Depuis cet été, on lit que l’Arabie saoudite est au bord du gouffre, ayant pitoyablement perdu son pari face à l’industrie du pétrole de schiste américain. Qui, elle, se porterait à merveille. La réalité est loin d’être aussi hollywoodienne. Alors, qui a coulé qui? Qui va mourir en premier?
Le bras de fer a commencé quand les Etats-Unis ont doublé le royaume wahhabite pour devenir le premier producteur mondial de pétrole. En novembre 2014, Riyad a alors laissé chuter le baril de 115 à 48 dollars (-58%), dans l’espoir affiché de couler le pétrole de schiste américain, bien plus coûteux à l’extraction que le brut saoudien.
C’est alors que les rapports alarmistes se sont multipliés au sujet de l’Arabie saoudite, qui s’apprêterait à mourir bien avant le frackingaméricain. La chute des prix menacerait d’épuiser les réserves du royaume d’ici à cinq ans, alors que son déficit budgétaire est proche de 20% du PIB.
Trois fois moins d’acteurs dans le schiste
Soit. Mais comment Riyad, qui a supporté un baril autour des 20 dollars dans les années 1990, puis autour des 50 dollars de 1986 à 2004, ne supporterait plus un an et demi de pétrole à 50 dollars? Et pourquoi ses réserves s’épuiseraient si vite alors que sa production est rentable dès 5-6 dollars le baril? Info ou intox?
Un peu des deux. En réalité, l’Arabie est bien en difficulté car elle aurait besoin d’un baril de plus de 100 dollars pour équilibrer son budget, qui dépend à 90% de l’or noir, car le pays s’est littéralement ruiné en dépenses sociales et militaires folles sur l’année écoulée. Le prix de la fin de la protection américaine…
Les pourfendeurs de Riyad vont toutefois vite en besogne lorsqu’ils clament en parallèle que l’industrie du schiste américain, elle, triomphe. Le volume de fracking aux Etats-Unis a chuté cette année de 40% et la moitié des capacités disponibles sont inutilisées. Le nombre de plateformes a dégringolé de 2000 à 800 en douze mois. Nombre de sites sont désertés.
Jusqu’au printemps, la production américaine augmentait (pic de 9,6 millions de barils/jour en juin), mais depuis, elle décline et devrait tomber à 8,9 millions en 2016. La moitié des 41 sociétés de fracking auront probablement disparu fin 2015. Le nombre d’acteurs aura été divisé par trois en deux ans. Les géants du secteur ont supprimé 55 000 postes.
Reste le débat sur le seuil de rentabilité du pétrole de schiste, qui serait devenu viable aux prix actuels. Rien n’est moins sûr. L’an dernier, le shalen’était rentable qu’à plus de 110 dollars le baril, affirmait l’IEA; on lit à présent qu’il serait rentable à 40-50 dollars, ayant divisé par deux ses coûts de production grâce à l’essor ultrarapide des technologies d’extraction.
La réponse est que ce seuil varie fortement en fonction des puits et de leur mix pétrole-gaz, des coûts de transport et des techniques d’ingénierie considérées. Et qu’il se situe, au mieux, à 65-70 dollars le baril, si l’on en croit les leaders de l’industrie.
En attendant, la dette du secteur atteint 250 milliards aux Etats-Unis, et sa détérioration annonce une poursuite des faillites et des ventes. Preuve que la guerre de l’information fait rage, l’OPEP a fortement insinué dans son rapport du 14 septembre qu’elle avait enterré le shale américain.
Alors, qui est mort? Ni l’un ni l’autre. Le shale et les cheikhs sont en mode de survie. Il n’y aura pas de place pour tout le monde. L’Arabie s’en sortirait en diversifiant au plus vite son économie. Le pétrole américain ressusciterait si le baril remontait à 60-70 dollars. Technologiquement, l’avenir est de son côté. Mais la faible croissance mondiale et la multiplication des producteurs n’aideront pas à faire redémarrer la demande. Le pacte des pétrodollars, lui, est bien mort.
http://www.bilan.ch/myret-zaki/redaction-bilan/usa-arabie-a-tue
Le gambit perdu des Seoud
31 Octobre 2015 , Rédigé par Observatus geopoliticus Chroniques du Grand Jeu
Aux échecs, un gambit est le sacrifice volontaire d’un pion à l’ouverture dans le but d’obtenir un avantage stratégique par la suite. Bien réalisé, il met l’adversaire en position très inconfortable pendant une dizaine de coups voire plus. C’est toutefois une arme à double tranchant qui peut se retourner très vite contre son promoteur si le défenseur joue finement. Les Saoudiens l’ont tenté et se disent maintenant qu’ils auraient peut-être dû y réfléchir à deux fois avant de défier les maîtres en la matière que sont les Russes et les Iraniens.
Retour en arrière… A la mi-2014, l’Arabie Saoudite était en relative position de force. Assad commençait à reperdre du terrain face aux djihadistes sunnites soutenus par Riyad et Doha, et l’espoir renaissait de voir les pipelines qatari d’abord, saoudien ensuite, traverser la Syrie pour rejoindre la Turquie et le marché de consommation européen.
L’arc chiite allait être brisé, l’Iran contenu, la Russie énergétiquement marginalisée… Certes, les discussions sur le nucléaire iranien inquiétait les cheikhs grassouillets (quelle mouche avait donc piqué Obama ?) mais le royaume wahhabite pouvait voir l’avenir avec un relatif optimisme. Patatras…
29 juin 2014 : l’Etat Islamique, dont la progression est stoppée, proclame le califat sur les territoires qu’il contrôle. Pour l’Arabie, gardienne des lieux saint de l’islam, c’est un casus belli, non pas idéologique (les décapitations et atteintes aux droits de l’homme saoudiennes n’ont rien à envier à celle de l’EI), mais symbolique et stratégique. Comment ?! Nos créatures nous échappent, une fois de plus…
14 juillet 2014 : l’accord sur le nucléaire iranien est signé à Vienne, provoquant la fureur des adversaires de Téhéran (et alliés des Etats-Unis dans la région) : nos petits cheikhs wahhabites mais aussi Israël. Les sanctions contre l’Iran seront graduellement levées, ouvrant la porte au renouveau perse au Moyen-Orient. Les câbles Wikileaks ont montré l’invraisemblable paranoïa des dirigeants saoudiens vis-à-vis de Téhéran.
19 septembre 2014 : au Yémen voisin, la rébellion chiite des Houthis attaque la capitale Sanaa et lance sa grande offensive qui culminera avec la conquête de la moitié du pays. L’Iran est-il derrière le soulèvement ? A Riyad, c’est en tout cas la panique. Quoi ?! Des mécréants chiites à nos frontières, presque chez nous… Les pétromonarchies se lanceront dans une opération meurtrière pour la population civile, s’amusant aussi à bombarder des hôpitaux de MSF… Par contre, sur le plan militaire, l’avance de la coalition pétromonarchique en est au point mort et l’intervention se transforme lentement mais sûrement en bourbier, ce que nous prévoyions déjà au mois d’août.
Syrak, Iran, Yémen : le bel édifice saoudien, château de sable, s’écroulait en trois mois. C’est alors que Riyad joua son va-tout, son gambit du roi. Le plan était simple, pour ne pas dire simplet : ouvrir les vannes de l’or noir (sa seule ressource) pour faire drastiquement baisser les cours du pétrole. Pays visés : l’Iran (l’ennemi de toujours), la Russie (qui soutient mordicus Assad) et les Etats-Unis (dont la “trahison” sur le dossier du nucléaire iranien est mal passée).
Un an après, où en est-on ? Le schiste américain a certes senti passer la douleur, mais les autres ? Sous sanction depuis des dizaines d’années, Téhéran en a vu d’autres et ne va pas changer sa politique pour si peu ; les Iraniens ont au contraire encore accru leur aide à Assad et participent maintenant aux combats en Syrie ! De plus, la levée des sanctions internationales se profile à l’horizon (fin 2015-début 2016 d’après les dernières infos). Quant à l’ours russe, il se marre carrément, a dépassé l’Arabie Saoudite en tant que principal fournisseur de la Chine et, pied de nez aux wahhabites, envoie ses Sukhois dans le ciel syrien bombarder les petits protégés de Riyad.
La principale victime du gambit saoudien est en fait… l’Arabie Saoudite elle-même ! Les réserves sont en chute libre (pour l’anecdote, Standart&Poors vient de dégrader la note saoudienne) et le FMI ne lui donne que 5 ans à ce rythme. Le coup de poker s’est transformé en pathétique harakiri mettant en jeu la survie même du royaume des Seoud.
http://chroniquesdugrandjeu.over-blog.com/2015/10/le-gambit-perdu-des-saoudiens.html
EN BANDE SON :
Comment un petit pays comme l’Arabie complètement dépendant des Américains pourrait se permettre d’agir sans l’aval des US. Je pense que cette stratégie de baisse du pétrole a d’autre objectif économique et géostratégique. Pour le prix du pétrole, il ne faut pas oublier que le marché noir en lybie en syrie et en irak ne peut que faire baisser les prix si a cela on rajoute l’ouverture de l’iran et la baisse de consommation. Le scénario évoqué n’as aucun sens. De plus les US aident l’arabie a coloniser le moyen orient. Par contre comme aux échecs il faut parfois sacrifier un pion pour mettre a mal son adversaire. Dans cette histoire tout les producteur de pétrole on perdu par contre le dollar lui en a bien profité. Donc même si les producteurs de schiste on bu la tasse. Le gouvernement US a vue son dollar gagner 60% et les 800 de réserve Arabe en on fait autant. Donc cette analyse n’est rien d’autre qu’une pure fiction si y on ajoute que la russie elle a perdu pas mal et as du baisser sa devise pour équilibrer ses comptes et au passage racheté a bas prix beaucoup d’actif détenu a l’étranger. Certes il y aura bien un moment ou les relations US/Arabie risque de foirer. C’est lorsque l’arabie va demander a l’oncle Sam de faire monter le pétrole et qui celui ci va lui dire niet 🙂 :).
Allé une petite info pour la route.
http://lesakerfrancophone.net/quel-est-le-gros-marche-passe-entre-la-russie-et-la-maison-des-saoud/
la logique c’est : SI OU ET DONC OR NI CAR :):)