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L’Edito du Mardi 11 Juin 2013: Marchés mondiaux, les premiers coups de tonnerre! Crise, acte II. Par Bruno Bertez

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L’Edito du Mardi 11 Juin 2013: Marchés mondiaux, les premiers coups de tonnerre! Crise, acte II. Par Bruno Bertez

Nous nous sommes élevés ces derniers temps contre l’irresponsabilité de ceux  qui envoyaient les investisseurs à l’abattoir. Nous vous renvoyons à quelques papiers récents du type : « Tout va très bien Madame la Marquise », à l’économie Schrödinger, ou  encore à ce texte dans lequel nous attirions l’attention sur les poches de déflation mondiale qui allaient s’élargissant. 

C’est au moment où les risques graves se précisent que la communauté financière, gouvernementale et, bien sûr, médiatique se mettent, avec un bel ensemble, à entonner le chant de la victoire. Nous serions à la veille de la grande sortie de crise -n’est-ce pas monsieur Hollande-, à la veille de la reprise auto-entretenue aux Etats Unis et, bien sûr, il n’y aurait pas assez de billets de loterie pour tout le monde. 

Nous ne ferons pas un long développement pour étayer notre diagnostic, car ce serait nier la valeur de tous nos travaux antérieurs que de répéter nos analyses. Depuis le début de la crise ouverte, manifeste, nous développons la même analyse, nous décrivons le même déroulement et ce serait faire injure au lecteur que de croire qu’il n’est pas prêt à affronter les événements qui s’annoncent.

 

   Le remède monétaire prescrit depuis 2008 n’en est pas un, c’est une drogue qui n’agit que sur les symptômes; en profondeur, le mal gagne, tandis que l’accoutumance progresse. Les économies sont « addictes » à la cocaïne financière, ils en ont besoin pour se maintenir dans l’euphorie. Alors que les rendements décroissent, que les surdoses de l’overshooting japonais déstabilisent les marchés, voilà que les investisseurs, spéculateurs, commencent à se précipiter vers la sortie. 

Comme toujours, l’euphorie et le krach coexistent au même moment, c’est l’euphorie qui fait la « une » des médias et on ignore les coups de tonnerre annonciateurs de noirs présages. Ce n’est pas seulement une question de perception et de propagande, il est de la nature profonde des bulles financières et des excès  d’être particulièrement spectaculaires dans les phases finales et ainsi de masquer les craquements qui se produisent ailleurs, dans une zone lointaine, périphérique. Par ailleurs, les craquements interviennent toujours, absolument toujours, là où on ne les attend pas, là où la fragilité est grande mais non perçue. 

Les crises commencent toujours à la périphérie, souvenez-vous de ce qui s’est passé avec Dubaï, puis et surtout la Grèce. La communauté spéculative n’a pas apprécié le sens profond, annonciateur, précurseur de ces évènements, marginaux, limités au premier abord. Et puis, ce fut la boule de neige, boule de neige des défaillances souveraines, boule de neige des milliards et trillions. A cette époque, bien peu ont soupçonné que l’on était dans la première phase de la grande crise du crédit souverain, de cette crise qui allait révéler des passifs abyssaux, bloquer le financement et refinancement de tout le système européen, mettre en péril la survie de l’euro et finalement précipiter l’ensemble européen dans une austérité criminelle. 

Et pourtant, tout a commencé de manière, pourrait-on dire, anecdotique. C’est la nature profonde des crises que d’apparaitre au début, sous un mode insignifiant, puis, à la faveur des traitements, toujours idiots, de prendre leur élan pour renverser toutes les digues et inonder ce qui paraissait jusqu’alors à l’abri. Les crises présentent la particularité d’être non linéaires, de se développer en tout ou rien, en rupture. Les gouvernements et les Banques Centrales, prisonniers d’une culture positive, classique, sont incapables de les reconnaitre, de les apprécier et donc de les traiter, pour autant d’ailleurs qu’elles puissent être traitées, ce dont nous doutons. Une crise, ce ne sont pas des courbes qui s’extrapolent, non, ce sont des courbes qui sautent, qui se brisent. Explicité d’une autre façon, une crise, c’est le surgissement brutal de quelque chose qui, jusqu’alors, avait échappé à la conscience. 

Donc nous avons dit que dans le grand ciel bleu de l’euphorie boursière ambiante, il y avait eu de grands coups de tonnerre annonciateurs de noirs orages. 

Faites-nous la grâce de ne pas nous  taquiner sur le facteur temps, sur le calendrier. Nous ne faisons pas une prévision, nous n’annonçons pas la catastrophe pour demain, nous disons, il y a des coups de tonnerre et il faut savoir les entendre et même les écouter, ils se rapprochent. Nous ne faisons que lire le présent. Les enchainements fatals, s’ils sont reconnus, peuvent être retardés, différés. Cela ne changera rien à l’issue et au déroulement des processus en cours, mais on peut encore les retarder. Vous savez que nous radotons et répétons sans cesse aux Cassandre professionnels: le seul pouvoir des (ir)responsables  autoproclamés de la conduite des affaires est de retarder l’inéluctable. 

Venons-en au fait.

 PLUS DE BERTEZ EN SUIVANT:

La semaine dernière, les émergents ont dévissé. L’Indonésie a chuté de 5,2%, les Philippines de 4,6% la Thaïlande de 3%,  Taiwan de 2%, le Brésil de 3,5%,  la Chine de 4%,  la Corée du Sud de 3,8%, Mexico de 3,3%. Nous laissons de côté la Turquie en chute de 9%. Vous y êtes, il y a eu la semaine dernière une terrible bouffée de deleveraging mondial. Elle a touché les zones les plus fragiles, les plus instables, les plus menacées. Le Nikkei est tombé dans un trou, passant sous la ligne symbolique des 20% de correction.

 

Les capitaux fuient les émergents, aussi bien les actions que les bonds, on se précipite vers la sortie.

  

Les monnaies ont tangué, les paires se sont disloquées. Le yen a monté de 3% contre le dollar. La monnaie américaine a perdu 2% au Dollar Index, avec forte hausse de l’euro, du Franc Suisse. La communauté spéculative globale est toute du même côté du bateau, vendeur de yens, en carry pour acheter des assets qui offrent un rendement élevé, elle s’est trouvée prise à la gorge. Vente des actifs les plus risqués, en mauvaise tendance affirmée. L’évolution du JP Morgan. Currency Index des émergents est sinistre. La prise de conscience chez le smart money commence.

 

Ce  qui trompe, induit en erreur dans les périodes de ce type, c’est l’apparence erratique des mouvements. Ils sont spectaculaires, mais on a du mal à y mettre une logique, on a du mal à tracer les liens de causalité. Certaines manifestations du désordre se semblent se contredire. Les analystes ne voient pas, sous le chaos  des manifestations, la logique profonde de la dislocation qui est en train de s’opérer. 

we have now seen the 4th Omen in last 5 weeks and 3rd in last 7 days…

Qui fait le rapport avec la hausse des taux aux Etats-Unis ? Bien peu de spécialistes. Bien peu voient, qu’en fait, nous sommes dans une tentative de franchir une étape dans les politiques non  conventionnelles. Obnubilés par les rodomontades de Bernanke, les opérateurs oublient de regarder ce qui se passe. Ils restent les yeux fixés sur le signe de la parole de l’illusionniste  Bernanke alors que c’est le réel qu’il faut surveiller. Aux USA donc, les Treasuries à 5 ans sont installés au-dessus des 1%, on est à 1,1% en fin  de semaine. C’est le plus haut de 14 mois. 

Le 10 ans est 2,17%, le 30 ans à 3,37%. Les taux hypothécaires se sont envolés, le rendement des MBS a fait un bond de 74 pbs depuis le 1er Mai.  Les hypothèques sont, elles aussi, au plus haut de 14 mois, avec un spread qui galope à 85 pbs. Voilà qui n’est pas seulement financier, l’articulation avec l’économie réelle est étroite. Les ménages, contrairement aux apparences, refusent de s’endetter malgré les taux bas et la hausse spectaculaire des prix du housing, voilà qui ne va pas favoriser les relais de la spéculation et des prédateurs. C’était une digression. 

Les spreads de risque se sont élargis sur toute la panoplie. L’argent sort des véhicules « high yield ».

Hausse des spreads sur le junk, sur les émergents. Et bien sûr forte remontée des taux sur la dette périphérique européenne. On monte de 11pbs sur la dette espagnole, de 4 sur l’Italienne, le spread France/Allemagne enfle de 5 pbs. Bien entendu les CDS  se mettent à l’unisson. Signalons que Draghi a durci sa position et répété, en insistant, que les problèmes de transmission financière et problèmes bancaires devaient être traités au niveau de chaque pays et gouvernement. 

Qu’est-ce que cela veut dire ? 

Cela veut dire qu’un réaménagement profond, souterrain, est en train de se produire. On ne le voit pas clairement car des courants et forces de sens contraires s’affrontent et se brouillent, le circonstanciel se mêle au fondamental. 

–        On prépare la transition aux Etats-Unis, la réduction des achats de titres, réduction de QE, peut être que cette réduction portera sur la partie la plus contestée, les MBS. 

–        On doute du succès, de la réussite de la politique japonaise, on devient nerveux 

–        On prend conscience de l’ampleur inattendue des conséquences non voulues des politiques monétaires menées et des contradictions qu’elles portent en elles. De l’importance de flux de capitaux et de leur caractère déstabilisateur. Peut-être même le mythe de la toute-puissance des Banques Centrales est-il en train de se déliter. 

–        On porte une appréciation plus réaliste sur la situation européenne. Et, ce que l’on a mis de côté pendant les semaines d’euphorie spéculative, revient comme un boomerang. D’autant que la situation économique, la vraie, pas celle des Rajoy ou Hollande,  s’aggrave  et que l’Allemagne durcit discrètement ses conditions de réformes  structurelles. Peut-être que la Turquie donne à réfléchir aux apprentis sorciers de la déstabilisation sociale. 

–        On prend note de la prochaine révision, vérification indépendante, le mot fort est « indépendante »,  des bilans des banques européennes et de la position de l’Allemagne qui veut que chaque pays apure sa situation lui-même, et le fasse au besoin en amputant les créanciers et dépositaires des banques. 

–        On prête attention aux propos inquiétants que l’on négligé jusque-là. 

Il y a deux semaines, c’était Volcker qui faisait une condamnation sans appel de la politique de Bernanke et de ses illusions. Il y a quelques jours, c’était Fisher de la Fed de Dallas qui manifestait sa désapprobation avec une vigueur  à peine diplomatique. Puis, c’était le tour d’Esther George de la Fed de Kansas City. 

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Richard Fisher, président de la Fed de Dallas (qui n’est pas membre votant du FOMC cette année mais qui reste écouté et influent), a averti une fois de plus aujourd’hui des risques que représentent le QE de la Fed.

Selon lui, il n’y a pas « d’infinité du QE » (le QE n’est pas infini). Il existerait en effet une limite pratique à la taille du bilan de la Fed (qui s’alourdit de 85 milliards de dollars par mois avec le QE).

Par ailleurs, Fisher juge que le QE3 n’a pas été d’une grande efficacité pour aider l’économie, alors qu’il présente des risques importants. Fisher plaide donc pour un ralentissement du rythme des rachats d’actifs, ne recommandant pas toutefois un arrêt brutal et complet des achats.

« Nous ne pouvons pas vivre dans la crainte que… oh !, le marché va être malheureux que nous ne lui donnions pas plus de cocaïne monétaire », explique en effet Fisher.

D’après lui, seul le temps permettra au final d’évaluer si la politique monétaire actuelle est efficace et adaptée, ou si les risques dont il prévient sont réels et se concrétiserons. D’ailleurs, Fisher a constaté que Paul Volcker, président de la Fed entre 1979 et 1987, est aussi de son côté de ce point de vue…

Une dirigeante de la Réserve fédérale des Etats-Unis (Fed), Esther George, s’est déclarée mardi dernierfavorable à un « ralentissement » du rythme des rachats d’actifs effectués chaque mois par la Banque centrale américaine pour soutenir l’économie.

« Il serait judicieux qu’un ralentissement du rythme des rachats d’actifs soit la prochaine étape de la politique monétaire », a assuré la présidente de la Réserve fédérale de Kansas City lors d’un discours à Santa Fe (Nouveau-Mexique, sud-ouest) dont le discours a été transmis à la presse.

« L’Histoire suggère qu’attendre trop longtemps pour reconnaître les progrès de l’économie et préparer les marchés à une politique plus traditionnelle ne comporte pas plus de risques qu’un resserrement prématuré », a estimé Mme George, qui fait partie du comité qui décide des orientations de la politique monétaire américaine (FOMC).

Selon elle, plusieurs secteurs sont devenus « dépendants » de ces mesures d’assouplissement qui rendent par ailleurs les investisseurs plus « agressifs » dans leur recherche de placements rentables.

« Il semble que la planète retienne son souffle en attendant de savoir quand le FOMC va réajuster sa politique actuelle », a souligné Mme George, qui s’était opposée à la poursuite de la politique actuelle lors de la dernière réunion de la Fed le 1er mai.

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Vendredi, ce n’était rien moins que Greenspan qui, sur CNBC,  réclamait l’arrêt de l’expérience:

« la Banque Centrale doit commencer à couper (réduire) ses achats sans précédent  d’actifs  financiers et en même temps se mettre en position de les arrêter complètement… nous devons le faire même si nous considérons que l’économie n’est pas suffisamment forte ». C’est la dernière partie de la phrase qui est inquiétante! 

Nous avons expliqué à de nombreuses reprises que la conséquence majeure des politiques suivies n’était pas la hausse des prix et l’inflation. Non, cette conséquence n’est pas pour demain, mais pour après-demain. La conséquence majeure de ces politiques, c’est l’instabilité financière, le build-up du risque, la possibilité de dislocation  des marchés, la disparition des feed-backs loops,  des boucles d’ajustement et de rééquilibrage. La neutralisation des forces spontanément, naturellement,  correctrices. 

Ce qui n’est pas perçu, et c’est la même erreur qu’au moment de la crise des subprimes, c’est que tout,  en réalité, malgré l’apparente diversification, tout est corrélé. L’erreur des modèles de risque sur les subprimes a été de ne pas prendre en  compte le fait que le sous-jacent était le même: le logement. Et que ce sous-jacent, par phénomène de foule, pouvait fort bien suivre des voies non linéaires, des voies de contagion. 

Ce qui n’est pas perçu dans la phase actuelle, c’est que tout est également corrélé, par le biais du sous-jacent discret qui unit tous les assets, leur prix, leur volatilité  leur risque  et ce sous -jacent qui crève les yeux mais que l’on ne voit pas, c’est la monnaie. 

Ce qui est au cœur de toute transaction financière, de tout marché, c’est ce que l’on perçoit le moins,  ce que l’on veut ne pas voir,  ce que les maitres du monde escamotent, la monnaie. Nous disons que les forces contraires qui sont à l’œuvre masquent, distordent le phénomène, mais nous sommes en train d’assister à la répétition, aux premiers soubresauts, d’une nouvelle phase de la crise. On touche de nouvelles limites.

BRUNO BERTEZ Le Mardi 11 Juin 2013

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