A Chaud!!!!!

A Lire sans modération mais avec délectation : Après « Le casse du siècle », le dernier Michael Lewis traduit en français: Boomerang (chez Sonatine)/ Par Bruno Bertez

A Lire sans modération mais avec délectation  : Après « Le casse du siècle », le dernier Michael Lewis traduit en français: Boomerang (chez Sonatine)/  Par Bruno Bertez

 

    Nous avons aimé « Le casse du siècle » et nous vous l’avons dit. Mais l’affaire des subprimes et la crise de 2008, c’est déjà loin et il fallait tracer le fil conducteur qui va de la crise de l’immobilier américain à la crise en cours en Europe. C’est ce que fait Michael Lewis dans cet ouvrage sous titré: « Europe, voyage dans le nouveau tiers monde ».

Disons-le tout de suite,  le sous-titre ne correspond ni à nos idées, ni même au contenu du livre. Mais il faut bien une accroche et, finalement, pourquoi pas celle là.

Le sous-titre ne nous convient pas car, à ce stade, rien n’est joué, il n’est pas sûr que l’Europe soit en cours de tiers-mondisation, il n’est pas sûr que les autres pays soi-disant encore développés s’en tirent mieux. Nous avons, solidement ancrée en nous,  l’idée que le monde global est un système et que ce système se réaménage, fait sa mutation, et que, dans ce processus, rien n’est joué. Le « neuf » européen ne sera pas forcément plus mauvais ou médiocre que le « neuf » américain  ou chinois. Nous sommes aux balbutiements de la fin d’une époque, nous sommes dans le combat formidable entre ceux qui veulent coûte que coûte maintenir le statu-quo et ceux qui, progressivement,  ont de moins en moins à gagner à le conserver et de plus en plus à perdre s’il perdure. 

Mais le livre de Lewis n’est pas cela, ce n’est pas sa thématique, donc revenons-y. 

C’est un livre d’investisseur, d’opérateur sur les marchés, devenu journaliste, un peu comme nous-mêmes. Il allie donc une connaissance intime et pratique de la finance et le sens  de l’actualité, de l’histoire.

Il sait, à partir des événements, raconter une histoire, lui trouver un sens, mettre en scène des personnages hors du commun. C’est donc un ouvrage sur le visage actuel de la crise financière, l’épisode européen, mais vu de l’intérieur, à partir d’enquêtes, de récits de gens qui y sont acteurs, qui y ont participé. Cela permet d’accéder à des révélations, des dessous que jamais la grande presse n’a porté a la connaissance du public. 

La préface, déjà, est passionnante. Si vous la lisez, vous en saurez plus sur la crise, vous en comprendrez plus que ce que comprennent ou croient comprendre les grands de ce monde. Sauf si vous nous lisez régulièrement bien sûr, auquel cas vous savez déjà tout ou presque. Le survol de la préface, la synthèse qui est esquissée est magistrale, elle vous fait comprendre comment on raisonne dans la finance et cela c’est irremplaçable. Intégrer le mode de pensée de ceux qui dominent, ce n’est pas le bon mot, mais peu importe, de ceux qui sont à l’origine des mouvements de capitaux, c’est pénétrer dans le saint du saint de la crise et de ses rebondissements. Cela permet de comprendre les conséquences inattendues, les effets de contagion, les lames de fond qui font les flux et reflux de la mer des liquidités. 

Le livre, après la préface, raconte cinq histoires, histoires au sens fort. On part donc de Wall Street pour revenir aux Etats Unis, en passant par l’Islande, la Grèce, l’Irlande  et surtout l’Allemagne. Nous disons surtout l’Allemagne car il faut une sureté de documentation exceptionnelle, un culot monstre, pour proposer une interprétation de l’âme et du comportement allemand comme celle de Lewis. Il faut aussi des rencontres hors du commun pour pouvoir accéder ainsi au souterrain d’un pays. 

Connaissant et adorant l’Islande, nous avons été frappés par la justesse des descriptions et des analyses de Lewis, c’est un bon test qui met en confiance pour croire ce qu’il dit à propos des autres pays comme la Grèce ou l’Irlande qui nous sont moins familiers. La démonstration de Lewis selon laquelle, en Islande, tout a commencé par la création d’un capital fictif adossé à la pêche est superbe, nous avons bu du petit lait, tant, en microcosme, cela correspond à nos analyses globales . 

Lisez cet ouvrage, c’est indispensable pour réinterpréter ce qui se passe en Europe en ce moment, ces jours-ci. Vous vous dépolluerez l’esprit, vous accèderez à une certaine compréhension de ce que l’on vous cache, de ce que l’on travestit, pour mieux vous tromper et vous exploiter. 

Les éditeurs de cet ouvrage sont à la fois des amis et de grands professionnels de la finance, cela va sans dire, mais c’est encore mieux en le disant.

 BRUNO BERTEZ Le 3/10/2012

llustrations et mise en page by THE WOLF

Michael Lewis : Boomerang /Traduit par Fabrice Pointeau  Sonatine 20,30 euros.

Michael Lewis est né à La Nouvelle-Orléans en 1960. Il a travaillé comme Trader, au milieu des années quatre-vingt, pour la banque Salomon Brothers, expérience qui lui a donné la matière de son premier livre, « Poker menteur » (Dunod, 1990), comparé, lors de sa sortie, au « Bûcher des vanités » de Tom Wolfe. Il est aujourd’hui journaliste à Vanity Fair. Egalement auteur en 2010 du « Casse du siècle ».

3 réponses »

  1. sacré teasing sur l’Allemagne, c’est limite indécent de ne pas en dire plus ^^

  2. Vous ne serez pas déçu de cette partie étonnante bien dans le style de ce que j’aime, profond et inattendu.
    A lire également un vieux livre de la fin des années 20 : Analyse spectrale de l’Europe de Kayserling. Vous y découvrez les ames des differents pays européens. Un bon fil conducteur dans la diversité niée par les simplets.

    A mettre entre toutes les mains, surtout celles des incultes qui prétendent gouverner.

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