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L’Edito du Mercredi 19 Novembre 2014: When Money dies par Bruno Bertez

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L’Edito du Mercredi 19 Novembre 2014: When Money dies par Bruno Bertez

Selon un sondage effectué par Bloomberg, 38% des investisseurs considèrent que la situation économique mondiale se détériore. La question de la déflation est au centre des préoccupations, en particulier en Europe et en Chine. Certains pays comme le Brésil, la Russie, l’Afrique du Sud, sont pris dans une spirale négative de fuite des capitaux/dépréciation du change/ralentissement interne.

Alors que les marchés deviennent hésitants et volatils, alors que de nouvelles tentatives de mesures non-conventionnelles sont en cours de gestation, beaucoup d’analystes s’interrogent sur ce qui pourrait être le facteur déclenchant de la prochaine crise.

-Est-ce le hasard ?

-Les animal spirits.

-Est-ce un effet de seuil.

-Est-ce la logique même du système qui le conduit à sa perte.  

Les théories existantes n’apportent aucune réponse satisfaisante, et pour cause. Elles reposent sur le dogme de l’infaillibilité. En passant, notons la justesse de la thèse de Carl Schmitt qui prétendait que le politique est une sécularisation du théologique: à l’infaillibilité pontificale correspond l’infaillibilité des gouvernements. Au niveau des apparences, ces théories reposent sur la propagande qui prétend que les responsables de la conduite des affaires ont la situation bien en mains: ils savent ce qu’ils font. Leurs actions sont guidées par des modèles économiques qui postulent, tous, que les agents économiques agissent de façon rationnelle, donc prévisible.

De façon plus sophistiquée, certains qui pensent un peu, comme Greenspan, considèrent que ce qui s’est passé en 2008 montre que des bouffées d’irrationalité, de non-linéarité, se produisent de temps à autre et que mystérieusement ce que l’on appelle la confiance, peut disparaître en chaîne.

Nous voudrions poser le problème autrement.  Au lieu de considérer qu’une nouvelle crise violente et fatale va se produire ou est inéluctable, nous voudrions suggérer que le processus en cours est un processus d’apprentissage, de transition, vers un nouveau Système qui inclut le risque de crise, mais qui dispose de moyens pour éviter de sombrer. On construirait une sorte de boucle d’auto-régulation. Boucle qui pérenniserait la Sphère Financière en tant que telle, dans une relative autonomie manipulable.

Nous revenons sur cette question fondamentale, car, à notre sens, c’est là où tout se joue. Ceux qui crient au loup et attendent la catastrophe font le jeu des dominants. Ils détournent l’attention et surtout ils font peur et donc incitent à accepter n’importe quoi. Ils préparent le terrain aux sacrifices. Nos Systèmes reposent sur la peur et tous ceux qui assurent la promotion de cette peur renforcent l’ordre qui conduit à la nouvelle servitude. Au viol des libertés privées. Aux contrôles. Aux manipulations. A la surveillance généralisée. A la guerre.

Les peuples sont censés avoir peur, liste non limitative: du terrorisme, de l’Islam radical, d’Ebola, des Russes, des Chinois, du chômage, du tabac, de l’alcool, des voitures, de la racaille, du fisc, de l’extrême droite, des racistes, des antisémites… la prolifération des peurs justifie l’évolution vers ce système de nouvelles servitudes. Quand on a peur, on s’en remet à ceux qui disent vous protéger. La grande peur millénariste de la crise financière et économique vient couronner le tout.

Nous prétendons que cette peur de la Grande Révulsion est injustifiée.

Les Grands Responsables de la conduite des affaires mondiales  ont un agenda de « solution  » douce, de solution graduelle. C’est l’originalité de notre démarche que de le répéter régulièrement. Un agenda qui passe, non pas par le retour au passé, par la rupture ou la catharsis ou la grande purge, ou encore par la réconciliation entre la Sphère Financière et la Sphère Réelle, mais par une institutionnalisation du non-conventionnel, par la poursuite sur le chemin de l’abstraction et de la complexité, par la poursuite de la mutation de la nature de la monnaie.

Nous sommes face à un processus historique de modernisation. La modernisation étant conçue comme un processus d’abstraction, d’une part, et un processus de déconnection entre le réel et ses signes, d’autre part. Les Grands Responsables n’ont pas de projet conscient, ils sont comme nous, ils apprennent en marchant, ils testent et, à partir de là, ils élaborent et théorisent. Peu à peu, les choses se mettent en place.

Au cœur du processus d’adaptation, se trouve la monnaie, la question des assets financiers, la question des dettes. Depuis le début des années 70, toute contrainte a disparu en matière de monnaie et de crédit. Donc, comme cela est normal, on en a abusé. La masse financière a cru de façon disproportionnée en regard de la masse de richesses réelles produites. Et la Sphère financière s’est hypertrophiée face à la Sphère réelle. Ce que les millénaristes appellent la Crise, la future Grande Crise, c’est pour eux, la réconciliation entre les deux. La purge de la Sphère Financière de toute son hypertrophie, de tous ses excès.

Nous prétendons que cette logique, tout en étant possible, n’est pas inéluctable. Ainsi, si au cours des années qui ont suivi 1970, l’inflation des prix des biens et services avait évolué à un rythme soutenu, la masse d’assets financiers qui composent la Sphère Financière, se serait ajustée en termes réels à l’évolution des GDP, des produits nationaux. Le Système aurait « effacé ses traces, ses dettes en marchant », la Sphère Financière n’aurait pas cru de façon disproportionnée en regard de la Sphère Réelle. La situation de concurrence mondiale, les progrès technologiques, le « glut » de main d’œuvre des émergents  et les gains de productivité n’ont pas permis l’accélération de la hausse des prix qui aurait été nécessaire pour préserver l’équilibre du système mondial.

Le grand échec de Bernanke, cela est patent maintenant, c’est de ne pas avoir réussi à relancer la mécanique de la hausse des prix des biens, des services et des revenus. Ce qui bien sûr n’est pas dit, mais qui se traduit clairement de la grande thématique actuelle dite de « la lutte contre la déflation » . Car qu’est-ce que la lutte contre la déflation si ce n’est la lutte pour l’inflation ?

Le problème à résoudre est celui d’une sphère Financière hypertrophiée face à une Sphère économique stagnante ou en croissance trop faible. En bonne logique, la Sphère financière, si elle était entièrement cotée, évaluée, sur des marchés, devrait s’ajuster, en valeur et masse à une proportion de la richesse réelle, c’est à dire à une proportion de la Sphère Réelle. Le processus d’ajustement serait progressif, quasi sans douleur, effectué graduellement, par le biais de la dévalorisation des promesses financières sur les marchés. Tout ce qui est coté sur un marché est, comme nous le disons, bio-dégradable, dévalorisable sans douleur, en continu, sans risque de rupture, c’est à dire sans faillite du Système.

Le problème vient du fait qu’une masse considérable d’assets financiers n’est pas bio-dégradable, n’est pas dévalorisable puisque n’étant pas coté sur des marchés, c’est le cas de la monnaie, des masses monétaires M1, des Money Markets funds, etc., ce sont des masses considérables. Ce sont des invariants du système. Le problème vient  en particulier des dépôts bancaires, la dette des banques vis à vis des déposants est nominalement fixe. C’est un invariant, le grand invariant qui, en tant que tel, constitue le risque majeur, central du système. C’est l’épée de Damoclés. Si toute cette monnaie, toute cette masse monétaire, tous ces dépôts bancaires de valeur fixe pouvaient devenir dévalorisables, amputables, le Système ne courrait plus de risque, il serait auto-régulé. On pourrait émettre de la monnaie autant que l’on en a besoin, elle ne s’accumulerait pas.  Un petit coup d’accordéon de temps à autre et hop, on serait prêt à repartir pour un tour. Ce serait comme la gestion/régulation actuelle par les bulles, mais gestion améliorée car elle incluerait la bulle majeure, celle de la monnaie. Pour rendre les bulles de l’excès des masses monétaires, des Monnaies Market funds etc. gérables, il faut  qu’on puisse de temps à autre les crever. Il faut faire passer l’idée et les textes qui permettent les amputer. Il suffit de se donner la possibilité de transformer le statut des dépôts bancaires, par exemple de les assimiler à des quasi-capitaux propres des banques, de les inclure dans les créanciers participant aux bail-in et le tour est joué.  Terminé le risque des « runs ». Il suffit de leur ôter leur caractère sacré pour retrouver la capacité d’adaptation du Système.  Toute ressemblance avec les mesures préparées secrètement en Europe et dans le cadre du dernier G20 est non pas fortuite, mais voulue! 

La monnaie doit devenir un asset comme les autres, elle doit cesser d’être considérée comme un invariant nominal. Cela va donc bien au-delà de l’inflation qui, elle, n’est plus praticable car elle ferait monter les taux et précipiterait la chute des marchés et des Banques et du Shadow. Pour que la transformation de la nature de la monnaie puisse être menée à bien, il faut que le monde des assets financiers soit un monde clos, un monde dont on ne peut sortir. Il faut par conséquence que le fameux « un seul monde » voit le jour: pas d’alternative. Vous comprenez ce qui est en cours, la constitution d’un grand cartel mondial, sorte de filet, de nasse, qui doit enserrer, qui doit piéger l’argent. La fiscalité est un élément, mais, en même temps, c’est un prétexte.

Ne prenez pas ceux qui conduisent les affaires pour des imbéciles, cela fait 7 ans que les « contrarians » les prennent pour des idiots et, à ce jour, les idiots, ce sont les contrarians, les catastrophistes et autres millénaristes. Les « contrarians » sont les idiots utiles du système en cours de construction. Les « contrarians », ce seront les enfants perdus d’une guerre dont le Grand Establishment va sortir vainqueur.

Les Maîtres ont la situation bien en mains. Regardez la manière dont a été géré le Taper. Absolument remarquable, pas une vague, pas un accident. Même les émergents déficitaires et surendettés n’ont pas frémi, même les pays sud-européens n’ont pas souffert. Les Cassandre avaient négligé le relais de la BOJ et la promesse de relais de la BCE. Et puis, ils avaient négligé le renouveau de la guerre froide, lequel renouveau précipite les capitaux vers le paradis sans risque, les pays anglo-saxons. La guerre est le prolongement de la politique intérieure, un prolongement qui ressoude un corps social quand il a tendance à se disloquer.

Jour après jour, ils, les Grands Responsables, construisent « leur solution ».

Leur solution, c’est de continuer la financiarisation, de repousser les limites des dettes, de continuer à modifier la nature de la monnaie, de la déconnecter de plus en plus du réel et de ses contreparties, de la faire flotter dans les airs. Mais, pour qu’elle puisse vraiment être libre, cette monnaie, il faut qu’on ne puisse pas lui échapper. Vous comprenez l’enjeu des guerres actuelles et du grand bouleversement politique en cours. L’enjeu, c’est l’extension du système, c’est le colmatage des possibilités de fuite.

Leur solution, c’est de tracer un filet qui enserre tout, qui prend tout au piège, on ne doit pas pouvoir sortir de cet univers de papier, de quasi monnaie et de taux de rémunération nulle de l’épargne. On ne doit pas pouvoir échapper aux prélèvements, aux prédations et à la répression financière. On ne doit pas pouvoir sortir du Système Bancaire et Financier dominé par la Loi Impériale. Ce qui se construit en ce moment, sous les yeux aveugles des peuples, c’est le Grand, le Gigantesque Panopticon de Spencer.

Ils, le grand ILS, ont formé un Cartel en ce sens. Lisez les conclusions du G20. Regardez les offensives en cours et concertées contre les grandes entreprises mondiales, bientôt ce sera le temps de l’offensive cynique contre les classes supérieures au nom de la lutte qu’ils préparent contre les inégalités qu’ils créent eux-mêmes. C’est pour cela qu’ils popularisent le Pikettysme. Le FMI a déclaré que Piketty était l’un des sept plus grands économistes du monde.

Ils mettent en place, sous prétexte de terrorisme, ils mettent en place les dispositifs nationaux qui permettent de taxer, de contrôler, d’épier, de recenser, et ce, grâce à une concertation internationale des prédateurs. Confère la récente dénonciation du Luxembourg et avant celle de la Suisse. Car ils savent que la Suisse est une brèche, une fuite dans le système.

Puis ils prendront les législations qui autorisent, sans vote, en douceur, la spoliation des comptes bancaires. Le processus est déjà en cours, largement commencé. D’ores et déjà, si vous savez lire, vous constatez que votre dépôt en banque n’est plus de la monnaie, mais de la quasi-monnaie non protégée, à peine convertible librement. Pour reprendre le titre d’un ouvrage qui n’a pas eu le succès qu’il méritait. « When Money dies » d’Adam Fergusson. La monnaie est en train de mourir.

Nous ne cessons de le répéter, ce qui est en trop, en bulle, ce ne sont pas les actifs financiers, actions, obligations, actifs immobiliers, œuvres d’art,  et encore moins les actifs réels, non ce qui est excédentaire, c’est la masse monétaire liquide, le cash plus les dépôts en banque, avec les Money Markets Funds. Il faut organiser l’euthanasie de M1. C’est le but que se fixent toutes les modifications législatives en cours avec criminalisation de ceux qui tentent d’échapper au piège.

 BRUNO BERTEZ Le Mercredi 19 Novembre 2014 

illustrations et mise en page by THE WOLF

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