Les pays émergents ont mal à leurs industries
Un rapport de la Banque asiatique pour le développement s’inquiète de la baisse de la production Les bulles financières et immobilières ont pris trop d’importance
Et si l’Asie émergente avait aujourd’hui mal à son secteur industriel? Dans un rapport tout juste publié pour accompagner sa batterie d’indicateurs économiques Asie-Pacifique 2013, la Banque asiatique pour le développement (BAD) répond par l’affirmative. L’institution basée à Manille s’inquiète du fossé croissant, dans la région, entre le boom des services – dopés par les bulles spéculatives et immobilières – et la progression trop lente de la production manufacturière.
Plus inquiétant: la BAD s’alarme de la tentation qu’ont plusieurs gouvernements de «délaisser» l’industrie, base de leur modèle centré sur l’exportation et source de saine répartition des investissements en province, au profit de services concentrés dans les capitales. «Historiquement, les économies des pays riches ont toutes basé leur décollage sur un secteur industriel représentant plus de 18% du produit intérieur brut (PIB), explique le chef économiste de la BAD, le Sud-Coréen Changyong Rhee. Parce qu’il génère des revenus et de l’emploi sur le long terme, le secteur industriel reste l’élément le plus solide du décollage économique.» Cette situation retient l’attention dans le contexte actuel de baisse des devises et de convulsions des marchés boursiers régionaux, après l’euphorie de 2011-2012.
Le rapport soulève par exemple la question de politiques d’incitations à la consommation trop portées sur le crédit et l’endettement des ménages, sans que de nouvelles implantations industrielles ne viennent renforcer la capacité manufacturière des pays concernés. L’une des inquiétudes est de voir les pays d’Asie du Sud-Est tomber dans le «piège du revenu moyen» (middle-income trap), qui voient les populations consommer de plus en plus des produits… importés.
Le combat de l’éducation
Un autre élément intéressant du rapport est l’attention portée par la BAD au niveau d’éducation encore trop faible dans des pays comme la Thaïlande ou l’Indonésie. Le risque est celui du cercle vicieux: faute d’opportunités dans leur pays d’origine, les ingénieurs et personnels hautement qualifiés émigrent tandis que la main-d’œuvre locale reste cantonnée à des tâches de production intermédiaire. Il est dès lors impossible, pour ces pays, de prétendre à un bond technologique comme celui opéré par le Japon, la Corée du Sud ou la Chine.
Point positif en revanche, le rapport de la BAD souligne les progrès réalisés par la région en termes d’Objectifs du millénaire, fixés par l’ONU. Mais là aussi, la contradiction est patente: la population d’Asie du Sud-Est vit mieux, mais les opportunités d’avenir demeurent limitées.
Par Richard Werly/ Le Temps 26/8/2013
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/16fd3c7a-0db6-11e3-a2cd-ee68026558b9/Les_pays_�mergents_ont_mal_�_leurs_industries