Cycle Economique et Financier

Immobilier: L’endettement hypothécaire en Suisse, une menace!

Immobilier: L’endettement hypothécaire en Suisse, une menace!

On ne peut plus complètement exclure un scénario catastrophe à l’irlandaise, à l’espagnole ou à l’américaine

Les comparaisons internationales de la richesse des particuliers achoppent souvent sur des questions épineuses de définition ou de méthodologie. Dans le cas de la Suisse, la prévoyance professionnelle présente une difficulté majeure, de par son statut «hybride»: à la fois assurance sociale (pour la partie obligatoire de la LPP) et programme d’épargne «forcée» et obligatoire, financé par les employeurs et les assurés. De plus, fondé sur un financement en capitalisation plutôt que sur la répartition, il engendre la constitution de capitaux d’épargne considérables.

Une étude comparative globale (Allianz Global Wealth Report 2013, 118 p.), parue en août, s’attache à appréhender la fortune individuelle moyenne (et non médiane), par pays et par région. Par «avoirs financiers nets», elle entend les avoirs en banque, les placements en titres (obligations et actions) mais aussi les avoirs en polices individuelles d’assurances sur la vie et dans les caisses de pension – ce qui fait l’attrait et la spécificité de cette étude, ces deux derniers postes étant très importants en Suisse. Les dettes, y compris hypothécaires, en sont déduites, mais l’étude n’intègre pas les actifs immobiliers.

Examinons les données d’un peu plus près. Sans réelle surprise, les avoirs financiers moyens nets par habitant sont en Suisse les plus élevés du monde, avec 142 000 euros. Ce qui étonne davantage, c’est l’écart considérable avec les pays qui suivent – Etats-Unis, avec 101 000 euros, puis Japon, 84 000 euros, un fait qui n’est qu’en partie imputable à la surévaluation actuelle du franc. On relève aussi que les Européens ont en moyenne une fortune nette correspondant, au mieux, à la moitié de la moyenne suisse (Belgique, Pays-Bas): c’est que presque partout en Europe, la main lourde et baladeuse de l’Etat – impôts et assurances sociales redistributrices – a confisqué les bas de laine… Mais c’est aussi une confirmation indirecte de l’importance du deuxième pilier dans la création d’une fortune financière individuelle élevée (Suisse, Pays-Bas).

Si on examine l’évolution de la fortune moyenne nette depuis 2007, les résultats sont en revanche peu flatteurs pour la Suisse: en effet, la fortune n’y a augmenté – sur l’ensemble de la période – que d’un peu plus de 6%, ce qui positionne le pays dans le peloton de queue. C’est sensiblement moins que dans les autres pays européens et surtout aux Etats-Unis, où la croissance annuelle (et non pas cumulée) a été de 6,3% depuis 2007. Il y a plusieurs explications à ces développements. En Suisse, les individus (mais aussi les assureurs et quantité de fonds de pension) ont réduit le profil de risques de leurs allocations. Les motifs: la crise elle-même et les craintes qu’elle inspirait aux investisseurs, ainsi que les faibles rendements directs du fait de la politique de «répression financière» des banques centrales. De plus, après leurs déboires avec les placements financiers, nombre d’investisseurs ont donné la préférence à «la pierre», réputée plus solide et moins volatile. Quoi qu’il en soit, une proportion élevée de particuliers semble avoir «raté» la forte hausse sur les marchés boursiers dès 2009 – en Suisse plus qu’ailleurs.

En valeurs «brutes», avant déduction des dettes, la fortune financière moyenne en Suisse s’élève à 218 000 euros. Or, en matière de dettes, les investisseurs suisses sont aussi les champions du monde, puisque la dette moyenne par habitant s’élève à 76 000 euros. Pour l’essentiel, cette position est constituée à près de 90% (!) par les dettes hypothécaires, qui ont explosé depuis le début du siècle: alors que leur somme atteignait 402 milliards d’euros en 2000, elle avait gonflé à 609 milliards d’euros à fin 2012, soit une croissance de plus de 50%! La Suisse présente ainsi un ratio d’endettement rapporté au PIB parmi les plus élevés du monde.

Résumons-nous: la fortune mobilière nette (hors immobilier) par individu en Suisse demeure – et de très loin – la plus élevée du monde, mais les investisseurs suisses, surtout les particuliers, n’ont que peu profité de la hausse des marchés financiers (obligations, actions) depuis 2009. De manière directe et indirecte, la crise financière de 2008 a altéré les comportements et les allocations des investisseurs, en favorisant de manière frénétique l’investissement immobilier domestique – et l’énorme endettement hypothécaire qui l’accompagne. Certes, la croissance parallèle des valorisations immobilières et le financement à taux bloqués sur plusieurs années constituent des amortisseurs en cas de baisse des prix immobiliers. Néanmoins, la dette hypothécaire représente désormais une réelle menace: ainsi, on ne peut plus complètement exclure dans ce pays un scénario catastrophe à l’irlandaise, à l’espagnole ou à l’américaine – avec les immenses conséquences néfastes qui en résulteraient pour l’économie et la société.

Par Graziano Lusenti Dr. sc. polit., expert en caisses de pension, conseiller pour investisseurs institutionnels, Lusenti Partners LLC, Nyon, g.lusenti@lusenti-partners.ch Le Temps 14/10/2013

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/3791f944-3426-11e3-aa53-162060517864/Lendettement_hypoth�caire_en_Suisse_une_menace

3 réponses »

  1. Pour les particuliers suisses, quelle part de leur épargne s’est évaporée ces dernières années sous forme de billets de 500 francs suisses ou d’or ?

  2. Les avoirs financiers moyen n’ont a mon gout aucun inportance prédictives en économie. Se qui est important est de connaitre la quantité de personnes par tranche d’avoir financier, pour pouvoir se faire une idée de la solidité économique d’une nation. Une nation comportant un super millardaire entourer de millions de pauvres, peut produire un forte moyenne financiére, mais en aucun cas une économie forte..

  3. Il y a plusieurs points que cet article M. Lusenti oublie de mentioner à propos de l’immobilier en Suisse:
    1/ Le crédit immobilier n’est pas le même qu’en France par exemple. Vous devez avoir 20% d’apport initial (si le bien est entre Genève et Lausanne, c’est beaucoup d’argent) mais en contrepartie le crédit hypothécaire n’a pas de fin déterminée dans le temps. Vous pouvez emprunter une somme et ne jamais en rembourser le capital, vous ne payez que les intérêts sur la somme empruntée, intérêts qui sont déductibles de vos revenus dans votre déclaration de revenu. De plus vous êtes, en tant que propriétaire, taxé sur un loyer fictif: une estimation est faite sur le loyer que vous payeriez si vous n’êtiez pas propriétaire et ce montant est ajouté aux revenus imposables. Ce système est donc très très favorable aux banques suisses: encourageant ainsi l’emprunteur à ne pas pas amortir et en fait à payer à sa banque un loyer à vie. Ce système encourage aussi une hausse des prix vertigineuses (à Rolle par exemple les prix ont été multipliés par 2 entre 2005 et 2012), car les gens empruntent en fait beaucoup plus qu’ils ne peuvent économiquement rembourser (ils ne paient que les intérêts). Si les taux d’intérêts montent, la situation pourrait rapidement devenir catastrophique.
    2/ Il n’y a pas assez de nouvelles constructions (pas de terrain, ou alors les mises en projet font part de prix délirants) et les habitants de certaines communes afin de maintenir une certaine qualité de vie (croient-ils) bloquent toute nouvelle implantation sur leur commune (oui, oui, c’est possible).
    3/ L’état contrôle insidieusement les loyers: les loyers ne peuvent être augmentés que si le taux hypotécaire de référence augmente (ou si le propriétaire fait des rénovations importantes). Entre 2005 et 2013 le taux hypotécaire de référence dans le canton de Vaud est passé de 3% à 2% et comme je l’ai dit plus dans certaines communes vaudoises les prix ont été multipliés par deux. Les loyers n’ont de loin pas suivi cette tendance (+15% entre 2000 et 2010 d’après l’association suisse des locataires). Si nous étions à Singapore, les loyers auraient simplement suivi la hausse des prix de l’immobilier, c’est à dire multipliés par deux.

    Comme on peut le voir, Monsieur Couchepin peut nous en faire des tonnes sur le soit-disant libéralisme économique de la Suisse, on voit bien que le marché suisse immobilier n’a rien de libéral: il favorise les banques et les locataires. Et on reparle de connivence avec les grandes banques et de clientélisme électoral.

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