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Bulgarie : Les guichets des banques pris d’assaut à Sofia (Avec commentaire de Bruno Bertez)

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Bulgarie : Les guichets des banques pris d’assaut à Sofia (Avec commentaire de Bruno Bertez)

 Les autorités dénoncent une série «d’attaques organisées» contre le secteur bancaire. Deux banques sont sur la brèche. Dans un pays en pleine crise politique, dirigé par un gouvernement en sursis, certains cèdent à la panique

Des queues kilométriques devant les banques, des distributeurs de billets à court de liquidités et des rumeurs plus folles les unes que les autres… Depuis la crise financière de 1997 qui a mis sur le tapis une douzaine d’établissements bancaires et entraîné une hyperinflation record, les Bulgares n’avaient pas vu des scènes pareilles. Et, surtout, ils pensaient qu’ils n’en verraient plus jamais depuis que leur pays a rejoint en 2007 l’Union européenne et que sa monnaie, le lev, a été arrimée à l’euro.

«Nous sommes témoins d’attaques sans précédent contre le système bancaire du pays. Le but est de déstabiliser l’Etat», a déclaré, le 27 juin, Ivan Iskrov, le gouverneur de la banque centrale (BNB). Dans la foulée, le patron de la BNB a dénoncé une «épidémie de rumeurs» et appelé les hommes politiques à éviter les déclarations alarmistes. Mais, alors que les responsables assurent que toutes les mesures sont prises pour éviter le scénario de 1997, rien ne semble pouvoir mettre fin à ce qui ressemble de plus en plus à un mouvement de panique collective.

Tout a commencé il y a une semaine avec la mise sous tutelle par la BNB de la Banque Commerciale Corporative (KTB). Cinquième banque du pays, KTB avait la particularité d’appartenir à un oligarque à la réputation sulfureuse, Tzvetan Vassilev, souvent présenté comme l’un des financiers occultes qui tirent les ficelles de la politique bulgare. Evitant soigneusement de parler de «faillite», la BNB avait toutefois démis les dirigeants de KTB de leurs fonctions et suspendu pour une période de trois mois toutes les opérations de la banque. Les Bulgares y ont surtout vu l’aboutissement d’une guerre sans merci entre son propriétaire et son ancien partenaire, le magnat médiatique Delyan Peevski qui, depuis près d’un an, semble dicter l’agenda politique du pays. C’est bien la tentative de nommer en juin 2013 ce jeune homme (32 ans) à la tête du contre-espionnage bulgare qui a provoqué une vague de contestation contre le gouvernement actuel qui dure jusqu’à aujourd’hui.

Craintes d’un complot

Après la chute de KTB, des rumeurs insistantes ont évoqué l’imminence de la faillite d’une autre banque, plus importante – Fibank. Vendredi dernier, des épargnants y ont retiré en une seule journée l’équivalent de 400 millions d’euros. La crise, désormais sur toutes les lèvres, a provoqué une réunion d’urgence entre les chefs des services de sécurité du pays et le procureur général. Dimanche, le président du pays, Rossen Plevneliev, a convoqué les principaux responsables politiques pour définir une «stratégie commune».

Mais qui peut être derrière ces attaques? Dans un pays souvent abonné aux théories de conspiration, beaucoup y ont immédiatement vu la «main de Moscou». L’économiste Ivan Ganev, du Centre de stratégies libérales, a ainsi rappelé que Sofia vient tout juste d’infliger un camouflet retentissant au Kremlin et déclarant le gel de la construction de South Stream, ce gazoduc tant voulu par la Russie visant à contourner l’Ukraine. «Poutine lui-même l’a dit à plusieurs reprises: on ne dit pas non à la Russie sans que cela ait de conséquences», a renchéri l’ex-ambassadeur bulgare à Moscou, Ilian Vassilev. Ce dernier a aussi rappelé que le «currency board» actuel en Bulgarie reste aux yeux de beaucoup une «épine». Synonyme de «stabilité» pour bon nombre d’économistes et symbole de l’orientation pro-occidentale de Sofia, cet arrimage à l’euro serait la véritable cible de cette opération malveillante. Une opération certainement facilitée par la faiblesse chronique du gouvernement actuel et l’imminence d’un scrutin anticipé.

Criminalité organisée

Les deux banques visées à ce jour ont aussi en commun de figurer dans un câble américain du 12 novembre 2006, rendu public par WikiLeaks. L’ambassadeur américain à Sofia, John Beyrle, y dressait la liste de ce qu’il appelait les «pommes pourries» d’un secteur bancaire plutôt sain dans le pays – à savoir la demi-douzaine d’établissements liés à la criminalité organisée, voire suspectés de servir de blanchisseurs d’argent sale. «Je vois surtout dans cette histoire un règlement de comptes dans les abysses de la mafia bulgare. Mais cela n’exclut pas des manigances russes», affirme ainsi Atanas Tchobanov, partenaire de Julian Assange en Bulgarie. «La Bulgarie est membre de l’UE. Un euro vaut et vaudra toujours 1,95 leva et ce jusqu’à notre admission dans la zone euro», a martelé le président Rossen Plevneliev à la sortie de la réunion de crise ce dimanche. Comme pour conjurer le mauvais sort.

PAR ALEXANDRE LÉVY SOFIA/ Le TEMPS 30/6/14

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/741c9e2e-ffc7-11e3-b606-e345e71cec86/Les_guichets_des_banques_pris_dassaut_%C3%A0_Sofia

A PROPOS PAR BRUNO BERTEZ

La panique bancaire bulgare est intéressante car elle illustre la fragilité du système et l’importance des rumeurs et phénomènes de foule. Cependant il faut prendre avec des pincettes toutes les informations sur ce sujet, même Reuters se trompe et publie des stupidités. 

Le système bancaire Bulgare est pourri par les mafias et intérêts particuliers et politiques, mais il est sain selon les critères bancaires. Les ratios de capitaux propres sont élevés, la liquidité est bonne. L’endettement du pays et des particuliers est faible. 

Les thèses conspirationnistes, tout comme le lien avec le gaz et le pipe-line ne sont pas nécessaires pour expliquer ce qui est en train de se passer. Pourquoi faire compliqué et invérifiable quand on peut avoir des explications simples et crédibles ? 

C’est le gouvernement bulgare lui-même qui a retiré ses fonds d’une banque et l’a mise ainsi maladroitement en difficulté. A ce stade, les conflits intérieurs et la bêtise sont des explications suffisantes. Plus tard, on verra.

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