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Pourquoi et comment en finir avec la répression financière organisée par les Etats et les banques centrales ? Par Pierre Leconte

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Pourquoi et comment en finir avec la répression financière organisée par les Etats et les banques centrales ? Par Pierre Leconte

Exposé de Pierre Leconte devant l’A.G. annuelle de l’ASIN du 22 septembre 2013 Les Paccots – Fribourg, Suisse 

Je vais vous entretenir d’un sujet dramatique qui nous concerne tous puisqu’il s’agit de savoir pourquoi la crise internationale d’endettement qui dure depuis les années 1970 s’est produite et amplifiée et comment elle est aggravée par les Etats et les banques centrales, dont les mauvaises politiques débouchent sur le chaos faute de s’attaquer aux racines du mal. C’est-à-dire à la réforme du Système monétaire et bancaire international dont Jacques Rueff, le conseiller de Charles de Gaulle qu’il avait convaincu de la nécessité du rétablissement de l’étalon-or, écrivait dans les années 1960 déjà -avec une rare prémonition- qu’     «Il n’y a pas actuellement, pour l’Occident, de tâche plus urgente que de reconnaître le danger qui menace et, en y parant, de rétablir dans le monde libre un Système monétaire générateur d’équilibre et de durée». 

Etant donné que la raison principale de la régression économique et du chômage de masse que nous connaissons un peu partout en Occident et ailleurs depuis la fin des « Trente glorieuses » (1944 – 1974) tient au fait que les Etats ont successivement :

-d’abord, monopolisé le pouvoir monétaire par la suppression du bimétallisme puis de l’étalon-or et la généralisation du mécanisme des réserves fractionnaires, pour se donner les moyens de recourir à la création monétaire ex nihilo illimitée permettant leur endettement toujours plus grand ;

-puis que, ne pouvant plus stopper les désastres qu’ils ont ainsi créés en termes d’inflation et de dévaluation des monnaies -donc de perte de pouvoir d’achat des populations-, ils ont abandonné ce pouvoir monétaire à des banques centrales supposées indépendantes ayant depuis poursuivi leur mauvaise politique tout en l’aggravant.

 Puisque que nous sommes désormais dans une épouvantable « économie de spéculation » caractérisée par la collusion des banques centrales, qui ne sont plus limitées ni par les mécanismes auto-équilibrants de l’étalon-or ni par la nécessité de rendre compte à une autorité publique -émanation légitime de la représentation des peuples-, avec les grandes banques privées dites « too big to fail » pour leur assurer les taux de profits les plus juteux ou les sauver des débâcles provoquées par leurs opérations spéculatives comme par leurs irrégularités. Je n’aurai pas la cruauté d’insister sur les pratiques de l’UBS à cet égard, dont les dérives ont couté si cher à la Suisse, en particulier en matière de remise en cause du secret bancaire et de son indépendance nationale.

 Tout cela s’exerçant à l’évidence au détriment des populations, dont l’épargne n’est plus rémunérée (taux zéro ou négatif obligent), et de la plupart des entreprises, qui ne trouvent plus de crédit, au profit de quelques firmes monopolistiques (du type Goldman Sachs) ou d’oligarques multimilliardaires. Concentrant tous les deux une extrême richesse et donc un pouvoir hégémonique hors norme leur permettant de se livrer à toutes sortes de manipulations n’ayant rien à voir avec le « bien public », alors même que c’est l’argent public (via le Quantitative Easing ou les déficits des bilans des banques centrales par exemples) qui les enrichit. Je vous rappelle à ce propos que le bilan de la BNS, composé principalement d’obligations en euros des Etats de l’Union européenne et non plus d’or, est de l’ordre de 70% du PIB de la Suisse, ce qui est très dangereux pour le cas où la crise de la dette européenne s’aggraverait ou que l’euro finirait par imploser, deux risques que l’on ne peut pas exclure.

 On ne répétera jamais assez que ces dérives n’ont rien à voir avec le libéralisme classique ni avec le « marché libre » mais ne sont que la résultante des politiques de « planification monétaire centrale » décidées de concert par les cinq ou six banques centrales et la BRI (leur organisation commune) qui gouvernent le monde, n’ayant rien à envier au défunt modèle communiste soviétique. Sauf que c’est actuellement bien pire puisque ce n’est plus limité à quelques Etats en perte de vitesse, nostalgiques d’une idéologie totalitaire, mais que c’est mondialisé et qu’il n’y a plus de Système alternatif immédiatement accessible

 Cette révolution monétaire, sans aucun précédent historique, a été « habillée » d’une idéologie dirigiste pseudo scientifique (le keynésianisme) consistant à faire croire aux populations que l’intervention croissante des pouvoirs publics (Etats et banques centrales), supposés être dotés de compétences absolues, en matière financière et économique obtiendrait de meilleurs résultats que le libéralisme classique. Et, en particulier, que l’accroissement des dettes publiques et privées et la dévaluation des monnaies étaient les deux moyens principaux de la croissance économique et du progrès social indéfinis, alors qu’ils sont les raisons de leur extinction. Etant donné qu’une dette publique élevée réduit mécaniquement la croissance et que la dévaluation de la monnaie appauvrit ceux qui l’on gagnée par leur travail. Sans oublier que Keynes lui-même prônait « l’euthanasie du rentier » dont l’épargne devait être confisquée par l’Etat au motif qu’elle était improductive. Idée d’une bêtise insondable puisque sans épargne préalable, il ne peut pas y avoir d’investissement futur créateur des emplois de demain, mais que l’on s’applique hélas à réaliser un peu partout.

 Nous verrons ultérieurement comment on pourrait sortir de cette tragédie. Mais, d’abord, nous allons considérer les stratégies de répression financière que les Etats et les banques centrales ont développées pour temporairement éviter l’explosion du Système monétaire et bancaire structurellement instable qu’ils ont créé. Explosion à terme inévitable, surtout si ladite répression devait se poursuivre et s’aggraver puisque, loin de constituer un remède, elle n’est -ainsi que nous allons le voir- que le poison qui détruit ce qu’il s’agit de soigner.  

 Il y a répression financière quand les pouvoirs publics prennent des mesures dirigistes pour orienter au profit de l’Etat le capital privé qui, en l’absence de ces injonctions, irait s’investir ailleurs dans des secteurs productifs. Ou bien quand ils pratiquent une création monétaire effrénée cassant le pouvoir d’achat des agents économiques -et donc la croissance- lesquels, dès lors, se mettent à épargner le plus possible offrant ainsi bêtement aux Etats la manne dans laquelle ils vont puiser. Il s’agit donc d’un transfert définitif de richesse des créanciers (les épargnants) vers l’emprunteur (l’Etat) via une ponction supplémentaire peu visible se rajoutant aux impôts et taxes de toutes sortes. Alan Greenspan, du temps où il était libéral et critique, c’est-à-dire avant de devenir le calamiteux président de la Federal Reserve US, avait stigmatisé la répression financière de la manière suivante : « La politique financière d’un Etat-providence requiert que celui qui possède du capital n’ait aucun moyen de se protéger » !

 C’est ce modèle que poursuivent les Etats et les banques centrales en forçant les investisseurs, en particulier dits institutionnels (grandes banques privées et assureurs) au moyen de la redéfinition des normes « macro-prudentielles » (Bâle III, Solvency II, etc…) -qui n’ont pas pour objet d’accroître leur solvabilité mais tout au contraire de les contraindre-, à acheter les obligations d’Etat. C’est-à-dire les colossales dettes étatiques dont les pouvoirs publics savent très bien qu’elles ne sont plus remboursables en totalité et dont le rendement réel est négatif, ce qui revient à condamner à terme ces investisseurs à la faillite, même si les marchés obligataires ne s’écroulaient pas du fait de la hausse des taux longs.

 Idem, lorsque les Etats augmentent les impôts sans le consentement préalable des populations -alors que ledit consentement est la base de toute démocratie représentative- ou bien lorsque les banques centrales organisent l’inflation ouverte ou cachée, voire comme on l’a vu depuis quelques années manipulent à outrance les marchés financiers pour faire monter actions et obligations (ce qui allège les dettes des banques et des Etats) comme pour faire chuter les métaux précieux (ce qui prive l’épargnant de valeur refuge).

 Et, cela, en instituant pour les métaux un mécanisme de double marché entre leur prix physique et leur prix papier ayant pour résultat de casser leur valeur marchande -temporairement à notre avis jusqu’à ce que leurs prix papier se rapprochent de leurs coûts de production auquel cas ils remonteront mécaniquement-. Les métaux précieux étant l’ennemi par excellence des faux-monnayeurs qui nous gouvernent puisqu’ils offrent aux investisseurs qui les achètent, tant qu’ils ne seront pas à nouveau confisqués par les Etats -comme l’ont fait il n’y a pas si longtemps les USA de Roosevelt et l’Allemagne d’Hitler-, le moyen de se protéger à terme contre l’effondrement systémique, en particulier du dollar US, qui menace bien plus que ne le disent la plupart des analystes. Les manipulations des marchés de l’or et de l’argent-métal ne doivent donc pas étonner puisque l’on se rappellera que les USA sous la présidence de Nixon, déjà pour défendre leur dollar US, n’avaient pas hésité en août 1971 à violer les accords de Bretton-Woods en mettant unilatéralement un terme à la libre convertibilité du dollar US en or entre banques centrales.

 Quant à l’alibi du financement de l’Etat-providence, mentionné par Greenspan et ses continuateurs pour justifier la répression financière, il n’est pas valable étant donné que cela fait bien longtemps que ledit Etat n’est plus en mesure de protéger les classes pauvres et moyennes qui font au contraire l’objet de son pillage systématique, auxquelles le meilleur service que les hommes politiques peuvent apporter c’est de mettre en œuvre les conditions-cadres de la croissance économique, au premier rang desquelles figurent l’organisation d’un Système monétaire et bancaire stable, des marchés financiers non manipulés et la modération de la ponction fiscale sous toutes ses formes -directes et indirectes-.  

 C’est d’ailleurs la suspension de la libre convertibilité de la monnaie en or ou en argent-métal qui fut la première manifestation de la répression financière totale puisque, dans un Système d’étalon-or ou de bimétallisme, l’Etat et la banque centrale ne pouvaient pas taxer (via le cours forcé de la monnaie fiduciaire dont ils détiennent le monopole d’émission) ou même ruiner (via la monétisation à terme inflationniste de leurs dettes) les détenteurs de papier-monnaie. Empêchant les pouvoirs publics d’accroitre la création monétaire bien au-delà des réserves métalliques qu’ils sont en mesure de détenir et les grandes banques privées d’émettre de la quasi monnaie -sous forme de crédit- bien au-delà de la croissance réelle des économies, l’étalon-or ou le bimétallisme ont été les seuls Systèmes évitant les dérapages des déficits publics et du surendettement des grandes banques privées comme de l’ensemble des autres agents économiques. Raison pour laquelle soit on y reviendra sous une forme ou sous une autre, soit on assistera à l’explosion du Système actuel, à moins de confisquer l’épargne mondiale ou bien de cesser le remboursement des dettes voire de les effacer, intérêt d’abord et principal ensuite.

 A cet égard, le changement de stratégie opéré par la Troïka (Union européenne, BCE et FMI) dans la récente crise chypriote, consistant à imposer un « Bail-in » (via la spoliation des dépôts bancaires) alors que jusqu’ici c’était le « Bail-out » (via la ponction de l’ensemble des contribuables) qui était privilégié, montre que ces autorités sont prêtes à aller encore plus loin puisque dans un premier temps elles sont même passées outre à l’assurance de garantie théorique des dépôts bancaires inférieurs à cent mille euros en vigueur dans l’Union européenne. Cela montre aussi qu’à l’avenir l’Allemagne, qui rejette la mutualisation des dettes européennes (via la création d’eurobonds) -ce qui est son droit-, refusera de payer la facture de l’endettement de ses partenaires. Ce qui empêchera la BCE d’aller plus loin dans son prétendu « sauvetage » des Etats européens les plus endettés et les moins compétitifs, qui n’est qu’une mise en scène pour calmer l’opinion, puisqu’ils n’auront pas d’autre choix que de serrer la ceinture ou de sortir de l’euro. Entretemps, la répression financière continuera de s’aggraver soit par la limitation des mouvements de capitaux (contrôle des changes), soit par la création d’emprunts forcés auxquels les épargnants disposant d’un certain capital et les fonds de retraites seront contraints de souscrire. Quant aux attaques contre le secret bancaire ou les supposés « paradis fiscaux », elles redoubleront.

 Mais confisquer directement l’épargne mondiale ce serait provoquer l’effondrement économique via l’instauration de mécanismes encore plus dirigistes que les populations refuseraient, quant à cesser le remboursement des dettes voire les effacer ce serait créer une crise de confiance telle que plus personne n’accepterait de s’engager dans le moindre contrat avec l’Etat qui les pratiqueraient puisque sachant à l’avance que ce contrat ne serait pas respecté. Ce qui obligerait cet Etat à vivre en autarcie, coupé de tout nouveau crédit international, sans préjudice de la saisie de ses avoirs et biens situés à l’étranger.

 Et pourtant, en un an, la dette publique dans la zone euro seulement (alors qu’elle atteint déjà en moyenne son plus haut historique à prés de 93% du PIB des Etats de cette zone) vient d’augmenter de 450 milliards d’euros supplémentaires. En face, la production annuelle de richesses n’a progressé que de 30 milliards. Alors que c’est sur cette seconde qu’il faudra prélever de quoi rembourser la première. Les chiffres sont proportionnellement pires encore au Japon et aux USA. C’est donc intenable. De telle sorte que, à moins de réformer en profondeur le Système monétaire et bancaire actuel, il n’y a pas d’autres alternatives que d’augmenter les impôts ou de sabrer la dépense publique, sauf à laisser croître les déficits (méthode japonaise) ou à les monétiser (méthode américaine et anglaise), procédés également mauvais parce que n’apportant qu’un soulagement provisoire et limité mais qui sera bientôt payé au centuple par l’effondrement monétaire du dollar US et/ou l’hyper-inflation.

 Je voudrais ici faire une remarque à propos du fait que l’on ne constate pas encore de forte inflation en Occident et moins encore au Japon, même si le renchérissement y est plus fort que les statistiques étatiques actuelles le mesurent. Cela tient à ce que, en dépit de la très forte augmentation des masses monétaires, la vitesse de circulation de la monnaie et le multiplicateur de crédit continuent de diminuer, les liquidités massives créées par les banques centrales allant se perdre dans une « trappe » les engloutissant. Etant donné que les grandes banques privées, devant faire des provisions sur leurs mauvais risques et réduire leurs bilans, ne prêtent plus et replacent les sommes qu’elles reçoivent auprès de ces mêmes banques centrales ou bien les investissent dans les marchés d’actions d’où la bulle boursière actuelle. De telle sorte que, un peu paradoxalement, on peut dire que lorsque les actions commenceront à s’effondrer ce sera le signal de la reprise économique puisque les capitaux disponibles iront alors s’investir dans l’économie réelle… Si la situation actuelle en Europe et aux USA n’est pas encore inflationniste comme elle l’est déjà dans les pays émergents, elle n’est pas non plus déflationniste comme elle a pu l’être dans les années 1930 et suivantes. L’Occident est en fait enlisé dans la stagflation (stagnation économique + tensions inflationnistes), dont on ne sort qu’en laissant les ajustements indispensables se produire mais surtout pas en intervenant de façon désordonnée (à coup de plans dits « de relance » inefficaces coûtant des sommes astronomiques ou d’injections massives de liquidités allant se perdre dans les sables mouvants de la spéculation boursière et financière). C’est douloureux, mais il ne fallait pas se mettre dans cette situation dont la responsabilité incombe à de mauvais gouvernements. Pensez au cas de la France, un Etat pourtant riche qui, depuis le milieu des années 1970 (après le départ de Charles de Gaulle du pouvoir et le décès de Georges Pompidou), n’a plus jamais eu de budget annuel équilibré alors que la pression fiscale n’y a fait que s’accroitre pour devenir confiscatoire -en ponctionnant plus de la moitié de la richesse produite par ses agents économiques (quand ce n’est pas 75%)- et le nombre de chômeurs avec elle. Ce qui suffit à établir que les Etats où l’on paye le plus d’impôts sont aussi ceux dans lesquels le chômage est le plus élevé !

J’en reviens aux méthodes employées par les Etats et les banques centrales pour sortir de la crise. La méthode suisse -qui diffère de celles précitées employées par le Japon et les USA- de « dévaluation compétitive » de la monnaie, n’est pas non plus la solution parce que si la plupart des Etats faisaient la même chose, la « guerre des monnaies » irait encore plus loin qu’aujourd’hui, les cours de la plupart des devises de papier chuteraient et le commerce international avec, puisqu’il faudrait revenir au protectionnisme total pour s’en sortir.

 On peut aussi envisager la restructuration des dettes par divers procédés, mais alors les taux d’intérêt à moyen et long termes -dont la fixation contrairement aux taux à court terme ne dépend pas des banques centrales mais des marchés financiers- monteraient fortement, comme cela a déjà commencé au Japon et aux USA. Ce qui casserait tout espoir de reprise économique. Seul un défaut concerté décidé par un assez grand nombre d’Etats agissant ensemble au même moment -par exemple de plusieurs Etats européens quittant la zone euro et sa monnaie inadaptée à leur situation- semble a priori jouable, sans toutefois que l’on puisse en évaluer à l’avance toutes les conséquences. Dans l’histoire, ce type de crise a trouvé sa solution par des révolutions ou des guerres permettant d’effacer des contraintes devenues intenables mais en créant d’autres catastrophes. Si une nouvelle guerre en Europe est peu probable, en revanche des situations révolutionnaires pourraient y apparaitre et dégénérer, posant alors pour la Suisse la question de son maintien dans les accords de Schengen.

 En fait, l’impasse actuelle vient du recours excessif au crédit par les Etats, les grandes banques privées et la plupart des agents économiques, dont l’endettement continue irrémédiablement de croître ; mais aussi de la fixation artificielle des taux d’intérêt à court terme à des niveaux zéro voire négatifs par les banques centrales.

 Ludwig von Mises, le chef de file de l’Ecole autrichienne d’économie, écrivait à ce propos : « Il faudra bien que l’on comprenne que les tentatives d’abaisser artificiellement, par l’extension du crédit, le taux d’intérêt qui doit se former librement sur le marché ne peuvent aboutir qu’à des résultats provisoires et que la reprise des affaires, qui intervient au début, sera forcément suivie d’une rechute profonde, laquelle se traduira par une stagnation complète de l’activité industrielle et commerciale… Un boom d’expansion du crédit doit inévitablement conduire à un processus que le discours commun appelle dépression… La dépression n’étant en fait qu’un processus de réajustement, de remise en ligne des activités de production avec l’état réel des données du marché… Toute tentative de substituer des moyens fiduciaires à des biens capitaux inexistants est vouée à l’échec… Il n’y a aucun moyen de soutenir un boom économique résultant de l’expansion à crédit. L’alternative est ou bien d’aboutir à une crise plus tôt par arrêt volontaire de la création monétaire, ou bien à une crise plus tard avec l’effondrement du Système monétaire qui est en cause… Le résultat de l’expansion du crédit est un appauvrissement général ». Ce qui le conduisait à constater que « Les crises économiques sont provoquées par les politiques monétaires expansionnistes des banques centrales » étant donné que combattre l’excès de crédit par une politique monétaire encore plus laxiste, c’est le meilleur moyen :

-d’empêcher tout processus de « destruction créatrice » consubstantiel à toute croissance économique qui procède par destructions-créations successives,

-comme d’enclencher la mécanique qui conduit à l’inflation, c’est-à-dire à la paupérisation de ceux qui n’ont pour vivre que leur salaire ou leur retraite soit la plus grande partie de la population.

 On peut conclure de tout cela que la répression financière est la pire méthode pour financer les déficits publics et l’endettement des Etats, qui ne peuvent se résorber que par la réduction des dépenses improductives et le retour d’une croissance économique saine. Cette dernière n’étant possible que dans le cadre d’un Système monétaire et bancaire stable, parce que basé sur l’étalon-or ou le bimétallisme non manipulés limitant structurellement l’émission de monnaie et de crédit. Pour y parvenir, il faudra sans doute qu’une dépression intervienne faisant alors changer les mentalités des dirigeants et des populations, qui comprendront que le dirigisme ne peut pas se substituer au libéralisme classique. Lequel n’était en rien comparable avec le « marché fou », ainsi qu’on le caricature abusivement, mais un système spontané issu d’une longue évolution historique l’ayant progressivement encadré, assurant la synthèse entre la nécessité de régulation et le besoin de liberté. Que la quasi totalité des dirigeants politiques et économiques dans les grands Etats restent cloués au dogme socialiste keynésien et qu’ils acceptent sans broncher d’abandonner le sort des populations, paupérisées et déstabilisées, aux politiques à courte vue de manipulation conduites par les banques centrales est inexplicable. Dans quelques années on comprendra combien ils ont, hélas, fait fausse route.

 En fait, pour vous dire le fond de ma pensée, il faudrait purement et simplement supprimer les banques centrales -ces mammouths anti-démocratiques dont les pratiques laxistes ou collectivistes ont échoué- dirigées par des gens qui se prennent pour des dieux alors qu’ils ne sont que faux-monnayeurs, ou bien les reconvertir en entrepôts de conservation des métaux précieux, ce qu’elles étaient à l’origine et n’auraient jamais dû cesser d’être. Tout en supprimant le cours forcé -c’est-à-dire le monopole des monnaies étatiques- pour permettre que dans ce domaine la concurrence et la flexibilité puissent s’exercer et que de nouvelles monnaies -dont certaines seraient gagées sur les métaux précieux et d’autres sur de nouveaux paramètres- puissent apparaitre localement (un peu comme le Wir en Suisse alémanique) et internationalement (un peu comme le Bitcoin) offrant ainsi aux populations la possibilité de choisir celles leur convenant le mieux. C’était l’idée du Prix Nobel d’économie Friedrich von Hayek qui écrivait que, sauf rétablissement de l’étalon-or, « Nous n’aurons pas de monnaie honnête tant que d’autres que les gouvernements en fonction n’auront pas le droit d’en proposer de meilleure que celle de leur fabrication ».

 La Suisse a un rôle majeur à jouer dans le processus de réforme du Système monétaire et bancaire actuel, en raison de sa tradition d’excellence financière, pour autant qu’elle prenne d’abord elle-même les mesures préalables qui s’imposent. A savoir : rapatrier son or sur son territoire national puis augmenter ses réserves de métal précieux (en ce moment artificiellement bon marché), en utilisant pour ce faire les montants en euros ou en autres monnaies de papier détenus en excès par la BNS. Ce qui lui permettrait ensuite de plaider dans les enceintes internationales pour le rétablissement de l’étalon-or et la suppression du mécanisme des réserves fractionnaires, dont elle pourrait alors devenir l’une des principales bénéficiaires. La Suisse doit cesser de se laisser enfermer dans l’image de nation supposée « prédatrice » que ses concurrents américains et européens (eux-mêmes passés maitres en matière de prédation et de non respect de leurs engagements) lui collent pour la déstabiliser et de se complaire dans une attitude de remords injustifié, en faisant valoir tout ce qu’elle apporte au monde ! Le champ de la réflexion monétaire est ouvert, qu’elle l’investisse donc. Et d’abord pour elle-même comme je vais en faire la proposition.

 J’en viens à la question de la valeur du franc suisse, que les dirigeants économiques veulent dévaluer pour développer les exportations, mais dont la situation plutôt enviable -en raison du faible endettement public et privé de la Suisse-, par rapport aux autres monnaies de papier émises par des Etats en situation catastrophique de ce point de vue, tend inévitablement à rendre cher. Ce qui est loin de constituer un handicap pour autant que la compétitivité économique soit maintenue et, surtout, que les cartels entretenant la hausse injustifiée des prix intérieurs ou à l’importation soient combattus, un domaine où l’essentiel reste à faire. La BNS pourra-t-elle continuer sa politique de maintien de la parité artificielle de l’euro/franc suisse à 1,20 ? La réponse est non si l’euro venait à imploser. Mais alors ce serait par rapport à la nouvelle monnaie dont se doterait l’Allemagne que cette politique pourrait se poursuivre, après que la BNS et donc la Suisse aient hélas subi des pertes financières colossales (bien supérieures à celles actuellement subies du fait de la manipulation du prix de l’or, dont la BNS est d’ailleurs co-responsable). Ce qui ne résout pas la question de l’appréciation du franc suisse par rapport au dollar US (à la fois monnaie de réserve mondiale et monnaie nationale de l’Etat actuellement le plus puissant -une asymétrie intenable expliquant le « privilège exorbitant » dont jouissent les USA quant à leur financement qui se transformera plus tard en inconvénient majeur pour eux-mêmes-), dont la chute du fait du « Quantitative Easing Forever » est vraisemblablement proche, avec les conséquences que l’on peut en déduire quant à l’effondrement monétaire global ultérieur.

 De telle sorte que le bilan de la BNS (pas plus que celui de FED) ne pouvant pas s’accroitre à l’infini en accumulant de mauvais actifs, il vaudrait mieux préparer l’opinion au retour à la liberté de fixation du taux de change de l’euro/franc suisse et rétablir une parité fixe entre l’or et le franc suisse. Un ancrage ayant été profitable dans le passé qui ne pourrait que dorénavant renforcer la BNS en réduisant et en solidifiant son bilan, tout en lui permettant de distribuer des dividendes beaucoup plus substantiels à la Confédération et aux Cantons par suite de l’accroissement de ses bénéfices. Parallèlement, on devrait supprimer le cours forcé du franc suisse sur le territoire de la Confédération pour y laisser se créer à coté de lui les monnaies alternatives dont j’ai parlé plus avant, ce qui dissocierait la valeur-or du franc suisse qui aurait été préalablement rétablie de celles de l’euro, du dollar US et des autres monnaies de papier qui chuteraient, pour ne pas être entrainé dans leur effondrement, sans que le franc suisse-or dont la valeur s’apprécierait puisse gêner le développement du commerce extérieur helvétique qui pourrait se faire dans lesdites monnaies alternatives ou bien en monnaies étrangères. Une solution de flexibilité de nature libérale, meilleure que de fixer des taux d’intérêts négatifs ou de taxer les dépôts étrangers en francs suisses auprès de nos banques, ainsi que la BNS -dirigiste comme toutes les autres banques centrales- en a émis l’idée ressortant de la répression financière aggravée, dont je vous ai dit tout le mal qu’il faut en penser.    

Pierre Leconte Sep2013

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