Art de la guerre monétaire et économique

Le plan d’action tardif de Moscou/ Contre-spéculation sur le rouble/ Poutine « surpris » que le commerce russe profite aux Etats-Unis et non à l’Europe/La Chine s’engage à aider la Russie à surmonter les difficultés économiques

Le plan d’action tardif de Moscou

Russie. Le rouble se redresse mais les conséquences du pire choc monétaire en 15 ans sont inévitables. Les banques comptent déjà une victime.

Sauvetage d’une grosse banque menacée de faillite, soutien aux compagnies aériennes, restrictions sur les exportations de blé: les autorités russes ont commencé hier à jouer les pompiers face aux conséquences du plongeon du rouble.

Sur le marché des changes, la monnaie russe respire: de nouveau en hausse lundi, elle a désormais effacé son plongeon de la semaine dernière, s’échangeant autour de 67 roubles pour un euro et 55 roubles pour un dollar.

Les niveaux historiques récents, conséquence dramatique d’une année de crise ukrainienne et de chute des cours du pétrole, sont désormais loin. Mais dans l’économie russe, le pire choc monétaire subi par la Russie en 15 ans se fait sentir.

La tempête semble avoir déjà fait une victime de taille: la banque Trust, 29e du pays en termes d’actifs et 15e en termes de dépôts de particuliers, a été mise sous la tutelle d’urgence par la banque centrale pour lui éviter la faillite.

L’établissement présent dans 160 villes, qui avait engagé le célèbre acteur américain Bruce Willis pour ses publicités, va être renfloué à hauteur de 30 milliards de roubles (quelque 430 millions d’euros). Cela devrait éviter toute répercussion pour les clients, en attendant qu’un repreneur soit choisi.

La Banque de Russie, qui a annoncé sa décision à l’issue d’une réunion extraordinaire, ne l’a pas liée ouvertement à la chute du rouble. Mais une source proche de Trust cité par l’agence économique RBK a estimé qu’elle s’était trouvée déstabilisée par la ruée des épargnants vers les devises étrangères ces dernières semaines, à l’origine d’un»important retrait de liquidités».

Le plongeon du rouble intervient à un moment difficile pour la Russie, déjà au bord de la récession, confrontée à une inflation approchant 10% et isolée par la crise ukrainienne.

Les partenaires les plus fidèles de Moscou, qui risquent de subir le contrecoup de ses difficultés économiques, semblent prendre leurs distances, comme le montre la visite à Kiev des présidents bélarusses Alexandre Loukachenko et kazakh Noursoultan Nazarbaïev.

Le gouvernement biélorusse tente d’enrayer la panique qui s’est emparée de la population face à la dévaluation de la monnaie nationale dans le sillage du rouble russe. Les sites d’achat en ligne ont notamment été bloqués.

Les appels du président biélorusse invitant la population à ne pas se précipiter comme des fous pour changer leur argent n’ont pas été entendus. Des queues se sont constituées vendredi devant les banques où les gens cherchaient à retirer le plus possible d’argent liquide afin de sécuriser leur épargne. La population, confrontée à une chute de la moitié de la valeur du rouble biélorusse, étroitement lié au rouble russe, a également cherché à acheter le maximum de produits d’importations, biens d’équipement et électroménager, avant qu’ils ne deviennent inaccessibles.

Le gouvernement a donc pris des mesures très fermes : la taxation à 30% de l’achat des devises étrangères et l’augmentation des taux d’intérêts pour inciter les Biélorusses à laisser leur argent sur leur compte en banque.

Par ailleurs, les autorités ont procédé dimanche au blocage de nombreuses boutiques en ligne pour avoir enfreint l’interdiction d’augmenter les prix ou pour les avoir libellés en dollars. L’accès à des sites d’information indépendants a également été coupé.

Moscou regarde désormais vers Pékin et le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi a assuré que son pays»porterait assistance à la Russie si besoin est».

En attendant cette perspective, certains économistes prédisent une chute de 5% du produit intérieur brut l’année prochaine et une inflation jusqu’à 20%.

Dans ce contexte difficile, le secteur bancaire, avec plus de 800 établissements, est jugé particulièrement vulnérable. Les premières mesures annoncées la semaine dernières par les autorités visent justement à assurer la stabilité financière, avec notamment une recapitalisation du secteur de 1000 milliards de roubles (13 milliards d’euros).

Signe du durcissement dans le secteur, conséquence de la hausse de taux radicale de la banque centrale pour défendre le rouble, la première banque du pays, Sberbank, a relevé lundi les taux de ses crédits immobiliers. Elle a aussi augmenté l’apport minimal exigé et suspendu l’octroi de certains prêts qui ne relevaient pas de son coeur de métier, comme les crédits automobiles.

Peinant à se financer, deux des trois premières compagnies aériennes russes, Transaero et Utair, ont appelé l’Etat au secours, dépassées notamment par l’explosion des paiements des contrats de location-bail des avions. Le gouvernement a aussitôt annoncé accorder des garanties sur crédits et de nouvelles subventions sur les lignes intérieures.

Pour les Russes, l’effet le plus immédiat est dans la valse des étiquettes. Exemple symbolique, le fabricant informatique Apple a appliqué hier sa deuxième hausse en deux mois (+70% au total) des prix de ses iPhone et MacBook appréciés de la classe moyenne des grandes villes.

Les autorités s’inquiètent davantage de la hausse des prix du blé et du pain, paradoxale après une récolte de céréales parmi les plus abondantes jamais vues à 104 millions de tonnes. Mais les agriculteurs ont nettement intérêt à vendre à l’extérieur du pays, en dollars, affamant le marché russe et le gouvernement a décidé des barrières douanières pour réduire les exportations.

En ces temps d’embargo alimentaire contre l’UE, la Russie doit»disposer de réserves minimales qui assurent la sécurité alimentaire», a jugé le Premier ministre Dmitri Medvedev.

Même si l’annonce de cette baisse de l’offre arrive à un moment où le marché mondial est plutôt bien alimenté, elle a eu pour effet immédiat une hausse des cours du blé sur les marchés européens.

Contre-spéculation sur le rouble

23 décembre 2014 Par

La journée de lundi 22 a vu se poursuivre le mouvement à la hausse du rouble. Elle a même été marquée par une spéculation POUR le rouble et CONTRE le dollar américain USD ainsi que le prouvent les mouvements sur le marché des changes. C’est donc à un renversement spectaculaire par rapport à la situation de la semaine dernière que l’on assiste. Ce renversement laisse tout les « experts » qui tels des oiseaux de mauvaise augure ne cessaient de prévoir le pire pour l’économie russe sans voix. Il confirme la confiance que l’on peut avoir dans les fondamentaux de l’économie russe qui restent très sains. Une petite explication de ce qui est survenu aujourd’hui s’impose néanmoins.

La journée commence en effet avec un taux de change de 58 roubles pour 1 USD. Les spéculateurs vendent leurs dollars et achètent massivement du rouble avant l’ouverture de la séance, ce qui fait chuter le taux de change en quelques minutes à 56 r/1USD marquant ainsi une appréciation du rouble. Il remonte après ces achats puis commence à s’apprécier à nouveau et atteint 54,5 roubles pour 1 USD vers 15h. Les spéculateurs vendent alors leurs roubles pour acheter du dollar provoquant une remontée du taux de change vers 56r/1USD mais la demande pour le rouble est telle que cette dépréciation du rouble ne dure pas et il revient, en fin de séance vers les 54r/1USD.

Graphique 1

Mouvements du rouble face au dollar le 22/12

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Ce processus est, bien entendu le résultat de la contre-attaque des autorités depuis mercredi dernier. Il correspond aussi à l’officialisation de l’annonce du soutien de la Banque Centrale de la Chine (la PBOC) qui garantit à la Banque Centrale de Russie, dont les réserves sont déjà importantes (420 milliards de dollars) qu’elle pourra compter sur l’immense masse de manœuvre de la PBOC (dont les réserves sont estimées à 4000 milliards de dollars). Il n’y a très clairement plus d’avenir à une spéculation contre le rouble. Mais, il y a toujours des spéculateurs sur le marché. Ces derniers ont donc décidé de jouer désormais pour le rouble. On peut, et on doit, considérer cela comme un signe positif, mais il faut cependant rappeler plusieurs choses :

  1. Une spéculation pour le rouble signale néanmoins le maintien d’anticipations spéculatives sur le marché des changes. Le calme n’est donc pas encore revenu.
  2. Cette spéculation pour le rouble pourrait entraîner le rouble trop loin. S’il est bon de revenir à un taux de change compris entre 50 et 55 roubles pour 1 USD il ne faudrait pas que le rouble monte au-delà de 50 (peut-être jusqu’à 42-45) car, en ce cas, cela poserait des problèmes fiscaux au gouvernement. Tant que le prix du baril de pétrole restera compris entre 55 USD et 60 USD le taux de change normal pour la rouble se situera entre 50 et 55 roubles pour 1 USD. Pour que le rouble puisse remonter au-delà de 50r/1USD il faudra attendre que le baril de pétrole monte au-delà de 70 USD, ce qui devrait survenir vers mars-avril de 2015.
  3. Le problème risque de se poser avec acuité dès le début du mois de janvier. Les remboursements des entreprises et des banques seront très faibles en janvier par rapport à ce qu’ils étaient en décembre. Les achats de produits importés (en USD) vont se tarir après les fêtes de Noël. Tout se met en place pour une remontée brutale du rouble qui pourrait être aussi déstabilisatrice que sa baisse brutale. Bien sûr, un tel mouvement peut se contrôler par la Banque Centrale qui achètera des dollars (et vendra des roubles). Mais, si ce mécanisme peut lui permettre d’augmenter ses réserves il aboutit à injecter des roubles dans l’économie, et cela en période où l’inflation sera forte.

Ces différents facteurs font que la question d’un possible contrôle des capitaux reste posée aujourd’hui en Russie. Le gouvernement ne veut pas entendre parler du contrôle des changes, et il a très probablement raison dans la situation actuelle. Mais, le contrôle des capitaux revient à laisser le marché des changes fonctionner librement tout en régulant les quantités de capitaux qui, dans un sens ou dans un autre, viennent sur ce marché. D’ailleurs, c’est déjà ce qu’a fait la Banque Centrale de Russie en modifiant temporairement sa réglementation prudentielle pour les banques le 17 décembre afin de limiter leurs besoins en dollars. L’introduction d’une réglementation portant sur les mouvements de capitaux à court terme, à l’entrée comme à la sortie, serait alors une mesure complémentaire aux mesures déjà prises. Le gouvernement dispose de deux à trois semaines pour prendre ces mesures. Elles auraient l’immense avantage de déconnecter le taux d’intérêt du marché des changes. Ceci permettrait de faire baisser le taux d’intérêt à un niveau plus compatible avec l’investissement, c’est à dire en le ramenant vers 10,5% alors qu’il est actuellement de 17%. Sinon, le gouvernement sera contraint, s’il ne veut pas sacrifier l’investissement, d’user de méthodes administratives (comme des subventions d’investissement ou des crédits bonifiés) afin de compenser un taux d’intérêt bien trop élevé.

La Russie a traversé une grave attaque spéculative et semble tirée d’affaires désormais. Mais, ceci ne garantit pas encore un retour à une situation normale. Si le gouvernement veut limiter le choc sur la croissance de cette attaque le plus possible et mettre en place les conditions qui permettront à l’activité de se développer en profitant des avantage d’une large dépréciation du rouble qui redonne à l’économie sa compétitivité, il doit impérativement agir de manière décisive dans les semaines qui viennent.

http://russeurope.hypotheses.org/3185

Poutine « surpris » que le commerce russe profite aux Etats-Unis et non à l’Europe…

Poutine surpris que le commerce russe profite aux Etats-Unis et non à l'Europe

Vladimir Poutine n’a pas boudé son plaisir ce lundi en envoyant une nouvelle « pique » aux Européens. Le président russe a ainsi feint l’étonnement en annonçant que si le commerce entre la Russie et l’Union Européenne avait bien baissé sous l’effet des sanctions, celui avec les Etats-Unis avait au contraire augmenté.

« Lorsque j’ai regardé les statistiques aujourd’hui, certaines choses m’ont surpris », a déclaré l’homme fort de la Russie avant de préciser : « Les échanges commerciaux avec l’Union européenne ont chuté de 4,3% et les importations ont aussi diminué de l’ordre de 7-8-10 % selon les pays ».

Les importations en provenance des Etats-Unis : +23%

Vladimir Poutine a indiqué que la situation continuait à se « dégrader » avec l’Allemagne, l’un de ses principaux partenaires en Europe. A l’inverse, les échanges commerciaux auraient augmenté de 7% entre la Russie et les Etats-Unis, selon le président russe. Les importations en provenance des Etats-Unis auraient même augmenté de 23%.

Le Kremlin semble insinuer que les Européens sont les grands perdants de la crise ukrainienne et des sanctions qui frappent la Russie, et ce au profit des Etats-Unis. Ceux-là même qui ont soutenu Bruxelles, d’après les Russes, dans la surenchère des sanctions commerciales à l’encontre de Moscou… »

La Tribune.fr, le 22 décembre 2014

VIA

http://olivierdemeulenaere.wordpress.com/2014/12/23/poutine-surpris-que-le-commerce-russe-profite-aux-etats-unis-et-non-a-leurope/

La Chine s’engage à aider la Russie à surmonter les difficultés économiques

 Au vu des incidences de l’attaque menée contre le rouble et l’économie russe, la Chine a plusieurs options, elle prend ses distances mais ce serait à courte vue étant donné que la première économie du monde sait bien qu’elle est visée… La Chine va être prudente et les mesures concernant l’encadrement des métaux précieux et de l’Or pris par les Etats-Unis sont destinées à l’inciter à ne pas tabler sur les réserves d’or russes et donc à vendre du rouble ou ne pas en acheter. (Danielle Bleitrach)
 
Russia's President Vladimir Putin (L) and his Chinese counterpart Xi Jinping. (AFP Photo/How Hwee Young)

Le Président Vladimir Poutine (L de la Russie) et son homologue chinois Xi Jinping. (AFP Photo/comment Hwee Young)

Le Ministre des affaires étrangères de la Chine a promis le soutien à la Russie car celle-ci est  confrontée à un ralentissement économique en raison des sanctions et une baisse des prix du pétrole. Stimuler les échanges d’yuan est une solution proposée par le ministre du commerce de Pékin.

« La Russie a la capacité et la sagesse pour surmonter les difficultés actuelles dans la situation économique, » a déclaré aux journalistes le  ministre des affaires étrangères Wang Yi , propos que China Daily a rapporté lundi. «Si la partie russe a besoin de nous, nous fournirons l’assistance nécessaire au prorata de notre capacité.«

La demande d’aide intervient alors que les russes sont encore sous le choc du pire accident subi par le  rouble depuis des années, mardi dernier, quand il perdu plus de 20 pour cent contre le dollar US et l’euro. La monnaie russe a rebondi le lendemain, mais il a tout de même perdu  près de la moitié de sa valeur  depuis mars. 

Dans sa conférence de presse annuelle fin de l’année jeudi, Vladimir Putin a reconnu  que le rouble a dégringolé ainsi que le prix du pétrole et  a estimée que les   sanctions occidentales entraient  pour 25 à 30 % de la crise économique russe. Toutefois, les prévisions économiques du Président sont que la crise ne sera pas un durable.

Ministre chinois du Commerce Gao Hucheng proposé samedi d’étendre l’utilisation du yuan dans le commerce avec la Russie.

Reuters/Carlos Barria

Reuters/Carlos Barria

Il dit que l’utilisation de la monnaie chinoise a augmenté depuis plusieurs années, mais les sanctions occidentales sur la Russie ont accéléré  la tendance  Reuters citant Phoenix TV de Hong Kong .

GAO a déclaré  que le commerce cette année entre la Chine et la Russie pourrait atteindre $ 100 milliards, environ 10 % de croissance par rapport à l’année précédente. 

 On  ne s’attend pas à ce que la coopération sur l’énergie et la fabrication des projets avec la Russie puissse être grandement affectés par la crise actuelle, a déclaré le ministre.

« Beaucoup de chinois ont toujours vu la Russie  comme le grand frère,  et les deux pays sont stratégiquement importants d’une manière réciproque, » Jin Canrong, doyen associé de la School of International Studies à l’Université Renmin de Pékin, a déclaré à Bloomberg. «Pour le bien des intérêts nationaux, la Chine devrait approfondir la coopération avec la Russie lorsqu’une telle coopération est nécessaire.»

Gazprom’s Power of Siberia pipeline – to deliver 4 trillion cubic meters of gas to China over 30 years – construction commencing September 2014. (RIA Novosti/Aleksey Nikolskyi)

Pipeline de puissance de Sibérie de Gazprom – d’offrir 4 billions de mètres cubes de gaz en Chine plus de 30 ans – construction commençant septembre 2014. (RIA Novosti/Aleksey Druginyn)

La Chine cherche de plus en plus à avancer sa propre monnaie pour contester la domination du dollar sur le marché international.

Et Pékin n’est pas seul pour tenter de contrer l’influence des institutions prêteuses basé dans l’Ouest et de la monnaie américaine.

BRIC, le groupe d’économies émergentes qui comprend le Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, représentent un cinquième de la production économique mondiale, a poursuivi le même objectif. Les cinq nations ont convenu en juillet d’augmenter les échanges mutuels de monnaies locales et également de créer une banque de développement du BRIC avec investissement équivalent à $ 100 milliards comme alternative à la Banque mondiale sous contrôle occidental.

  http://rt.com/news/216563-china-russia-economic-hardships/

1 réponse »

  1. Tout va bien,
    La Chine veut a tout prix se débarrasser de son stock de $, et la Russie en a besoin…
    L’affaire va être vite conclue hors la vue des US

Répondre à pougatchofAnnuler la réponse.

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