Art de la guerre monétaire et économique

Farce du shutdown : Trump entre scénario vénézuélien et sursaut gaullien

À entendre la presse, il semble que, dans l’affaire du shutdown, l’establishment tout entier ait permis à madame Nancy Pelosi (Speaker de la Chambre) et monsieur Schumer (chef de la minorité démocrate du Sénat) de devenir de facto la présidente et le vice-président des États-Unis. Deux membres du « club », il va de soi. Après tout, le pays de la liberté a déjà choisi le chef de l’opposition du Venezuela pour président intérimaire contre son président élu Maduro, jugé illégitime, c’est-à-dire non conforme à la doxa mondiale. Alors, pourquoi ne pas sortir Trump ?

Les croyants diront que Trump est un brillant stratège, un génie qui fait mine de s’agenouiller avant sa proclamation de l’état d’urgence, héritée du chaos migratoire provoqué par l’actuel coup d’État américain à Caracas (exil de millions de réfugiés que les actuels systèmes de contrôle américains aux frontières ne pourront stopper), ou, mieux encore, avant le rapatriement dare-dare au Proche-Orient des armées basées en Corée du Sud (d’où les discussion avec le prince nord-coréen) en prévision d’un Armageddon iranien à organiser avec son ami Netanyahou. Le peuple suivra alors…

Ses détracteurs pensent que Pelosi, Schumer et l’establishment républicain l’ont déjà radié des livres, puisqu’ils se comportent déjà avec lui comme avec un cadre en préavis de licenciement sans plus aucune pertinence au sein du système. Il est vrai qu’avec l’affaire du shutdown, Trump avait commencé à provoquer des cassures chez les élus démocrates. L’on craignait même (dans l’establishment) que la « résolution Trump » sur la fin du shutdown et le mur n’eût rassemblé les soixante votes nécessaires au Sénat pour, ensuite, passer dans la Chambre et y créer la zizanie, forçant la main à Pelosi.

Mais, tout comme, avant les dernières législatives, les colis menaçants envoyés aux médias et à George Soros ainsi que l’attentat dans une synagogue, les mauvaises coïncidences des fausses révélations de Buzzfeed (Trump incitant son Cohen à se parjurer) et de l’affaire Covington (qui, en dépit des rétractations a continué son parcours médiatique comme si de rien n’était) ont suffisamment intimidé les sénateurs démocrates pour qu’ils ne fassent pas défection. D’autant que le mot avait déjà dû passer selon lequel Roger Stone (l’homme des « basses œuvres » électorales de Trump) allait bientôt être arrêté – ce qui est arrivé ce vendredi. Bref, pourquoi se rallier quand ça sent le cercueil ?

Car « tout le monde » s’attend à une nuée d’inculpations, en particulier les membres de la famille de Donald Trump, ce qui devrait ainsi le pousser – « tout le monde » le dit – à la démission, tant il est clair que le système judiciaire est savamment arsenalisé afin de produire un changement de régime sur le territoire même des États-Unis, à la manière d’un pronunciamiento sud-américain. Et depuis 48 heures, les anciens patrons des services de renseignement – qui, tous, ont pourtant eu quelques problèmes avec la vérité devant les parlementaires – passent à la queue leu leu sur les grands médias pour annoncer la mort de Trump.

Trump croit en la démocratie ; l’oligarchie, au capital circulant. Trump, en un sursaut gaullien, veut déclarer l’état d’urgence afin de financer d’autorité le mur sur le budget de la Défense ; l’oligarchie veut la restauration de la davocratie. Les ides de mars ne sont pas loin pour Trump. Qui sera son Titus Vestricius Spurinna ? Sa Calpurnia ?

http://www.bvoltaire.fr/farce-du-shutdown-trump-entre-scenario-venezuelien-et-sursaut-gaullien/

 

S’attaquer à l’État permanent (ou « profond ») qui dirige les États-Unis a toujours été fatal (Kennedy, Nixon). Tel est le péché mortel de Trump, qui est quotidiennement charcuté par la grande coalition du monde de l’espionnage et de la police, des médias, du grand capital internationaliste, bref, de toutes les forces qui voient le monde comme un système post-national gouverné par des experts, lui-même policé par une république universelle aux frontières ouvertes, elle-même post-nationale : les États-Unis.

Face à ce virus du sens de l’Histoire qui a conquis les élites du monde entier se dressent les « déplorables », autrement dit les sous-hommes, ces mauvaises personnes repliées sur soi qui ne méritent aucun respect face aux nouvelles « victimes » officielles qui seules ont droit à détenir créances sur la société, cependant que les classes moyennes des pays occidentaux sombrent dans la prolétarisation au champ des élites comme de leurs employés de maison (cadres supérieurs, fonctionnaires) qui s’enrichissent à la vitesse du tsunami depuis quarante ans.

Mais, plus profondément, il s’agit pour Trump de faire en sorte qu’il y ait simplement une future campagne, en desserrant l’étau de ce coup d’État qui l’enserre comme un boa depuis janvier 2017, afin effectivement de prendre enfin le pouvoir – qu’il n’a toujours pas – pour préparer l’élection de 2020. L’année 2019 sera donc celle de l’élimination immédiate de Trump ou celle de sa victoire définitive.

Car il semble que, par-delà les joutes partisanes, se profile une solution du 3e type pour l’über-classe mondiale : faire élire un « ticket » non partisan « pour soigner la patrie de ses blessures politiciennes », et revenir au libéralisme des frontières ouvertes, donc aux changements de régime. C’est ainsi que se profile à profondeur périscopique le tandem Michael Bloomberg-James Comey, qui rassemble le pouvoir de l’argent, la force des services d’espionnage et de police, et les establishments de partis et médias qui sont complètement dépassés par leurs « vénézuéliens » (la jeune gauche démocrate) et leurs « descamisados » (les trumpiens).

C’est cette coalition qui avait engendré internationalement le « dossier Steele » à partir duquel l’appareil d’État a illégalement été utilisé pour priver Trump de sa présidence dès ses premiers jours en faisant tomber le général Flynn, puis en castrant Jeff Sessions, son ministre de la Justice, récusé de la plupart de ses prérogatives. De là sont parties les enquêtes sur la collusion Trump-Russie, puis sur les affaires personnelles de Trump (pressenties comme un nid à inculpations possibles). Le tout en complicité avec les médias, chargés de distribuer les fuites.

En attendant, Trump a été cornaqué par l’establishment, qui contrôle sa politique étrangère, contrecarre sa politique économique internationale, et tire les ficelles de la Maison-Blanche, non sans la complicité de sa fille Ivanka et de son gendre Jared Kushner. Ainsi, depuis deux ans, avec deux chambres républicaines, Trump n’a pu qu’exécuter le programme de l’establishment républicain (déréglementations, baisses d’impôts pour les entreprises, mise à mort de l’Obamacare). On lui a cependant « laissé » (pour un an seulement !) les baisses d’impôts aux particuliers. Il a pris un missile chaque fois qu’il a voulu voler de ses propres ailes (mur et immigration, infrastructures, sa rencontre avec Poutine, et maintenant Syrie).

Trump aurait pu penser « qu’on allait le lâcher ». Il réalise maintenant que le « commando » Mueller gère son entreprise de nettoyage tel un implacable projectile guidé. Il lui fallait jusqu’ici créer des crises factices pour changer de sujet. Cela ne suffira plus désormais. Alors, avec le « shutdown », Trump s’engage vers le « saut qualitatif » de la crise constitutionnelle : osera-t-il l’état d’urgence sur les migrations de masse, avec financement du mur sur le budget des armées ? Colère des généraux qui songent au pétrole syrien. Déjà sa fille et son gendre le font reculer. Une guerre avec l’Iran serait, certes, un meilleur moyen de garder son job…

« En tant que sénateur, je dénoncerai toutes actions ou propos clivants, racistes, sexistes, anti-immigrants. » Ainsi parla, dès son premier jour d’école, le nouveau sénateur Mitt Romney. Oui, celui qui voulait être calife à la place du calife face à Obama en 2012, qui déclara ne plus jamais se présenter mais qui revint en arrière en 2015 pour se faire stopper par Jeb Bush, puis qui voulut devenir le secrétaire d’État de Trump après l’avoir insulté dans un réquisitoire impitoyable digne des sujets de l’enquête du procureur Mueller. Bref, c’est celui qui s’était fait moucher par Obama, lors d’un célèbre débat, pour avoir désigné la Russie comme l’ennemi numéro un des États-Unis.

Romney, avec l’appui des médias qui pourtant le vilipendèrent, s’adresse en fait aux élus républicains pour leur signaler qu’il est temps de se séparer de Trump tout de suite, pendant que les démocrates sont écartelés entre les « vénézuéliens » et les « davocrates ». Bref, pour le complexe militaro-techno-industriel, la Chambre démocrate devra servir d’idiote utile, lançant un chapelet de procédures de révocation jusqu’à ce que ce soit la bonne, grâce au prochain rapport du procureur Mueller et à ses alliés judiciaires du Southern District de New York (vers qui ce dernier a basculé les sujets « business » de droit commun – les pires – qui touchent Trump et sa famille).

Trump, ses enfants, ses ministres, ses fonctionnaires loyaux vont désormais faire l’objet d’un harcèlement parlementaire et judiciaire sans précédent et devront se mettre à nu devant de multiples accusateurs publics, du plus trivial embarras aux plus complexes suspicions ou dénonciations, en un méli-mélo de choses graves ou pas. Certains disent que le but serait de le faire démissionner en échange d’une carte « sortie de prison » pour ses enfants…

Le but est donc de produire de la fatigue : chez Trump, dans sa famille, et surtout chez les sénateurs républicains encore alliés à Trump. Est-ce que cela marchera ? À en juger par le raz de marée protestataire des élus républicains suite au Canossa médiatesque de Romney, il semble que le trumpisme tienne bon, pour l’instant. Mais, déjà, les premiers craquements apparaissent chez Fox News, où les phéromones des #NeverTrump ne sont jamais très loin. Bon nombre de ces journalistes ou vacataires font partie intrinsèquement du marécage. Ils en vivent, en ont vécu, et surtout en vivront.

Et ce que veut le marécage de l’über-classe avide de remplacement électoral et de bas salaires, c’est l’ouverture des frontières (nom de code : « sécurité aux frontières »), l’accès à tout prix du marché chinois (en remplacement des marchés occidentaux usés jusqu’à la corde), la revassalisation de la Russie (d’immenses ressources minérales et fossiles réparties sur neuf fuseaux horaires) et l’utilisation de la Terre sainte comme laboratoire expérimental des futures guerres.

Trump ennuie l’über-classe avec son mur. Mais quand il se débarrasse, avec un tweet, de son ministre de la Guerre en déclarant sortir de la Syrie, et, pire encore, en insistant lourdement que la présence américaine en Afghanistan n’a plus guère de sens, il signe littéralement son arrêt de mort.

À moins, l’Iran et Israël en tête, que le présumé idiot ne planifie une redistribution sur l’Irak des troupes actuellement en Afghanistan et en Corée du Sud ? Auquel cas, il passerait l’année 2019… sur les cendres de Cyrus le Grand !

André Archimbaud

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