Site icon Le blog A Lupus un regard hagard sur Lécocomics et ses finances

Les Clefs pour Comprendre du Lundi 26 Janvier 2015: La dette, mémoire de l’économie, le devoir d’oubli Par Bruno Bertez

Publicités

Les Clefs pour Comprendre du Lundi 26 Janvier 2015: La dette, mémoire de l’économie, le devoir d’oubli Par Bruno Bertez

Avant-Propos

Le présent article date dans sa première version du début 2013 ; il n’a jamais été publié. En effet je considérais que tout en étant intemporel- à certains ajustements près- il valait mieux attendre que la question des répudiations, moratoires, restructurations, allègements de dettes se pose. La voie choisie en Europe, après celle de l’exemple américain, consiste à faire le contraire : au lieu d’alléger le fardeau des dettes, on l’alourdit. On l’alourdit pour le long terme tout en faisant semblant de l’alléger sur le court terme grâce aux taux d’intérêt zéro ou négatifs, grâce aux quantitative Easing, c’est à dire achats de dettes par les Banques Centrales. La masse de dettes dans le Système ne cesse de croitre, elle galope. Pas de ralentissement et encore moins de retour en arrière. La Grèce est depuis le premier jour, un cas d’école.

Depuis le premier jour, compte tenu de l’expérience historique des crises précédentes de surendettement, et de leur répétition accélérée, je soutiens l’idée d’une grande restructuration négociée, pas sauvage, des dettes. Si on se refuse à le faire, alors ce sera soit le chaos, soit le laminage des 99%. Il n’y a pas d’issue autre que la logique : on ne sort pas d’une crise de trop de dettes en en ajoutant.

Je n’ai pas actualisé l’article car il est destiné à alimenter la réflexion et cette réflexion n’a rien à gagner à l’actualisation.

 Les pays développés sont, pour la plupart, non solvables. Depuis 5 ans, les Banques Centrales, tel Atlas, tiennent le monde à bout de bras. Les taux d’intérêt sont au plancher, à zéro, les bilans des instituts d’émission sont hyperinflatés. Une évidence s’impose peu à peu, il est impossible d’arrêter le manège des politiques monétaires non-conventionnelles. Cette prise de conscience peut s’accélérer, l’illusion que les solutions monétaires sont efficaces s’évanouit peu à peu, alors qu’aucune politique de rechange n’est proposée. Il viendra un temps où les yeux se décilleront; soit la confiance disparaitra, soit on passera à des mesures encore moins conventionnelles. Il viendra un temps où la demande de monnaie, clef de voute de tout l’édifice de soutien, fléchira, les taux commenceront à monter, les solutions antérieures seront à la fois discréditées et impuissantes.

Alors, on se retournera, là où on aurait dû regarder en premier, c’est à dire du côté des politiques.

Ce sera leur tour, face aux risques sociaux, de prendre le relais et de faire sauter les blocages, les contraintes qui s’opposent à la marche en avant des économies. Le blocage, c’est la Dette.

Les travaux les plus crédibles indiquent que la mémoire économique des individus et des marchés se limite à 2 ans. Hélas, les erreurs et fautes de gestion produisent des conséquences qui, malheureusement, durent plus longtemps. La faible durée de vie de la mémoire économique jointe au vice  court-termiste, l’immédiatisme  des démocraties font que, bien souvent, quand on a traité un problème, on a depuis fort longtemps  les causes. Quand le problème est constitué par l’excès de dettes, cependant, la cause ne disparaît pas, elle s’accumule, s’auto-reproduit, prospère, si on ose dire. En effet, la dette se loge dans un bilan qui devient un boulet. La mémoire de l’économie, c’est le stock de dettes.

En 2008, nous vous le rappelons, il y a eu une terrible crise. Crise financière, suivie de crise bancaire, puis crise économique. Les autorités ont fourni du capital aux banques, effondré les taux d’intérêt, ouvert les vannes monétaires, acheté les créances pourries du système, modifié les règles comptables pour masquer les faillites ; aux USA en plus, on a nationalisé le financement du logement. Le sens général du traitement des crises a été :

1)      Transfert des problèmes sur les Etats,

2)      Transfert des problèmes sur les Banques Centrales,       

3)     Monétisation, création de monnaie pour payer le tout.

La dépression a été évitée. Elle l’a été au prix d’un endettement plus colossal, d’une inflation monétaire historiquement exceptionnelle. Le boulet de la dette étant encore plus pesant qu’avant 2008, c’est tout à fait normalement que, 5 ans après, malgré l’épuisement de tous les artifices, on constate que la croissance ne repart pas, que le rendement des stimuli chute, que le chômage, au-delà des artifices, ne se résorbe pas.  En revanche, les systèmes sociaux tanguent. Les fondements de nos sociétés sont ébranlés, la légitimité de notre ordre social est contestée.

Au niveau international, les fissures se creusent : redomestication des dettes et créances, dévaluations plus ou moins compétitives, renaissance de l’esprit mercantiliste, tendances à la désintégration des blocs économiques plutôt que poursuite de l’intégration. On s’éloigne des valeurs de marché, la force, le dirigisme, voire la coercition  les remplacent.

Les tentatives de sortir des politiques non-conventionnelles mises en place depuis le début de la crise ont, jusqu’à présent avorté, et finalement, plus personne ne sait très comment éviter une rechute. On attend, on espère … au prix de risques sans cesse croissants.

Faute de reprendre le problème là où on l’a laissé, la situation va perdurer et s’aggraver. Tout a commencé avec la dette, il faut repartir de la dette.

Nous sommes pour la répudiation des dettes. Nous le répétons assez pour que vous l’ayez compris. Cette position fait que rien, dans notre analyse, n’est semblable à ce que disent les autres,  analystes  y compris, ceux qui sont,  comme nous, apôtres de la liberté. Notre position repose, non pas sur une conviction, mais sur une certitude: les dettes accumulées, les promesses enracinées dans le système ne peuvent être tenues. Si la destruction est inévitable, alors autant qu’elle soit pilotée, qu’elle soit sélective et, enfin, qu’elle soit morale. Tel est notre credo.

Le système ne peut honorer les dettes des Etats, des banques, de la protection sociale -qui galopent-,  des retraites -qui galopent-, des soins de santé -qui galopent-, des systèmes éducatifs -qui galopent-, et, en même temps, faire les investissements nécessaires à la production de richesses et à la création d’emplois. Faute de pouvoir faire tout cela nos systèmes sacrifient l’essentiel au profit du plus facile, ce faisant ils perdent leur légitimité.

Ce n’est pas une conviction, disons-nous, mais une certitude.  L’euthanasie des dettes est inéluctable. Incontournable, comme deux et deux font quatre. Cette euthanasie se fera, dans tous les cas, et donc les questions qui se posent sont celles de savoir : 1) qui va payer, qui va être ruiné 2) quand cela va-t-il se passer 3) est-ce que cela est moral. Car l’économie, contrairement à ce que prônent certains, ne se réduit pas à des équations, à des théories; l’économie, ce sont des hommes, des corps sociaux, qui ont leurs exigences.

Voilà un vaste et beau débat, vrai débat de société, vrai débat politique, qui devrait occuper les élites de nos pays. Plutôt que le sexe, non pas des anges mais des homosexuels, et la question de savoir s’ils peuvent se reproduire et créer filiations et dynasties.

Les gouvernements ont accumulé déficits et dettes au cours des trente dernières années parce que le système monétaire a supprimé toute limite à l’émission de monnaie et de crédit. Caressez un cercle et il devient vicieux, c’est ce qui s’est passé dans le cercle des politiciens/Banques Centrales/banques universelles.

Les gouvernements ont voulu :

La masse de crédit s’est transformée en masse de dettes, stock de dettes, qui constituent un fardeau qui pèse sur les activités productives, sur les contribuables, au profit des classes non-productives, proches de l’Etat, classes parasites qui détiennent le pouvoir de nuisance.

Le crédit est maintenant monétisé, c’est à dire permis par le « printing », la planche à billets, les QE, sous toutes leurs formes. C’est dire si la dérive est déjà fort avancée.

Le système est devenu instable, enclin à la spéculation. C’est notre analyse  du système soumis au trouble bipolaire. L’allocation des ressources est faussée, les réserves pour l’avenir, l’épargne, sont gaspillées, détournées de leurs usages normaux de prévoyance et d’équipement. Les fondements mêmes de nos sociétés sont consumés, on vend l’argenterie de la famille.

L’inégalité a atteint, puis dépassé les limites du supportable, le sentiment d’injustice se répand, le système se mine en profondeur par destruction de sa légitimité. C’est tout l’ordre social qui devient, de proche en proche, contesté. Les groupes et les gens se dressent les uns contre les autres. Plus d’unité, plus de consensus, tout vole en éclats.

La catastrophe peut encore se faire attendre longtemps car les subterfuges restent nombreux à utiliser. Plus, cependant, on attendra, et plus les dégâts seront importants. In fine, ce qui va être mis en cause, c’est la monnaie. Les monnaies. La confiance ultime.

La fuite en avant, avec sa conséquence, l’aggravation du mal, est permise par la relativité généralisée des valeurs. Par le désarrimage du monde réel et de l’imaginaire social permis par les théories marginalistes et la modernité mal assimilées. On croit qu’il suffit de susciter des désirs, de créer de la monnaie, de faire monter les prix et les cours des assets/collatéraux  pour créer de la valeur. Nous vivons dans un monde où on croit que lorsque le manager fait monter le cours de bourse, il crée de la valeur! C’est l’imbécillité suprême qui confond l’ombre et le corps, le cours du blé avec la farine qui sert à faire le pain. On peut enfler toutes les valeurs, tous les prix du monde, cela ne sera jamais qu’un réaménagement des transats sur le pont du Titanic.

Le réel, au-delà d’un soubresaut spéculatif, reste ce qu’il est : rare. La masse de dettes croît, les valeurs enflent, mais le sous-jacent, le réel, reste ce qu’il est,  en jachère, en friche. Les richesses sont produites par l’activité productive, pas par la demande, le désir, l’exigence des uns et la planche à billets des autres.

Les solutions actuelles sont de l’ordre de l’imaginaire et elles ne passent pour effectives que par la magie des marchés, eux-mêmes lieux d’imaginaire, et les propagandes, manipulations d’imaginaire.

Les solutions actuelles sont celles des psychiatres  de l’asile,  plus fous que leurs malades. Tout se joue, c’est le vrai mot, dans une sphère close où ils ne trouvent que ce qu’ils y mettent, ce que les parois leur renvoient. C’est ce que, souvent, nous appelons leur névrose.

La science économique imparfaite, mais ancrée dans le réel, dans son imperfection, a été évacuée, détruite, au profit de tautologies, autant de grands-messes. La pensée conceptuelle, celle qui croit encore aux causes et à la vérité a été défaite au profit des modèles, des corrélations qui, et nos idiots ne s’en aperçoivent même pas, ne font que restituer en miroir ce que l’on y a introduit. Sans pouvoir explicatif, sans pouvoir de prédictif, sans pouvoir d’action. Le système s’est doté d’une caste de grands prêtres qui attire à elle les richesses en détruisant celles du monde réel. L’économie pervertie par la disparition de la vraie pensée et son glissement dans le monde ténébreux de la finance, l’économie est devenue un outil, une arme de destruction massive.

Il y a deux grands types de dettes :

Il y a les dettes privées et les dettes publiques.

Il faut répudier les dettes publiques et maintenir le principe de remboursement de dettes privées.

Pourquoi faut-il maintenir le principe de remboursement de dettes privées? Pour que la liberté et la morale soient sauves. Une dette privée est un contrat que les gens concluent librement, ils sont responsables. Et il faut maintenir ce principe de responsabilité. Si on ne le fait pas, nos sociétés ne tiennent pas debout, elles perdent leur supports fondamentaux. Et il y a un lien irréductible, organique, entre responsabilité et liberté. Ceux qui se sont endettés et qui ont la dignité humaine, ont eu le choix et ils doivent supporter les conséquences de leurs choix.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas les aider, mais il faut que le principe de responsabilité à l’égard de sa signature, de sa parole, de son contrat, soit préservé. Tout le monde n’est pas moral, mais il faut maintenir la dimension éthique de nos sociétés. Différentes modalités d’aide, par exemple aux endettés hypothécaires, peuvent être mises en place avec, et c’est important, un intéressement futur à la valorisation des biens sous-jacents à la dette, au profit de la collectivité.

Cela a été fait il y a longtemps aux Etats-Unis avec succès. Il ne doit pas y avoir d’enrichissement tombé du ciel, sans cause, c’est à dire sur le dos des autres. Tout ce qu’une personne reçoit et qu’elle n’a pas gagné est pris à quelqu’un d’autre.

S’agissant des dettes publiques, il faut tout de suite remarquer qu’elles n’ont pas de rapport avec les dettes privées. Ceux qui ont prêté de l’argent aux Etats et à leurs agences ont choisi de le faire, ils ont pris un risque, le risque d’insolvabilité. Le risque se concrétise, ils perdent, et bien, ce n’est que normal, sinon juste. Pourquoi ceux qui ont choisi librement de prêter de l’argent au gouvernement  moyennant une rémunération qui incluait une prime de risque, pourquoi ceux-là seraient-ils protégés?  Pourquoi l’ensemble de la collectivité, les contribuables présents et futurs, ceux qui ne sont pas encore nés, pourquoi devraient-ils payer à leur place?  N’est-il pas plus efficace, juste, moral, que ceux qui ont choisi de prêter paient plutôt que ceux qui n’ont pas choisi? Les générations futures ne sont pas parties au contrat, les faire payer repose sur la violence, la violence et le mensonge d’Etat.

Quand les créanciers du gouvernement lui ont prêté de l’argent, en fait, ils ont conclu, en toute vérité et en toute morale, un contrat immoral. Eh oui, immoral. Ils savaient que l’Etat n’est rien, que les ressources qu’il promet, il ne les a pas. Le gouvernement s’engage dans des dépenses dont il bénéficie en termes électoraux, mais payées à crédit et garanties… par des tiers payants qui, souvent,  ne sont pas encore nés. Le contrat est vicié et les deux parties le savent, tous deux sont de mauvaise foi. Si on se reporte à l’histoire des relations entre les banquiers du roi et le roi lui-même, ce phénomène de l’immoralité du contrat apparaît nettement. Et l’usage de la violence qui en découle aussi.

Le gouvernement s’engage pour lui,  à la rigueur, mais il ne peut s’engager pour celui qui va lui succéder et encore moins pour la collectivité des citoyens et contribuables qui va élire un autre gouvernement dans 10 ans, dans 15 ans. Le prêteur fait un pari, il perd le pari, il paie. S’agissant du risque politique, dans nos sociétés, il est et sera toujours présent, nos sociétés sont mortelles. On le comprend dans le cas des pays en développement, mais nous sommes tous, toujours, en développement, en situation de transition, de progrès. Les pays, les sociétés, sont vivants.

Et que l’on ne vienne pas nous parler de la soi-disant fameuse tarte à la crème de la continuité de l’Etat, car quand cela arrange les gouvernements, les politiciens, le principe de continuité est bafoué.  Les gouvernements nient la continuité de l’Etat par les lois fiscales, par les rétroactivités de plus en plus généralisées. Et surtout par les exonérations de responsabilités, le principe de base qui commande la gestion des politiciens, c’est: «ce n’est pas moi, c’est l’autre».

Tout cela n’est rien que bon sens et morale.

La dette publique n’est pas une dette dont la nature contractuelle est comparable à celle des dettes privées. Dès sa concrétisation, le contrat de dette public est vicié, il engage des contractants cyniques, profiteurs, qui n’ont pas qualité pour signer un contrat qui engage des tiers et l’avenir de tiers non encore nés. C’est un contrat, non pas de contractants qui ont le pouvoir honnête de s’engager, non,  c’est un contrat de pillage, de partage illicite de butin, un contrat qui régit une association de malfaiteurs, de profiteurs.

Intuitivement, les citoyens ressentent tout cela, même s’ils n’ont pas la capacité à le formuler. Ils vivent l’injustice et c’est ce qui les aigrit, les révolte C’est ce qui mine le corps social et dresse les uns contre les autres, et, peu à peu, tous contre la classe politique et les institutions, La confusion entre l’injustice et l’immoralité d’un côté et la lutte des classes de l’autre donne des arguments à ceux qui disent que le système est mauvais, qu’il faut en changer. Le refus d’une opération « Jubilé »,  telle que l’on en faisait da ns les temps anciens avec sagesse, est la plus grosse erreur de nos élites.

Ce refus pointe leurs complicités, pointe leur incapacité à penser en termes d’intérêt public authentique. Arque-boutés pour soutenir le passif, la mémoire du système, ils en oublient l’actif, l’éducation, l’investissement, la vie ;  bref, ils sacrifient l’avenir.

BRUNO BERTEZ Le Lundi 26 Janvier 2015 

illustrations et mise en page by THE WOLF

EN BANDE SON 

NI PUB, NI SPONSOR, NI SUBVENTION, SEULEMENT VOUS ET NOUS….SOUTENEZ CE BLOG FAITES UN DON

Quitter la version mobile