux banques sur la valeur de leurs assets puisque l’on rachète de préférence ce qui est pourri ou douteux.
    La BCE est une Bad Banque qui décolle (plus ou moins temporairement) le système bancaire de ses actifs pourris et transfère les revenus, qui normalement devraient revenir aux ménages, vers l’Etat et ses associés systémiques, les banques.
    Contrairement à ce que proclame François Hollande, tout cela n’a rien à voir avec les riches, avec le système capitaliste etc. Les attaques contre les riches sont là pour détourner l’attention et masquer un colossal conservatisme connivent. Les riches ne sont qu’un sous-produit, un by-product, du système de la financiarisation, un sous-produit réel, visible, donc désigné pour être un bon bouc émissaire.
    Revenez à une politique monétaire saine et en très peu de temps le problème des riches, des ultras riches, disparaitra. Le retour à une économie saine suffira à empêcher la prolifération de parasites, à faire rendre aux ultras riches ce qui leur a été octroyé indument. Le nombre de richesses fictives qui seront balayées par une politique monétaire, économique et fiscale saine est considérable.
    Le programme cadre de François Hollande, même après analyse approfondie, n’apporte rien pour sortir de la crise. Le véritable ennemi, ce n’est pas l’argent, contrairement à ce qu’il dit en reprenant l’antienne de Mitterrand, le véritable ennemi, ce sont les fondements, les ressorts cachés du système, sa logique perverse. Ce sont les complices, Etats, Banques Centrales, Banques, Shadow Banking.
    Mitterrand a été élu en son temps sur la stigmatisation de l’argent et des riches, on a vu ce qu’il en est advenu. Faute d’une analyse correcte, il a été l’un des présidents les plus soumis aux puissances anonymes de l’argent. Toute sa politique a été mise à bas par les lois implacables de l’économie et de la finance, tout a été renversé par les dévaluations et politiques d’austérité du type Jacques Delors! Lui-même et son entourage ont été victimes de ce qu’il dénonçait, par les scandales, délits, etc. Jamais le vieil adage pascalien n’aura été plus justifié: qui veut faire l’ange fait la bête.
    Nous reviendrons plus tard sur les risques qu’il y a prendre à prendre la foule dans le sens du poil et à utiliser les vieilles ficelles populistes d’avant-guerre du bouc émissaire… surtout en matière d’argent.

    • c’est une évidence que la politique de taux zero puis de QE a encouragé des bulles et des surendettements successifs depuis 2001. Je me suis souvent demandé pourquoi il n’y a pas un seul responsable dans toute l’Europe qui ait soulevé ce problème. Vous avez une idée?

      • Le problème de la vérité disait un philosophe : c’est de comprendre pourquoi le mensonge réussit si bien .

        Je me suis posé la même question que vous et je n’ai pas de réponse satisfaisante. Je crois qu’il doit y avoir un biais humain à ne pas vouloir voir ce qui dérange, un biais à être gogo en quelque sorte.

        Plus sérieusement, j’ai l’impression que les deux grands bénéficiaires des bulles sont le système bancaire et les gouvernements, cela peut expliquer qu’ils aient fermé les yeux sur ce qui se passait et sur les risques que cela comportait. On ne critique pas ce dont on bénéficie en quelque sorte .

        Les économistes indépendants, c’est à dire ceux qui ne vont pas à la soupe des gouvernements ou des banques sont peu nombreux et surtout ils n’ont pas accès aux médias grand public. Par ailleurs la matière est complexe et surtout contre intuitive, peu de gens même parmi ceux qui sont non biaisés, ont l’envie de faire l’effort nécessaire pour rentrer dans ce type de sujet.

        Plus radicalement encore, on peut émettre l’hypothèse que la circularité, l’absence de référent , qui sous tend la pensée économique actuelle conduisent à gober de telles aberrations. Ce n’est pas un hasard si la FED en 2006 niait l’existence d’une bulle du housing, si Greenspan prétendait qu’il n’y avait pas de bulle rien que des exubérances locales, et si Bernanke en 2008 croyait a une petite correction passagère et bienfaisante.

        Si les gouvernements gouvernaient et faisaient autre chose que de la politique politicienne , voila un beau sujet de travail pour une commission: comment en est on arrivé là?

        • Eh oui , j ai parfois l impression que la lucidité économique est à l’Europe ce que l’oenologie est à l’Arabie Saoudite, une activité sacrilege et méprisable…La vérité nous viendra d’ailleurs une fois de plus…

  9. La Grèce se retrouve de nouveau face au spectre d’une faillite.

    Pour Marc Fiorentino, auteur de la lettre financière « Monfinancier.com », la question est donc de savoir s’il faut prêter encore de l’argent à la Grèce alors qu’on sait qu’elle « est en faillite, qu’elle ne pourra jamais rembourser un euro ». Ou si « on va finalement tenter une autre voie pleine d’embûches : reconnaître la faillite et organiser sa sortie de l’euro… »

    Une issue qui revient ces jours-ci dans la bouche de certains responsables politiques européens. Mais que « personne n’ose imaginer, assurait mardi 24 janvier un diplomate à Bruxelles, tant les conséquences demeurent incalculables ».

    http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/Economie/La-Grece-se-retrouve-de-nouveau-face-au-spectre-d-une-faillite-_EP_-2012-01-25-761905

  10. « L’Etat, une fois de plus, va se saisir de l’aubaine pour devenir de plus en plus intrusif, autoritaire et spoliateur. »

    Je ne comprends pas bien votre propos ici. Vous démontrez, avec pal mal de brio, tout au long de votre article que c’est la dérégulation systématique et organisée des marchés mise en place depuis le début des années 1980 et le paradigme du marché libre qui a dominé la mentalité de nos classes politiques qui sont responsables de ce système générateur d’inégalité, injuste et inefficace. Si on suit votre raisonnement on doit revenir vers plus de régulation et un rôle plus important de l’Etat avec entre autres des politiques redistributives ambitieuses. C’est politiques redistributives ne seraient pas de la « spoliation » mais une meilleure répartition des richesses indument distirbuées par ce système bancal, financiarisé et globalisé.

    Pouvez-vous indiquer quel système alternatif vous proposeriez et quelle y serait la place de l’Etat?

    • Pour rappel, un système sera toujours inégalitaire sauf si vous faites une dictature communiste (et encore, vous aurez toujours une élite qui prendra la grosse tête et se servira du système). par inégalitaire, j’entends qu’une personne qui gagne moins qu’une autre aurait tendance à penser que c’est forcément injuste, y compris si la personne qui gagne plus fait aussi plus d’efforts.

      Tout le monde ne respecte pas les règles du jeu et pas qu’une partie des riches qui sont toujours pointé du doigt, mais c’est tabou de le dire, comme si le combat n’était qu’entre le gentil pauvre innocent et le méchant riche.

      • Don Flamengo, tout d’abord, ça n’est pas « une partie des riches » qui est pointée du doigt mais bien un système (où le concept de gentils et méchants n’a d’ailleurs rien à faire…). Ce système c’est celui de la dérégulation forcenée qui a été mis en place depuis les années 80 sous les coups de semonces des lobbys financiers et l’attitude passive de politiques qui se sont bercés d’illusions (comme la quasi-totalité de l’intelligentsia mondiale) quant aux théories libérales. Ma question est donc de savoir quelle solution préconisez-vous pour revenir sur cette dérégulation des marchés et de la finance qui nous a amené là où nous sommes aujourd’hui. L’Etat et les institutions internationales sont en train de redéfinir les règles de la finance mondiale (plus ou moins bien, nous sommes d’accord). Considérer vous ce type « d’intervention » comme salutaire ou bien purement « intrusive et autoritaire ».

        Concernant la redistribution, j’ai peur que nous soyons trop éloignés sur ce sujet pour pouvoir entrevoir le moindre consensus. Je ne proposais aucunement la mise en place d’une redistribution égalitaire des richesses mais simplement un système de répartition conscient que le monde libéralisé et mondialisé dans lequel nous vivons implique des perdants et des gagnants indépendamment de « l’effort » apporté par chacun dans l’économie. La taxation sur les plus haut revenus n’a d’ailleurs pas forcement vocation à être redistribuée à ses fainéants de pauvres sous la forme de transferts en argent mais pourrait être allouée au système éducatif et à la formation professionnelle pour permettre à tout le monde de mieux se former tout au long de sa vie et assurer que chacun bénéficie de chances un peu moins inégales face au système. Mais je vais sans doute trop loin… trop « system-changing » probablement…

  11. Mensch, c’est balèze, merci.

    Comme Don Flamengo le souligne , il y a une contradiction apparente entre dénonciation de la dérégulation et dénonciation du rôle de l’Etat, mais on perçoit qu’elle n’est qu’apparente. Ainsi le keynésianisme et l’Etat providence pallient les excès les plus scandaleux du système en faisant en sorte que la cocotte n’explose pas au nez des plus riches. Ainsi, l’Union européenne et à la fois ultralibérale (cf le démantèlement du tarif extérieur commun, les pressions au nivellement par le bas des avantages sociaux) et bureaucratique. De même, Vincent Bénard dénonce dans l’ultralibéralisme une captation de l’Etat au profit d’une oligarchie.Charles Gave fait le même genre d’analyse.

    On attend impatiemment un papier sur ce sujet

    Autre question : êtes vous partisan d’un retour à l’étalon or? Et la dérive n’a -t-elle pas commencé dès avant 71 avec l’étalon de change or?

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