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De la contradiction, de la Responsabilité Par Bruno Bertez

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De la contradiction, de la Responsabilité Par Bruno Bertez

Mes derniers papiers ont provoqué beaucoup de réactions. Cela était sinon voulu, du moins prévu. En effet, je développe de nouvelles hypothèses de travail et  les gens, les lecteurs n’aiment pas être perturbés dans leurs certitudes. Cette réticence, qui débouche dans certains cas sur des protestations  agressives, je l’ai ressentie dans mes contacts plus directs, lors d’entretien ou de conférences. Je suis dans une phase ou je propose une orientation différente aux réflexions de ceux qui m’écoutent. Cela ne veut pas dire que je suis sûr de ce que j’avance, au contraire, j’explore  une piste de réflexion.

Depuis longtemps, je me dissocie des « contrarians et millénaristes ». Je ne dis pas, cela va péter, exploser, s’effondrer, je dis: Voyons comment cela tient et comment « ils » peuvent encore faire tenir plus longtemps, à quel coût et en faisant payer qui, au détriment de quelles couches sociales.

Bref je pars de l’idée que petit à petit, un nouveau Système se met en place qui permet d’éviter l’effondrement de l’ancien tout en modifiant, dénaturant,  certaines pièces essentielles comme le statut de la monnaie.

Et j’ajoute, ce qui est fondamental, que la peur que la situation suscite est un moyen, pour eux de gagner, de poursuivre leurs œuvres scélérates. Ils font, grâce à la peur, accepter l’inacceptable. Ceux qui entretiennent les peurs sont les complices objectifs des dominants.

Je me suis en quelque sorte spécialisé dans la crise depuis …. 1987 !

Je la suis, je la décortique, je l’analyse depuis très longtemps et ce à quoi je suis sensible, c’est la continuité. Tout ce qui se passe maintenant, vient de loin, de très loin et c’est l’une de mes originalités que de le savoir, de le vivre et de le pratiquer. J’avais l’habitude, avant, de commencer mes articles par un « rappel des chapitres précédents » pour bien montrer que c’était un feuilleton que je développais. Je suis obsédé par l’histoire. Sans l’histoire, on ne comprend rien, on ne prévoit rien.

De la même façon que le pain puis la farine et le blé en herbe dans le champ ne se comprennent que si on a remonté jusqu’au grain de blé, qui pourtant n’était ni le pain, ni la farine ou le blé en herbe, les décisions des gouvernements, le chômage, la destruction de votre patrimoine, l’érosion de vos libertés ne se comprennent que si on remonte à ce qui s’est passé il y à 40 ou 50 ans. Et j’ai une formidable mémoire, mémoire des affaires, de la politique. Donc je trace les liens, je marque les continuités. Dans le cas présent, celui de la crise, les germes sont très anciens, ils remontent aux dérives du financement de la guerre du Viet-Nam et à la fameuse Grande Société, au beurre et les canons de cette époque. C’est à cette époque que l’on a commencé à prendre des libertés avec le Central Banking. Mais je m’égare, je digresse.

Les choses viennent de loin, voilà la base de mon affirmation, elles ne viennent pas de 2006 pic de l’immobilier US, de 2007 premières défaillances symptomatiques ou de 2008, prise de conscience de la crise.  Elles s’inscrivent dans une succession d’autres crises lesquelles ont été de plus en plus rapprochées et traitées de la même manière. Sorte d’apprentissage par essais et erreurs.

Si on me suit, alors on voit la crise d’un autre œil et on se dit; « Diable c’est incroyable, cela dure depuis si longtemps et cela tient toujours»! Ils sont doués. A chaque fois ils réussissent à refaire un tour, à repousser les échéances, à faire croire que c’est reparti.

Déjà, bien avant tous ces épisodes j’étais convaincu que de deux choses l’une, c’est toujours la troisième qui se produit. J’étais convaincu que les gouvernants avaient une capacité extrême à retarder les évènements, à détourner l’attention, à reporter les problèmes sur les autres, sur les peuples. Ce qui explique mon glissement: au lieu de faire comme les autres analystes et commentateurs qui ne cessent de crier au loup, et de prédire la fin du monde, je me pose la question suivante: Comment est-ce que cela tient!? Comment malgré tout ce qui est négatif, malgré tous ces déséquilibres, le Système fait-il pour tenir? C’est un déplacement considérable de l’intérêt et de l’intelligence. Là où les autres critiquent, pontifient et « millénarisent », je cherche à découvrir ce qui fait que le système se reproduit et continue. Je regarde, non ce qui devrait être, mais ce qui est. Et ce qui explique que malgré tous les cris d’orfraie, cela dure.

La caravane continue de passer malgré tous ceux qui aboient et que je considère maintenant comme les idiots utiles; car qu’est-ce qu’un détracteur? C’est quelqu’un qui freine, qui rééquilibre, qui empêche la boule de neige de se former et de rouler, bref qui, fonctionnellement empêche l’emballement. Le détracteur d’un système a pour utilité d’empêcher les excès qui autrement mèneraient ce Système à son paroxysme et donc à sa perte. Le détracteur entretient l’espoir que ce sera autrement et à ce titre il colmate les brèches présentes du Système par l’illusion d’un avenir meilleur.

Si tout le monde avait compris que Bernanke cherchait la hausse du prix des assets pour solvabiliser la finance, tout le monde aurait acheté à tour de bras et poussé les cours jusqu’au ciel. En peu de temps  et non de façon étalée.  La chute du Système se serait faite en sens inverse par l’excès spéculatif! Mais non les détracteurs ont fait leur travail, ils ont laissé les Goldman Sachs se goinfrer. Ils ont eu pour fonction de faire durer, d’étaler. Tout comme les syndicats ont pour fonction de faire durer l’exploitation des salariés en modérant l’appétit des patrons et de l’Etat. C’est le grand secret, tout Système ne survit que grâce à ses détracteurs. Un Système dure par sa dénonciation. Confère les idiots utiles que sont Soral et Dieudonné. A toute médaille pour exister,  il faut un revers.

J’en viens à la contradiction.

Attention je ne parle pas de la contradiction imbécile, de la faute contre l’esprit logique, c’est à dire du penser faux, non je parle de la contradiction en tant que structure d’intelligibilité d’un monde en mouvement, d’un monde qui vit. Je ne parle pas non plus  des apparentes contradictions que l’on rencontre dans la vie courante. Ainsi, dans la vie, ce qui est vrai au niveau de la gestion quotidienne peut être contredit par ce qui est vrai à un autre niveau non quotidien. Pour réussir dans votre travail vous devez connaître et pratiquer les règles du quotidien et faire comme si elles étaient bonnes et éternelles, mais pour réussir votre vie vous devez considérer que ce n’est pas forcément vrai et qu’il vous faut les remettre en question.

La contraction c’est ce qui exprime le réel, ce qui existe, ce qui dure en se transformant. La pensée qui n’utilise pas la contradiction se condamne à ne rien comprendre et n’être que narrative. C’est parce qu’il y a des forces de sens contraires qui agissent que le mouvement existe, que l’histoire est notre lot. Pour reprendre l’exemple du grain de blé, il est, dans son mouvement à la fois grain de blé mais en germe autre chose, il est graine qui plantée va donner le blé du champ. C’est la même chose avec la crise, elle est destruction partielle de quelque chose d’ancien, mais en même temps, et peu à peu autre chose, elle est transition vers autre chose, forcément, car ce n’est pas la fin du monde, l’histoire ne s’arrête pas là, ici. Donc la crise est à la fois ce qu’elle est mais en même temps, ce qu’elle n’est pas, ce vers quoi elle tend. Elle a donc des aspects contradictoires, positifs et négatifs. C’est une gymnastique de pensée indispensable, car sans elle on se condamne à  être du côté des perdants, des serfs, des manants de la nouvelle féodalité. Rien d’étonnant si l’école de la République ne vous enseigne pas à penser la contradiction, elle forme les futurs moutons. 

La pensée qui domine et qui sert à vous dominer, car tout est là, dans la domination, c’est la pensée mécanique, positive. C’est cette pensée qui vous impose de considérer qu’une chose est blanche ou noire, et ainsi vous fait passer à cote du réel qui n’est jamais ni blanc ni noir. La pensée positive est statique, elle est pensée de l’immortel, de l’histoire arrêtée, c’est le « O temps suspend ton vol », la pensée des Maîtres. Non pour eux, mais pour vous. Car eux, ils ont des conseillers qui pensent autrement et plus efficacement. En particulier ils ont intégré le facteur temps ce que vous ne faites en général pas. Ils savent que dans le temps on peut un jour faire ceci et un autre jour, plus tard faire le contraire. Ils connaissent aussi les faiblesses de la mémoire populaire.

Je suis obligé, je juge utile de faire un  détour personnel et vous voudrez bien m’excuser.

L’intellectuel de type académique a le souci d’être cohérent, mais il n’a pas le souci du résultat, d’être confronté au quotidien, à la réalité. En effet, il se risque rarement à la prévision et encore moins à la gestion. Quand il s’y risque, c’est généralement la catastrophe, ce qui fait dire que les théoriciens sont nuls et inutiles.

Ma démarche, tout en étant intellectuelle est au contraire structurellement enracinée dans le réel, la prévision et la gestion. Je pense, j’analyse, je réfléchis pour agir ou conseiller d’agir.

D’origine, je suis analyste financier, économiste, gérant de fortune, journaliste…. pas professeur. Ma contrainte, c’est l’efficacité,  l’adéquation non seulement au réel de ce jour, mais surtout au réel qui va arriver demain et après-demain.  Penser juste, c’est comprendre le présent, pour prendre des dispositions pour demain et ainsi être mieux adapté à ce qui se passera à l’avenir. Il ne s’agit pas d’être brillant ou d’entraîner l’adhésion, il s’agit d’être utile, de servir à quelque chose. Ce n’est pas une position infantile irresponsable comme on en rencontre de plus en plus dans les médias ou chez les pseudos intellectuels, non c’est une position de responsabilité.

Je me sens responsable, je suis responsable de ce que je dis, de ce que j’écris et même de la suite, c’est à dire des réflexions que mes propos engendrent chez ceux qui les écoutent.

La position du journaliste ou de l’intellectuel me semble, superficielle, narcissique même lorsqu’ils sont de bons professionnels.  En fait quand ils écrivent, tout se passe comme si ils disaient à leur mère : « Regarde maman comme j’ai fait un beau caca ». Leur rapport à leur pensée et à leur écriture est de cet ordre, ce n’est pas un rapport au réel. Ils vivent dans un monde de tiers payants, quand ils se trompent ce n’est pas eux qui paient. Cela est particulièrement net quand un de ces malheureux interview une personnalité, ils pensent non pas à la vérité qu’ils vont extraire, mais la seule question qui leur importe « Est ce que j’ai été bon ? ».

Tout ceci pour dire que j’ai l’habitude d’écrire pour et avec une sanction. Et dieu sait si les sanctions du marché financier sont terribles, coûteuses ou profitables. En Bourse si on se trompe, on paie ; si on a raison, on gagne. C’est une rude école.

BRUNO BERTEZ Le Dimanche 23 Novembre 2014 

illustrations et mise en page by THE WOLF

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