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Liddell Hart et la guerre anglo-saxonne Par Nicolas Bonnal

Liddell Hart et la guerre anglo-saxonne

Grâce au Donald et à ses faucons, nous risquons une sextuple guerre mondiale (Chine, Iran, Corée, Russie, sans oublier Inde et Turquie). Nous vivons décidément une éternelle époque belliqueuse, tout le temps travaillée par les délires impériaux anglo-saxons. Pour la comprendre j’ai relu le prestigieux historien Liddell Hart.

L’histoire de la seconde guerre mondiale de sir Basil, depuis bien oubliée et relookée, était préfacée par le général Beaufre. Voici ce que cet ancien responsable de l’Otan écrivait :

« Dans le domaine militaire, la vérité, non pas celle du passé mais celle qui se vérifiera dans l’avenir, ne peut pas être généralement trouvée par les voies officielles de la hiérarchie, trop facilement conformiste. Il est donc capital qu’il existe des chercheurs privés, capables de donner libre cours à leur imagination et à leur initiative. »

Le bilan de la seconde guerre mondiale est vénéré aujourd’hui, sous peine de prison. Belle victoire contre le totalitarisme… Or voici ce bilan selon Liddell Hart :

« Non seulement les alliés occidentaux ne purent empêcher l’écrasement de la Pologne et son partage entre l’Allemagne et l’URSS, mais, après six ans de guerre apparemment couronnés par la victoire, ils furent contraints d’accepter la domination soviétique en Pologne, en dépit des engagements qu’ils avaient pris envers les Polonais qui avaient combattu à leurs côtés ».

Sir Basil ajoute cette audacieuse observation :

« Tous les efforts consacrés à la destruction de l’Allemagne hitlérienne dévastèrent et affaiblirent l’Europe à un tel point que son pouvoir de résistance s’en trouva très réduit face à la montée d’un nouveau et plus grand péril. Et l’Angleterre, tout comme ses voisins européens, se retrouva appauvrie et à la remorque des Etats-Unis ».

Liddell Hart remet en cause l’alliance polono-britannique de mars 1939, sûre de mener à la guerre alors que l’on ne pouvait assister cette imprudente et militariste Pologne qui s’était six mois avant jetée comme une hyène sur la Tchécoslovaquie – dixit Churchill). Il rappelle :

« Seul Lloyd George s’éleva contre ce qu’il appela la folie suicidaire de prendre un engagement d’une telle envergure sans s’assurer auparavant de l’appui de l’URSS. »

Liddell Hart pourfend le démentiel colonel Beck (il souligne que la Pologne aura six millions de morts en 45, la Tchécoslovaquie cédée à Munich cent mille seulement), et il s’en prend à la doxa antirusse officielle :

« La Russie fut ostensiblement écartée de la conférence de Munich au cours de laquelle fut scellé le sort de la Tchécoslovaquie. Cette attitude hostile eut des conséquences fatales au cours de l’année suivante. »

Lui aussi ne comprendra jamais pourquoi la République dite française décida de soutenir la Pologne après avoir trahi qui il ne fallait pas :

« Après que la France eut facilement abandonné son allié tchécoslovaque qui possédait l’armée la plus efficace de toutes les petites puissances, il ne semblait guère semblable qu’elle se lancerait dans une guerre pour défendre un autre pays de sa chaîne d’alliés… »

Beaucoup d’experts militaires certifient que la Tchécoslovaquie était imprenable, surtout avec trente divisions françaises à l’ouest.

Sir Basil évoque le cas Chamberlain. C’est lui qui se lance dans la guerre, et pas Churchill.

«… la pression de l’indignation publique, sa propre indignation, sa colère à sa voir dupé par Hitler ou encore son humiliation de s’être fait tourner en dérision aux yeux de ses compatriotes. »

Chamberlain seul responsable ? Hum…

Selon mon bon ami Guido Preparata, l’élite cachée de l’Angleterre avait d’autres objectifs (car on ne peut tout imputer au trio lâcheté-bêtise-distraction…) : provoquer une guerre germano-russe en créant (ou en aidant à la création) d’une Russie révolutionnaire et d’une Allemagne réactionnaire. Preparata s’est inspiré du plus grand analyste de son temps, le sociologue Thorstein Veblen. Le contrôle de l’île-monde par les anglo-saxons était à ce prix, et l’anéantissement définitif du Reich allemand déjà désigné par Benjamin Disraeli dès le lendemain de la victoire prussienne à Sedan. Je cite Preparata dans la traduction d’Hervé du Sakerfrancophone.fr :

« Une analyse détaillée de l’émergence du nazisme pourrait révéler que l’arrivée des nazis au pouvoir n’a jamais été le fruit du hasard. La thèse du livre suggère que pendant quinze ans (1919-1933), les élites anglo-saxonnes ont corrompu la politique allemande avec l’intention de créer un mouvement réactionnaire, qu’ils pourraient ensuite mettre en place comme pion pour leurs intrigues géopolitiques. »

Liddell Hart rappelle que Churchill dénonce aussi le procès de temporisation-précipitation qui selon lui va entraîner des dizaines de millions de morts. » Mais Churchill oublie de dire que Hitler lui propose dix fois la paix (revoyez le beau et honnête film de Guy Hamilton The battle of Britain), et qu’il n’y aurait donc pas eu lieu de tuer des dizaines de millions de personnes et de laisser la moitié de l’Europe à Staline et aux commissaires politiques. En réalité Hitler idolâtrait l’Angleterre. Il voulait la paix avec son modèle aryen-impérial. Et Liddell Hart de le reconnaître.

A propos de Dunkerque, Liddell rappelle qu’Hitler arrête ses armées deux jours durant et que le moustachu perd alors la guerre :

« Son initiative sauva les forces britanniques alors que plus rien d’autre n’aurait pu les sauver. Ce faisant, il fut à l’origine de sa chute et de celle de l’Allemagne ».

Mais Hitler était clairement programmé pour perdre ; il avait une autre mission. Et Preparata ne citait pas pour rien son Veblen. Dès Versailles, Thorstein Veblen ne croit pas au bluff des réparations. Et Preparata rappelle que l’Allemagne sera refinancée et rééquipée par le plan du banquier Dawes en 1923. Le grand sociologue Veblen souligne la patience diabolique de notre élite anglo-saxonne :

« Comme il aurait semblé tout à fait probable auparavant, les stipulations touchant l’indemnité allemande se sont révélées provisoires et provisoires seulement – si elles ne se sont pas plutôt caractérisées comme un bluff diplomatique, destiné à gagner du temps, à détourner l’attention durant cette période de réhabilitation nécessaire et exigeant une certaine patience pour rétablir un régime réactionnaire en Allemagne et l’ériger en un rempart contre le bolchevisme. »

Relisons l’Autre côté de la colline. Basil Liddell Hart y a interviewé les généraux teutoniques. Et cela donne ce fameux passage sur l’idolâtrie hitlérienne de l’anglo-saxon (Walter Darré voulait que la future gentry aryenne ressemblât à celle des squires british du dix-huitième siècle avec un « crâne étroit ») : Hitler rappelle son admiration pour l’empire britannique. Comme toujours Hitler multiplie les conversations rêveuses et généralistes – celles qui exaspéraient Albert Speer : il pense même se passer du retour des colonies allemandes volées par les Anglais à Versailles. Toute extension de territoire ne peut se faire qu’au détriment de la Russie, comme il dit au début de Mein Kampf. Ce grand amour ne fut pas payé de retour. Demandez aux habitants de Dresde et de Hambourg.

Le prix européen à payer, pour la destruction britannique de l’Allemagne nazie, fut exorbitant. Gentleman, Liddell Hart le reconnait :

« Si Hitler fut vaincu, une Europe libre ne fut jamais restaurée… »

Comme on a parlé de Churchill, un petit crochet de la part de notre grand esprit demeuré, bizarrement, gradé périphérique durant sa carrière :

« Les châteaux en Espagne de Churchill s’étaient effondrés. Ils avaient été bâtis sur une erreur fondamentale d’appréciation de la situation et des changements de la guerre moderne, en particulier des effets de l’aviation sur la puissance maritime. »

Churchill et les Balkans, Churchill et les bombardements civils (commencés le dix mai 40), Churchill et son acquiescement au plan Morgenthau… Petite cerise sur le gâteau : Churchill clame que les Allemands ont mille chars lourds avant la guerre ; or ils n’en ont pas un seul…

Après sir Basil s’en prend au procès de Nuremberg, ce qui le mènerait en prison ici, avec le général Beaufre :

« L’un des points les plus contestables des procès de Nuremberg fut que l’on fit figurer parmi les principales accusations contre l’Allemagne la préparation et l’exécution de l’agression contre la Norvège… Une telle attitude est l’un des plus beaux cas d’hypocrisie de l’histoire »

Un autre point important. On a déjà évoqué la Russie. Liddell Hart n’est pas hostile à la Russie soviétique, à son intérêt géostratégique. Il remarque à propos de l’opération finlandaise :

« Les exigences soviétiques étaient remarquablement modérées… Elles reposaient sur une base rationnelle. »

Staline voulait la Carélie russe et il était prêt à l’échanger contre une portion plus grande de territoire. Mais la Finlande était dirigée par une dictature militaire fasciste, comme la Pologne. N’importe, la Russie fut grande et généreuse après sa coûteuse victoire.

Les pays baltes ? Le reste ? Mais lisez donc Murray Rothbard. Notre grandiose penseur libertarien en a énervé plus d’un avec les lignes suivantes : la Russie voulait retrouver ses frontières d’avant 1914. Point. Les territoires baltes, (aujourd’hui terres promises de l’Otan et de la guerre US), l’Ukraine, l’est polonais. Rothbard ajoute sur la Finlande que la Russie voulait sa Carélie russe ; Liddell Hart confirme. La Finlande préféra la guerre aux cinq mille kilomètres carrés promis par Staline. Elle s’en sortit bien en 45, bien mieux en fait que les « Etats satellites » (dixit Hart) du nazisme qui partirent le 22 juin 1941 à la conquête de l’espace russe. Italie, Slovaquie, Roumanie, Hongrie partirent en guerre…

Rothbard justifie aussi la politique de la Russie (quand on voit ce qui s’est passé depuis les années 90…). De Gaulle fera de même dans ses Mémoires (il rappelle même que la Pologne a conquis deux fois Moscou). Il explique qu’après la guerre Staline voulait prévenir une nouvelle invasion de la Russie par la Pologne. C’est ce qu’il expliquait à de Gaulle.

 Les conclusions ?

Elles ne serviront à rien. Nous aurons la guerre, pas la vérité selon Liddell Hart ou selon Rothbard. Machiavel nous avait prévenus :

« Les hommes sont si aveugles, si entraînés par le besoin du moment, qu’un trompeur trouve toujours quelqu’un qui se laisse tromper. »

En italien cela donne (le dernier beau bout de phrase) :

“Colui che inganna troverà sempre chi si lascerà ingannare.”

En attendant nous sommes partis pour la troisième guerre du Péloponnèse, pour parler comme le grand analyste Lothrop Stoddard. Le Donald en guerre contre le bloc asiatique, et qui entraînera l’Europe des zombis et des soumis à sa suite (bouffez mon shale oil…).

                                                   Bibliographie partielle

John Charmley – Churchill, the End of Glory

Liddell Hart – la Seconde guerre mondiale (Marabout)

Liddell Hart – The Other side of the hill (archive.org)

Bonnal – Petits essais historiques (Amazon.fr)

Machiavel – Le prince, XVIII

PERPETUAL WAR FOR PERPETUAL PEACE – edited by Charles Beard – Mises.org

Preparata – Conjuring Hitler (Pluto Press)

Rothbard – A libertarian manifesto

Veblen – Review of John Maynard Keynes, The economic consequences of the Peace

EN BANDE SON :

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