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Dernières nouvelles de la novlangue : parlez-vous le Attali?

Dernières nouvelles de la novlangue: parlez-vous le Attali?

Jacques Attali, expert de la novlangue

par Didier Desrimais – 30 décembre 2020 CAUSEUR

Jacques Attali a profité de la crise sanitaire pour partager ses talents d’expert en novlangue. On ne peut que s’incliner devant ce parfait agent du techno-monde. 

Mardi 15 décembre, aux Matins de France Culture, Guillaume Erner s’est entretenu avec Anne Jonchery et Jacques Attali. Le sujet portait essentiellement sur la culture pendant le confinement. À cette occasion, nous avons pu entendre des choses surprenantes dans une langue tout aussi surprenante, dérivée de la novlangue française déjà abordée dans ces colonnes. En parfait agent du techno-monde et des procédures techniques d’effacement du réel, Jacques Attali en est devenu non seulement un locuteur exemplaire mais aussi un créateur d’expressions ou de mots. Il invente par exemple un nouveau substantif masculin, “être-ensemble”, que nous sommes censés comprendre d’emblée et sans effort. C’est qu’il croit que nous partageons le même monde. C’est qu’il n’imagine même pas qu’il puisse y en avoir un autre.

La notion d’« être-ensemble » est incompréhensible 

Alors qu’il est question de déterminer ce qui est « essentiel » ou « non essentiel » pendant le confinement, Jacques Attali intervient : « En plus il y a dans « l’essentiel » quelque chose d’invisible qui est absolument essentiel, c’est le être-ensemble […] Par définition la culture c’est essentiellement du être-ensemble et le être-ensemble c’est le bien essentiel premier de notre culture. » Effet et cause se mordent la queue, le paresseux « par définition » évite de préciser, le être-ensemble est essentiel mais invisible, et cette indécelable substance est pourtant le « bien essentiel premier de notre culture. » On s’interroge. Peut-être les choses vont-elles s’éclaircir en écoutant la suite : « Pour moi le grand clivage n’est pas entre culture et pas culture, il est entre être-ensemble et pas être-ensemble, et le être-ensemble contient beaucoup de choses de la culture. » On soupire, on cherche à comprendre, on hésite à tourner le bouton du poste pour l’éteindre, quand soudain Jacques Attali annonce « un exemple » – un exemple c’est toujours bon à prendre, c’est concret, ça tourne pas autour du pot : « Par exemple, je suis très favorable au travail de groupe des élèves et le travail de groupe des élèves est très gêné par l’absence de être-ensemble qui est créateur… » On est navré car on pense avoir compris de quoi il retourne et c’est presque pire que si nous n’avions rien compris du tout.

Au moment où nous croyons avoir un peu progressé dans la compréhension de la novlangue, Jacques Attali juge nécessaire de préciser que « ce qui pose problème c’est être-ensemble. C’est ça qui pose problème au virus, et on peut le comprendre. » On s’interroge au carré. Toutefois, en étant attentif, on devine sous la novlangue du techno-monde de vieilles rancunes tenaces ; et des traditions qui font encore tache dans le nouveau décor du monde adulé par Jacques Attali : « Il ne faut pas permettre du être-ensemble commercial ou religieux et interdire du être-ensemble culturel. Ça n’a pas de sens. […] Ou on interdit tous les être-ensembles ou on autorise toutes les formes de être-ensemble. » Lors de cette discussion radiophonique, l’économiste n’utilise pas les mots les plus simples pour désigner les objets de son antipathie. Il ne dit pas tradition ou chrétien, il dit « matrice initiale » ou « invariant inconscient de notre société ». Il ne dit pas église ou foi, il dit « être-ensemble religieux. »

La réalité n’est jamais désignée 

Jacques Attali réalise ainsi le cauchemar orwellien de ne jamais désigner réellement la réalité, de réduire à une seule expression un concept abscons et fourre-tout, et de détourner la langue jusqu’à la rendre encore plus laide et méchante que l’intention qu’elle camoufle. Il était ce matin-là dans une grande forme. Après avoir vendu du “être-ensemble” à tire-larigot, une idée lui est subitement venue pour expliquer pourquoi le “capitalisme” ne voyait pas d’un si mauvais œil les longues périodes de confinement : « Un des grands secrets de nos sociétés c’est que la solitude fait acheter, la solitude est une alliée du capitalisme. (On dirait du Bourdieu !) […] Plus on est seul, plus on consomme.[…] Pousser à la solitude n’est pas gênant surtout si on libère les gens de leur solitude pour les pousser à se précipiter dans les grands magasins. » Ce “secret” si bien gardé et révélé par Attali fait froid dans le dos : poussé à la solitude je consomme plus que jamais ; mais libéré de ma solitude et poussé à me précipiter dans les magasins, je consomme encore plus que lorsque j’étais seul. Saleté de capitalisme.

En zélé promoteur du techno-monde, Jacques Attali parle la novlangue fluent, comme on dit dans certains milieux technocratiques. « Les secteurs de l’économie de la vie » y côtoient des « champs de culture [qui sont] des acteurs de l’éducation ». Le tout est censé fortifier le être-ensemble. Que pèse notre trop subtile langue française face à cet idiolecte monstrueux adapté à ce temps barbare ? Rien. Elle sera bientôt une langue aussi morte que notre monde, celui d’avant le techno-monde. Pour conclure, il faut encore une fois nous tourner vers Jaime Semprun et son ironique Défense et illustration de la novlangue française : « De tout ce qui précède il ressort on ne peut plus clairement que la novlangue, qui à l’évidence ne peut être qualifiée de langue naturelle, n’est pas pour autant artificielle. On ne saurait mieux définir son essence qu’en disant qu’elle est la langue naturelle d’un monde toujours plus artificiel. »

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6 réponses »

  1. Et un degré de plus franchi …je dirais dans l’expression de l’obscénité de sa pensée.

  2. Attali,, fléau de Dieu, réincarnation d’ Attila!
    Là où passe Attali, la culture trépasse, l’anémie systémique s’installe!

    Oyez, oyez, gueusards et plébéiens!
    Vous aurez des artichauts comme plat de résistance pour l’abondance feuillue et votre hygiène troud’ballesque et une carotte pour dessert qui ne s’use que si l’on s’en sert!

    Que la vie soit douce dans vos camps et que les restrictions vous grandissent !
    Je vous aime, là où vous allez.

    PS/ Ne soyez pas étonnés par ce nouveau terme « troud’ballesque »; je me mets tout simplement à jour!

  3. Pourquoi donner de l’importance à ce personnage criminel qui promeut le génocide automatique des citoyens à l’âge de 65 ans, qui veut droguer les pauvres pour les empêcher de se rebeller contre les riches, qui veut Légaliser l’industrie Mafieuse du Crime organisé et en faire »une activité économique « normale » et « légale », soumise à La loi du Marché (Trafic de drogues, Trafic d’armes, Trafic d’êtres humains, Trafic d’organes, Marchandisation du vivant, ect …)
    De plus pour tous ceux qui l’ont déjà oublié confinement oblige, le Sieur Attali nous avait bien annoncé dès 2009 une « Pandémie Mondiale » qui serait le prélude à l’instauration d’un Gouvernement Mondial avec une Monnaie Mondiale …. il ne lui reste plus qu’à annoncer le Futur Monde « des Dieux » et « des inutiles » et la boucle sera presque bouclée…
    Si un citoyen Lambda osait promouvoir l’Eugénisme et le Génocide de tous les citoyens de plus de 65 ans, il serait aussitôt condamné pour « Apologie de Crime contre L’Humanité », je rappelle que l’élimination des personnes de plus de 65 ans était l’un des aspects du projet du IIIème Reich
    Alors par pitié ne cirez pas les pompes de ce criminel en col blanc, il devrait être interdit de tout média et de tout droit de publier quoi que ce soit.

  4. J’ai la bande-son de cet article : Alain Damasio déblablatérant sa bouillie gaucho-infranietzscheo-nawako-mescouillofoucaldienne sur un bon son de Rone :


    Telerama, Rance Inter et Rance Culculture ont a-do-ré, ce « moment culte ».

  5. « Dès qu’il dépasse 60-65 ans l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte cher à la société. La vieillesse est actuellement un marché, mais il n’est pas solvable. Je suis pour ma part en tant que socialiste contre l’allongement de la vie. L’euthanasie sera un des instruments essentiels de nos sociétés futures. » Jacques Attali
    Ce discours est d’une translucidité trop prononcée et ne peut s’inscrire dans l’évolution du progrès de la Novlangue. Il appartient définitivement à une langue surannée que nous sommes en devoir d’enrichir de la nouvelle pensée, et ceci par un effort soutenu de bien-pensance. Voici donc une amélioration de ce texte :
    « Dès que l’être-ensemble atteint la limite du non vivre, dans l’étirement normal des années accessibles et naturelles d’une durée de 60-65 ans, il persiste malgré tout à être dans une vie de non-production calamiteuse et néfaste en tant que non-être en devenir immédiat ou en puissance dérangeante pour l’ensemble des êtres-ensembles qui n’ont pas encore atteint la limite périphérique de production enrichissante à la constitution d’une société néolibérale dans sa toute puissance étatique.
    Si la détérioration insidieuse du non-être ou de l’être non-rentable, appelé communément « troisième âge » en fort déclin opératoire, reste encore un marché, son échangisme commercial s’éloigne cependant des normes libre-échangistes d’êtres à êtres (ceux-ci encore considérés comme conformes et règlementaires en vertu d’une constitution en accord aux règles de santé). La vétusté de l’être non-être qui se transforme en fait en un individu en situation périmée devient non-vivable par son incommercialité.
    Le socialisme – passeport de mes ambitions a bercé mon insignifiance métaphysique d’Être du NéAnt ainsi que mon affirmation du droit individuel (le mien surtout) car il n’est rien au-dessus de l’individu, de l’individu étant, l’individu ENA, je précise, c’est-à- dire en pleine possession de son être-ego – fait que je puis m’affirmer, d’une manière irréductible, contre l’élasticité irrépréssive des années dirigées vers le futur, autrement dit orientées et managées vers l’essence futurale.
    La néantisation du non-être en considération de sa décrépitude serait une solution dénouementale et définitive pour nos sociétés en temporalité avancée vers la partie espace temps non élaborée du XXI siècle »

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