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Gestion de portefeuille Actions : De la bonne interprétation des niveaux de dividendes

De la bonne interprétation des niveaux de dividendes

L’époque est aux distributions stables et généreuses. En Suisse surtout. Avec un certain nombre de malentendus.

L’intérêt porté  depuis  au moins trois ans aux sociétés dites  «à dividendes» ne cesse de se confirmer. Cette composante du rendement total des actions est prise toujours plus en considération par beaucoup d’investisseurs. On peut même dire qu’il s’agit aujourd’hui d’un mainstream. Il est vrai que l’écart peut être considérable avec les rendements des obligations à dix ans de la Confédération et d’autres emprunts d’Etat, s’agissant des actions suisses.

source New York Times

Les stratégies de dividendes offrent aux investisseurs un coupon attrayant. Attention cependant au piège, car un dividende élevé, au regard des cours actions actuels, ne signifie pas qu’il le restera. Encore faut-il qu’une entreprise puisse au moins maintenir sa capacité bénéficiaire les années suivantes.

C’est pourquoi il importe de bien sélectionner les sociétés et de ne pas forcément s’orienter vers  celles qui présentent actuellement les rendements les plus élevés.

L’idéal est la combinaison d’un rendement actuel  avantageux du dividende avec la capacité qu’a une entreprise d’augmenter durablement sa valeur, donc ses bénéfices et ses cash-flows libres dans la durée. Une caractéristique combinée à un management qualitativement bon. Cela ne va pas de soi. Une action est un titre de propriété dans une entreprise. Si la qualité de cette dernière est bonne, le temps travaille en faveur des investisseurs, lesquels recevront un dividende, intrinsèquement stable et croissant à long terme.

En revanche, si une société verse un dividende attractif aujourd’hui, mais susceptible de se réduire fortement, le temps cesse d’être l’ami des investisseurs à long terme. La Banque Cantonale de Zurich (ZKB) a tenté d’y voir plus clair sur le marché suisse.

PLUS/MOINS DE DIVIDENDES EN SUIVANT :  

 La Banque Cantonale de Zurich (BCZ) a publié une étude qui résume les sociétés qui affichent actuellement les rendements les plus élevés sur le marché suisse .

La situation présente met en relief plusieurs cas intéressants, du point de vue du rendement du dividende, en particulier Zurich Financial Services, Novartis, Ems-Chemie ou Pargesa. Ces trois dernières sociétés se prévalent non seulement d’un paiement de dividendes continu depuis longtemps (par exemple depuis 1982 pour Pargesa), mais aussi d’une progression régulière de leurs dividendes (sauf en 2008 pour Ems-Chemie).

On n’observe pas un tel parcours pour une grande majorité de banques, d’assurances ou d’autres sociétés financières cotées sur le marché SIX Swiss Exchange. En revanche, Novartis, par exemple, continuera vraisemblablement à augmenter son bénéfice par action, et donc le dividende, dans les années à venir, bien qu’une mauvaise année puisse survenir.

Si vous possédez des actions d’une excellente affaire, celles-ci accompliront  la majeure partie du travail pour vous, d’après John Spears, associé et managing director chez Tweedy Browne Company LLC. En d’autres termes, si les variables qui affectent une entreprise sont trop dures  à évaluer et les conséquences de se tromper trop difficiles à quantifier, il vaut mieux s’abstenir, même si le dividende que laisse miroiter ou verse actuellement cette société parait séduisant, voire irrésistible.

L’idée selon laquelle les entreprises qui présentent un taux de distribution (payout ratio) élevé de leurs bénéfices limitent leur croissance est fausse. Une progression des dividendes dans la durée est presque toujours la résultante des entreprises qui croissent de manière rentable et qui, de ce fait, augmentent progressivement leur cash-flow libre (free cash flow), lequel revient virtuellement aux actionnaires.

Un tableau somme toute analogue se présente en Europe. De même qu’aux Etats-Unis. Les rendements des actions européennes (MSCI Europe) s’élevaient à plus de 4% en moyenne au début de 2012, soit bien au-dessus du rendement des emprunts de l’Etat allemand à dix ans (environ 2%). Un tel niveau de rendement, comme en Suisse, ne s’est plus vu depuis le début des années 80.

Les dividendes annoncent leur retour ou font leur comeback comme lors des années 80, selon Allianz Global Investors, qui gère un gros fonds de placement axé autour des dividendes. Une stratégie de dividendes conduite intelligemment, avec, en filigrane, la présevation impérative du capital, vaut sans doute mieux qu’une multitiude de stratégies d’investissement à court terme.

Philippe Rey/agefi fev12

EN COMPLEMENT : Traiter les dividendes avec doigté

 Certains investisseurs attirés par les dividendes ont vécu des histoires d’horreur durant les dernières années. S’il est vrai que les dividendes donnent au portefeuille d’un client un certain coussin en cas de baisse, il faut quand même les choisir judicieusement pour éviter d’avoir de mauvaises surprises.

En 2011, les dix titres offrant les plus hauts dividendes du Dow Jones Industrial Average ont connu une hausse de 10,7 %. En incluant les dividendes eux-mêmes, on obtient un rendement total de 16,7 % en 2011. Ces deux résultats sont de loin supérieurs au rendement de 5,5 % enregistré par les trente titres formant le Dow Jones Industrial Average durant la même période.

Il y a de quoi attirer les foules. Connu pour son dividende élevé, le titre de Pages Jaunes a pourtant perdu presque toute sa valeur en près d’un an. Son dividende, lui, est passé de 1,42 $ par action en 2007, à près de 0,76 $ en 2010. En 2011, il est tombé à 0,65 $ avant d’être suspendu en septembre. Pourquoi une telle chute? Plusieurs facteurs sont en cause, mais un facteur important est l’érosion des revenus provenant des activités traditionnelles de cette entreprise, comme les bottins téléphoniques, au profit d’Internet.

« Dividende ou pas, avant de choisir un titre il faut regarder attentivement le bilan de l’entreprise, prévient Jean-René Ouellet, analyste principal, groupe conseil en portefeuilles chez Valeurs mobilières Desjardins. Est-elle trop endettée? Est-ce que l’industrie dans laquelle elle se trouve a de bonnes perspectives? Y-a-t-il de bonnes barrières à l’entrée? Les marges bénéficiaires sont-elles bonnes? »

Bien qu’un rendement du dividende élevé ne soit pas nécessairement signe de risque, la taille d’un dividende peut, lorsque comparée au bilan, être révélatrice de ce qui attend une entreprise dans le futur. « Un repas gratuit, ça n’existe pas dans l’investissement. Si les gens achètent un titre seulement parce qu’il donne un dividende de 12 % et qu’ils s’étonnent de le voir chuter par la suite, il y a un problème. Quelqu’un qui ne veut pas courir de risque avec ses placements n’a qu’à acheter une obligation canadienne de dix ans qui fournira un rendement de 1,9 % », ajoute Jean-René Ouellet.

Le ratio de distribution, qui compare les dividendes aux bénéfices par action, doit également être attentivement examiné. Ainsi, une entreprise qui verse en dividendes autant que ce qu’elle gagne sacrifie sa croissance. De plus, un ratio de distribution élevé peut être synonyme de chute des bénéfices, rappelle Steve Bélisle, gestionnaire de portefeuille, actions canadiennes, chez Investissements Standard Life.

« Pour maintenir leurs dividendes en période difficile, les entreprises peuvent choisir de s’endetter. Si elles le sont déjà trop, elles ne pourront pas emprunter et leur dividende risque d’être coupé, souligne-t-il. Au contraire, si elles ont de beaux bilans, même si leurs flux de trésorerie sont faibles, elles pourront lever de la dette pour faire des acquisitions, croître et couvrir leur dividende.»

Il ne faut toutefois pas croire qu’un ratio de distribution élevé est toujours synonyme de danger. Certains secteurs sont beaucoup moins demandant que d’autres en termes de capitaux. « Prenons l’exemple de la compagnie Aéroplan, elle a un modèle très peu demandant en capitaux, explique Jean-René Ouellet. Son ratio de distribution est donc très élevé et c’est acceptable. D’autres entreprises, comme dans le secteur pétrolier, ont besoin de davantage de liquidités pour financier des forages ou des explorations. »

L’astuce, c’est donc de trouver une compagnie stable offrant un dividende intéressant. Veronika Hirsch, chef de la direction des investissements et gestionnaire chez BluMont Capital, ajoute deux autres ingrédients à cette recette : la croissance et la politique de dividende.

« Je me concentre beaucoup sur les dividendes, oui, mais également sur la possibilité qu’ils ont de croître dans le temps, indique-t-elle. De plus, je veux que l’entreprise ait une politique de dividende claire. Les compagnies qui planifient d’augmenter leur dividende progressivement en suivant la croissance de leurs flux de trésorerie sont très intéressantes. »

Beaucoup de sociétés ayant des bilans très sains sont assises, depuis la fin de la crise financière, sur des masses de liquidités inutilisées. Vont-elles utiliser ces fonds pour relever leurs dividendes une fois la reprise économique en vue? Steve Bélisle croit que oui : « Les compagnies voient que le marché est prêt à payer pour des dividendes. Elles vont sûrement vouloir monter leurs dividendes ou mener des opérations de rachat d’actions. Ce ne sera pas dans tous les secteurs, mais ça pourrait arriver. »

Pour des questions de rentabilité, Veronika Hirsch prévoit plutôt qu’on assistera à une vague de fusions et d’acquisitions. L’accès facile au financement et les bas prix favorisent ces transactions qui sont plus probables qu’une hausse massive des dividendes. « Acquérir un concurrent permet à une entreprise de faire plus de profits, plus rapidement. Développer sa propre usine lui demanderait un temps d’attente durant lequel la demande des consommateurs peut changer ou tout simplement disparaître », soutient la gestionnaire.

source F&I Janv12

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La surperformance à moyen terme des stratégies de dividendes

Les entreprises versant des dividendes stables présentent les meilleures opportunités de rendement dans un contexte de marché difficile.

Le monde a dramatiquement changé pour les investisseurs. Que l’on songe seulement aux années écoulées, fort mouvementées: crise du marché hypothécaire américain, crise financière et économique, trains de mesures conjoncturelles, assouplissement de la politique monétaire, crise de l’endettement étatique et, surtout, crise de la dette européenne. Dans un tel contexte, pouvoir réaliser des rendements attractifs est un défi tout particulier à relever. Cela, en termes nominaux et réels, donc en tenant compte de l’inflation.

Au final, dans de nombreux types de placements, le niveau de performance et les attentes de rendement ont baissé, surtout en raison du recul des taux d’intérêts et des rendements plus faibles, voire parfois négatifs, des obligations d’Etat. Nombre d’investisseurs ont aussi changé leur manière d’apprécier les risques. C’est pourquoi, le critère qui privilégie une source de revenus sûre, de caractère durable, gagnera encore en importance.

Selon toute probabilité, à l’avenir également, les investisseurs devront faire face aussi bien à de nouveaux risques et à de nouvelles incertitudes qu’à des changements de cycles conjoncturels dans les pays industrialisés. Dès lors, sélectionner une stratégie qui mette l’accent sur les dividendes pour son propre portefeuille fait sens. Cette stratégie combine, au mieux, des rendements de dividendes élevés et une croissance durable, car elle offre à la fois l’avantage d’un revenu régulier et celui d’un «effet tampon» en cas de chute des marchés. Cela, sans négliger pour autant des opportunités de marché.

C’est en ce sens que «la valeur bat la croissance» pourrait devenir la devise de 2012 pour les placements en actions. Sur des marchés difficiles ou volatils, les entreprises versant régulièrement des dividendes présentent de meilleures opportunités de rendement que celles qui ne procèdent à aucun versement de dividendes. Même si on les compare aux placements obligataires, ce sont les stratégies privilégiant les dividendes qui marquent des points. Enfin, avec 4 à 5% de rendement, des stratégies de ce genre réalisent des performances nettement supérieures à celles des obligations à long terme, qui rapportent parfois moins de 2%.

Les stratégies de dividendes n’ont pas le succès escompté dans l’environnement actuel de marché, mais aussi à long terme. Pourtant, dans leur ouvrage Triumph of the optimists: 101 years of global investment returns, Elroy Dimson, Paul Marsh et Mike Staunton effectuent des calculs détaillés et montrent qu’un portefeuille d’actions US avec réinvestissement du produit des dividendes aurait généré, au fil de ce dernier siècle, près de 85 fois plus de valeur qu’un portefeuille identique qui, lui, aurait misé sur les gains en capital.

Sur des marchés à la peine, les actions à forts dividendes constituent aussi un rempart contre les chocs du marché. Une analyse des rendements remontant à 1927 montre que, dans des phases de fléchissement, des actions de ce genre se maintiennent mieux que d’autres titres, cela vaut aussi bien pour les actions américaines que pour les titres européens.

Le Deutsche Aktieninstitut (DAI), par exemple, a calculé qu’au cours des 23 ans qui ont suivi l’introduction de l’indice DAX, cette catégorie d’actions constituait pas moins de 40% de la performance globale des actions allemandes standard.

La crise financière et ses turbulences ont à nouveau remis en évidence les stratégies de dividendes. Au vu du faible niveau des rendements sur de nombreux marchés obligataires, les investisseurs réallouent leurs actifs vers le marché des actions, afin d’accroître le produit des dividendes encaissés. La volatilité du marché parle aussi en faveur des stratégies de dividendes, car celles-ci atténuent les effets des reculs de cours sur le portefeuille. En règle générale, ce sont les entreprises versant régulièrement des dividendes qui sont les plus stables et les mieux placées. Même en période de difficultés économiques, ces entreprises ne renoncent pas à verser des dividendes. Elles procèdent même rarement à des réductions de dividendes, puisqu’il existe bien d’autres possibilités d’adaptation, telles les réductions de coûts.

Les experts s’attendent à une progression continue de la demande en titres à dividendes dans les années à venir. Motif: la génération des baby-boomers atteint en ce moment l’âge de la retraite. Pour se constituer une base de revenu lors de la retraite, ces baby-boomers demandent de manière accrue des placements dont le revenu est constant. Ils accroissent ainsi leurs avoirs de vieillesse et, grâce aux actifs disponibles, peuvent combler la lacune de revenus entre leur dernier salaire et leur rente de vieillesse.

Ici intervient un autre avantage psychologiquement important des actions à stabilité de versement de dividendes élevés: celui qui réalise un revenu régulier à partir de la fortune qu’il a investie peut réagir avec plus de sérénité aux pertes de cours qui seraient intervenues entre-temps. Si le versement reste stable, il est plus facile d’être exposé à une phase de marché difficile, pour autant que la perspective à long terme soit claire.

Ce qui décide du succès d’une stratégie de dividendes, c’est la sélection des entreprises, elle-même basée sur les perspectives de rendement futur. En effet, seules les entreprises les mieux placées et dont les modèles d’affaires fonctionnent durablement offrent, à longue échéance, des dividendes durables et, de ce fait, de vrais avantages dus à la stabilité.

Il convient donc d’évaluer chaque entreprise individuellement et pas exclusivement sous l’angle du dividende. La quote-part et la durabilité des dividendes jouent un rôle important. On attend d’une entreprise saine un dividende approprié, mais pas excessif. Car une valeur trop élevée laisse présumer que l’entreprise veut garder à tout prix ses actionnaires. Une quote-part de dividendes en hausse peut signaler que l’évolution du rendement n’avance pas au même rythme que la croissance des dividendes.

Pour apprécier ces composantes, une analyse approfondie des fondamentaux de l’entreprise concernée et de son management est nécessaire. Les investisseurs moins expérimentés feront mieux de remettre la décision à des experts ayant une profonde connaissance du marché et en mesure de réunir avec habileté des titres prometteurs dans un même portefeuille, permettant ainsi aux investisseurs de tirer vraiment parti des avantages propres aux stratégies de dividendes.

Harald Reczek DWS Suisse JANV12

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