Selon Marc Faber, les investisseurs ont été trop optimistes envers l’Asie
Les turbulences dans les marchés vont continuer, selon le gourou de l’investissement. L’Inde devrait prendre des mesures douloureuses pour soutenir sa monnaie

Après plusieurs jours de turbulences, certaines places asiatiques étaient encore dans le rouge mercredi. Si l’Indonésie, parmi les plus affectées lors de ces dernières séances, a gagné 1% hier, la Thaïlande et l’Inde perdaient respectivement 1,2% et 1,8%.
«Les investisseurs ont été beaucoup trop optimistes, notamment à propos de la Thaïlande, des Philippines et de l’Indonésie, affirme Marc Faber. Ils se rendent désormais compte que la croissance ralentit.» D’où les ventes d’actions ces derniers jours et les pressions sur les devises de ces pays.
Les monnaies de certains grands pays émergents ont connu ces derniers temps une dégringolade spectaculaire, alimentée par la perspective d’un resserrement monétaire aux États-Unis, mais aussi par le ralentissement de la croissance économique de ces pays, notamment en Inde et au Brésil.
Les pertes enregistrées par certaines de ces monnaies sont en effet vertigineuses: en l’espace de trois mois, la roupie indienne a perdu environ 19,5% de sa valeur face au dollar, pour tomber mardi à un plus bas historique de 64,12 roupies pour un dollar, tandis que le réal brésilien chutait dans la même mesure, pour atteindre 2,4282 réaux pour un dollar, son plus bas niveau depuis mars 2009.
Ce mouvement de repli – également observé sur des devises comme le baht thaïlandais, la roupie indonésienne ou le ringgit malaisien – s’est accéléré ces dernières semaines, à mesure qu’enflaient les spéculations sur le début prochain de la diminution des mesures d’aides de la Réserve fédérale américaine à l’économie américaine.
«Les marchés asiatiques ont bénéficié de l’argent facile que représentaient les injections de liquidités de la Fed (dans le système financier américain) mais la perspective d’une réduction de cette liquidité alimente des craintes d’une nette accélération de la fuite des capitaux», a expliqué Ishaq Siddiqi, analyste du courtier ETX Capital. Ces liquidités avaient encouragé, au plus fort de la crise financière mondiale, un renforcement de ces monnaies grâce à des taux de rendement plus élevés que dans les puissantes économies occidentales du G7.
Pour Michael Hewson, analyste de la maison de courtage CMC Markets, «le ralentissement de la croissance économique observé dans ces régions, notamment en Inde et au Brésil, force les investisseurs à regarder de plus près les problèmes structurels que rencontrent ces économies».
Le FMI a d’ailleurs déjà sonné l’alarme le mois dernier, mettant en garde contre le risque «accru» d’un tassement de la croissance économique des grands pays émergents (Brésil, Russie Chine, Inde, etc…), dont la vigueur a porté à bout de bras la croissance mondiale ces dernières années.
Pour tenter de lutter contre la baisse de leur monnaie et les risques inflationnistes qu’elle implique, certaines banques centrales ont déjà pris des mesures ou s’apprêteraient à en prendre. La banque centrale turque a d’ores et déjà relevé son taux de prêt au jour le jour, tandis que son homologue indienne a semble-t-il déjà vendu du dollar pour faire remonter la roupie. Mais comme l’a souligné Neil Shearing, du cabinet Capital Economics, les dirigeants sont plus tolérants vis-à-vis d’une devise faible, notamment car le poids de la dette de ces pays en devises étrangères est moins lourd que ne serait-ce qu’il y a dix ans. De plus, la baisse de la devise nationale peut provoquer pour un pays un regain de compétitivité sur le marché mondial, comme pour le Brésil, qui s’était plaint à plusieurs reprises depuis le début de la crise de l’impact négatif d’un réal plus fort sur ses échanges commerciaux.
«Un changement fondamental s’est produit dans ces pays au cours des deux dernières années: ils ont commencé à afficher des déficits des comptes courants», explique le gourou de l’investissement, connu pour sa lettre financière mensuelle intitulée The Gloom, Boom & Doom Report. Il estime que ces économies ont été stimulées de manière artificielle par la croissance du crédit. «Il y a eu des excès, mais ce n’est pas comparable avec la crise de 1997», poursuit-il. Plusieurs monnaies, dont le baht thaïlandais, avaient alors perdu la moitié de leur valeur. «Aujourd’hui, la chute d’une devise n’est pas un problème en soi. C’est le symptôme d’un problème de déséquilibre des comptes courants et d’une consommation excessive, qui crée de l’inflation, qui, elle, provoque ensuite la dépréciation de la monnaie», explique Marc Faber. En outre, elles dépendent beaucoup de la santé de la Chine pour leurs exportations de matières premières. Or, celle-ci ralentit dans des proportions bien plus importantes que ne le révèlent les chiffres officiels, juge ce Suisse établi en Thaïlande. Il doute également des prévisions des grandes banques étrangères présentes dans le pays, «car elles recherchent des contrats avec le gouvernement et n’ont donc aucun intérêt à dire la vérité sur l’état de l’économie chinoise». C’est visible, selon lui, dans l’évolution du commerce extérieur avec les principaux partenaires de Pékin. Les statistiques d’exportations divergent par rapport à ce que certains pays, comme la Corée du Sud, affirment importer de Chine. «A qui faites-vous le plus confiance pour révéler des chiffres fiables? A la Corée du Sud ou à la Chine?» demande Marc Faber.
Egalement prise dans la tourmente des marchés, l’Inde a vu hier sa monnaie se stabiliser quelques heures avant de poursuivre sa chute et de marquer un nouveau record de faiblesse à 64,55 roupies pour un dollar. La banque centrale a annoncé, dans la nuit de mardi à mercredi, vouloir racheter pour 80 milliards de roupies (environ 1,15 milliard de francs) d’obligations d’Etat. «Ce type de soutien est généralement voué à l’échec, considère Marc Faber. Si l’Inde veut vraiment défendre sa monnaie, elle devra relever fortement ses taux d’intérêt, aux alentour de 12 ou 13%, mais cela risque d’être douloureux et de freiner davantage la croissance.»
Dans le contexte actuel, il ne conseille pas d’investir dans les marchés d’actions asiatiques. La bourse des Philippines est à un niveau trois à quatre fois plus élevé que son point bas de 2009, précise-t-il. «Il faut donc s’attendre à une poursuite de la baisse de ces marchés.» Même s’il souligne qu’à moyen terme, les perspectives de croissance sont meilleures qu’en Europe ou aux Etats-Unis. «Si on me pointe un pistolet sur la tempe et qu’on me demande de choisir entre investir en Inde ou aux Etats-Unis, je choisirai le premier pays, dont la bourse a déjà beaucoup perdu de terrain, alors que Wall Street a affiché une performance de 50% plus élevée que dans la plupart des marchés émergents.»
En moyenne, le baromètre MSCI donnant une idée de la météo boursière dans les pays dits émergents a accusé un déclin de 4% depuis le milieu de la semaine dernière. Temporairement oublié le «découplage» d’un nouveau monde industriel dont les places financières vibreraient au rythme de leur propre activité locale. L’une après l’autre, ces dernières ont subi le contrecoup du retrait de leurs capitaux par les multinationales de l’investissement. Ils dépassent 8 milliards de dollars depuis le début de l’année; dont la moitié effectuée depuis la mi-août. «Le phénomène est amplifié par des investisseurs locaux, qui, bien souvent, calquent leur comportement sur celui des firmes étrangères et ne sont contrebalancés par aucune caisse de pension locale», explique Raymond Hêche, financier genevois établi à Hongkong.
Un phénomène à relativiser: entre septembre et février, 70 milliards de dollars s’étaient déversés sur ces mêmes places, selon Morgan Stanley. Et en quatre ans, le total des afflux de fonds atteint 4000 milliards, selon l’agence Bloomberg.
Pourtant un palier semble avoir été franchi. En cause les doutes sur la poursuite de l’expansion économique effrénée de l’activité de ces pays. En Indonésie, le problème reste l’inflation, au plus haut depuis quatre ans. La Malaisie a vu son rythme de croissance passer sous les 5% par an. Le gouvernement taïwanais révise ses prévisions conjoncturelles. Et cela fait des mois que les économistes s’interrogent sur le nouveau rythme de l’économie chinoise.
Au niveau des marchés, ces considérations locales sont cependant supplantées par le reflux de la marée de liquidités circulant autour du globe depuis la crise financière.
Par Mathilde Farine/Le Temps 22/8/2013
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/290f1104-0a82-11e3-91a3-925d4a0a340f/Selon_Marc_Faber_les_investisseurs_ont_�t�_trop_optimistes_envers_lAsie
EN COMPLEMENT: Rien à voir» avec la crise de 1997 Par Mathilde Farine+ Divers
Beaucoup de paramètres ont changé en quinze ans
Malgré les turbulences des derniers jours, l’Asie n’est pas en train de revivre la crise de 1997, qui avait vu la monnaie de plusieurs économies s’écrouler. En Thaïlande, où tout avait commencé, le baht avait perdu la moitié de sa valeur.
La situation actuelle n’a même «rien à voir», affirme Benoît Descourtieux, un Français qui a créé sa société de gestion, Oriental Patron, à Hongkong il y a plusieurs années. «Il y a quinze ans, le problème venait notamment d’un important effet d’endettement sur l’immobilier. Ce n’est plus le cas», explique-t-il, ajoutant que la dette des entreprises, également problématique à l’époque, a été largement réduite. De 120% en 1997, il s’élève aujourd’hui, selon lui, à 20% du PIB en moyenne dans la région.
Frein à la croissance en Inde
Autre différence majeure avec 1997, «la plupart des monnaies d’Asie émergente étaient arrimées au dollar et les banques centrales disposaient de peu de réserves pour défendre la parité, alors que les monnaies flottent désormais librement», souligne Agnès Arlandis, responsable des marchés émergents chez HSBC Private Bank (Suisse). Les banques centrales avaient donc dû jeter l’éponge et plusieurs pays particulièrement touchés, dont la Corée du Sud, la Thaïlande et l’Indonésie, avaient été contraints de demander l’aide du Fonds monétaire international (FMI).
Si certains pays émergents d’Asie peuvent aujourd’hui se réjouir d’une baisse de leur monnaie à court terme, car elle rendra leurs exportations plus compétitives, l’Inde est dans un autre cas de figure. «Elle ne peut pas se permettre une chute plus marquée de la roupie. Cela créerait un problème de financement de son important déficit extérieur, rappelle Agnès Arlandis. La banque centrale indienne pourra donc être forcée de relever les taux d’intérêt, ce qui freinera la croissance.»
En Inde, les raisons des inquiétudes sont surtout liées au ralentissement de l’économie et à des problèmes structurels. Pour les autres, la Thaïlande et l’Indonésie en tête, c’est le tarissement de la manne chinoise qui préoccupe. Le pays qui a porté le boom des matières premières ces dernières années avec ses immenses projets d’infrastructures et d’équipement va continuer de construire, mais à un rythme moins effréné, estime Benoît Descourtieux. La demande existera toujours, mais les pays exportateurs en profiteront à la marge seulement.
Les économies d’Asie du Sud-Est ne sont pas à l’abri de coups d’arrêt
C’est, à Djakarta, le chiffre qui inquiète. En juillet, les réserves de change de l’Indonésie, premier pays musulman du monde avec 242 millions d’habitants, sont tombées en dessous des 100 milliards de dollars, contre 112 milliards en janvier. Motif: les interventions à répétition de la banque centrale pour tenir à bout de bras la roupie malmenée. Mais l’inquiétude va au-delà: elle porte sur la capacité de ce pays grand exportateur de matières premières (pétrole, caoutchouc, bois, minerais) à faire face aux secousses politiques d’ici aux prochaines élections présidentielles et législatives de la mi-2014. «La prévision de croissance annuelle pour 2013-2017 reste supérieure à 5%, rappelle un analyste. Tout le monde, par contre, s’attend à de forts soubresauts économiques et financiers.»
Le cas de l’Indonésie a été rendu emblématique, ces derniers mois, par quelques scandales d’envergure. Depuis un an, la famille Bakrie, considérée comme l’une des plus puissantes du pays, mène une guerre de tranchées contre le financier britannique Nathaniel Rothschild, avec lequel elle s’était associée en 2011 pour une mine de charbon. D’où de longs articles sur les malversations de cette dynastie indonésienne, dont l’un des héritiers vise la présidence du pays. Autre exemple de ces doutes qui perturbent les investisseurs: l’arrestation pour corruption, le 15 août, de Rudi Rubiandini, le directeur de l’autorité de régulation des hydrocarbures.
Les déséquilibres demeurent
La Thaïlande, elle, échappe encore aux scandales. Mais le malaise politique lié aux tentatives de l’actuel gouvernement pour amnistier le milliardaire en exil et ancien premier ministre Thaksin Shinawatra est en arrière-plan de la récession «technique» observée ces deux derniers trimestres, amenant le gouvernement à réviser ses estimations de croissance pour 2013 de 5,2% à 4%. La BAD, tout comme l’OCDE, mise toujours sur une croissance de 5% dans le pays entre 2013 et 2017. Sauf que, là aussi, des accidents peuvent intervenir, malgré les fortes réserves de change (170 milliards de dollars) et les bons fonds propres des banques. L’actuelle cheffe du gouvernement, Yingluck Shinawatra – sœur de Thaksin –, est critiquée pour ses politiques de soutien aux prix du riz et ses grands projets d’infrastructures. Sa prochaine visite à Genève, Berne et Zurich, début septembre, devrait l’amener à s’expliquer devant la communauté bancaire suisse.
L’Asie du Sud-Est, hors Chine, reste une terre prometteuse. La Birmanie, tout juste ouverte, attire les investisseurs. Les finances de Singapour ou de la Malaisie sont solides. Les fondamentaux de la région sont plutôt bons, au vu de ses besoins en infrastructures. La difficulté vient des déséquilibres qui demeurent, et de la mentalité de «casino» qui s’est installée à la faveur du boom de 2010-2012, lorsque l’Europe et les Etats-Unis étaient englués dans la récession. «Toute la région a cru au gagnant-gagnant, concède l’économiste Jayant Menon, de la Banque Asiatique de Développement. Or il y a toujours des perdants.»
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/ead1d95e-09cc-11e3-a25d-9bfba368c787%7C2
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« Si on me pointe un pistolet sur la tempe et qu’on me demande de choisir entre investir en Inde ou aux Etats-Unis, je choisirai le premier pays, dont la bourse a déjà beaucoup perdu de terrain, alors que Wall Street a affiché une performance de 50% plus élevée que dans la plupart des marchés émergents.»
Les media se focalisent toujours sur la dernière cata : émergents, obligs et viennent compter les morts après la bataille. Pendant ce temps, les épargnants se précipitent allegrement vers le prochain rouleau compresseur.
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