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Jean Pierre Petit :La reprise mondiale comme instrument de rattrapage

Directeur de la recherche économique et de la stratégie d’ Exane-BNP Paribas jusque fin 2008, Il a été auparavant (1995-1999) adjoint au directeur des études économiques de la BNP, adjoint de direction à la Banque de France et consultant pour le Fonds monétaire international (1986-1994). Il est diplômé de Sciences Po Paris, détient une maîtrise en droit et est titulaire d’un DEA d’économie internationale. Jean Pierre Petit est l’auteur de plusieurs ouvrages dont, La finance, autrement (en collaboration, Dalloz, 2005).Aujourd’hui devenu stratégiste de marché indépendant il continue de collaborer  de manière régulière à divers revues et journaux économiques et financiers. Voici le 11ème billet d’une série qui lui est consacrée…

La reprise mondiale comme instrument de rattrapage

Il est indéniable qu’un redressement planétaire et assez synchronisé a pris forme à partir du printemps/été 2009.

CONTRAIREMENT AUX ANNÉES 30, IL N’Y A PAS EU NON PLUS DE DÉRAPAGE PROTECTIONNISTE SÉRIEUX. AU CONTRAIRE !!!!!

PLUS DE DETAILS EN SUIVANT :

 La croissance mondiale devrait se trouver probablement au-dessus de la croissance potentielle (de l’ordre de 3,5%) pendant 6 à 9 mois, alimentée pour partie par une vigoureuse reprise industrielle.

Compte tenu des effets d’acquis puissants à la fin 2009, il n’est pas impossible que la croissance mondiale s’approche des 4% en 2010, après environ -1% en 2009.

Pourquoi un redressement aussi  vigoureux? D’abord parce que l’impact récessif du choc Lehman fut le plus brutal et le plus synchrone d’après-guerre. Alimenté par une crainte généralisée de réalisation d’un risque systémique financier mondial, il a notamment abouti à une contraction «excessive» des dépenses d’entreprises, de la production manufacturière mondiale et du commerce mondial à la fin 2008 et au début 2009. Le choc systémique ne s’étant pas réalisé, il y a spontanément un phénomène de rattrapage en cours. Ensuite parce les plans simultanés de soutien au système financier et d’assouplissement monétaire et budgétaire au niveau mondial ont fini par mordre sur l’activité. Contrairement aux années 30, il n’y a pas eu non plus de dérapage protectionniste sérieux, au contraire. Ajoutons que la chute des prix des matières premières entre l’été 2008 et le printemps 2009 a permis à la consommation mondiale de « résister « dans un environnement défavorable. Par la suite, le rebond des marchés d’actifs risqués et les gains de confiance chez les entreprises et ménages ont permis d’auto-entretenir le processus.

La première zone à émerger nettement et franchement de la crise est incontestablement l’Asie, en raison notamment d’un moindre endettement privé et public qu’en Occident, d’une relative solidité des systèmes bancaires, de politiques économiques ambitieuses et assez efficaces, Dans les 4 pays asiatiques qui ont publié leurs comptes du 2ème trimestre (Chine, Indonésie, Corée du Sud et Singapour), le PIB a progressé en rythme annualisé de plus de 10%.

Le seul pays émergé de la zone, le Japon, devrait également bénéficier de cette expansion avec un rebond conséquent au T2. On saluera particulièrement la performance des pays qui ont manifesté la plus forte résistance au choc Lehman ; la Chine, l’Inde et l’Indonésie. La croissance moyenne en 2009 de ces trois pays pourrait dépasser respectivement 8, 6 et 4%, ce qui eu égard au contexte mondial, est tout à fait remarquable.

Le premier contributeur à la croissance mondiale restera incontestablement la République populaire de Chine. Les derniers chiffres publiés (+ 11,8% pour la production industrielle, +32,9% pour l’investissement  et +4,8% pour la production d’électricité en glissement en juillet) attestent de la vigueur du redressement. De façon plus notable, le redémarrage se fait de façon soutenue alors que les exportations sont toujours en territoire négatif en glissement. La vigueur des ventes au détail en volume (compte tenu de la baisse des prix) est particulièrement édifiante ; +18% en glissement en juillet, illustrant une mutation progressive des moteurs de la croissance chinoise, alors même que la consommation des ménages ne représente toujours que 35% du PIB. On rappellera que la capacité de redressement autonome du monde asiatique a souvent tendance à être sous-estimé, comme ce fut le cas après la grande crise de 1997-98 ou la récession high-tech de 2001.

Aux Etats-Unis, le rebond manufacturier est puissant ainsi que le montre la hausse en juillet des composantes production (à 57,9) et des commandes (à 55,3) de l’ISM de juillet . Certes, cela doit pour une grande partie à la prime à la casse dans l’automobile (package total de 3 milliards de dollars voté par le Congrès) qui dope la production locale durant l’été (après, il est vrai, une chute cumulée de 46% pendant 7 trimestres). Les ventes d’auto pourraient ainsi progresser d’environ 25% au troisième trimestre selon certaines estimations de professionnels outre- Atlantique. Mais le redressement va au-delà de l’automobile. Compte tenu des très bas niveaux de stocks, la production industrielle va afficher des chiffres très positifs au cours des prochains mois. De son côté, l’investissement résidentiel qui a affiché 14 trimestres consécutifs de baisse jusqu’au T2 2009, devrait rebondir, grâce à de nombreux facteurs ; outre le caractère insoutenable de la tendance antérieure (notamment pour des raisons démographiques), baisse des taux de vacances, diminution des stocks (en mois de vente) et amélioration de la capacité d’achat des maisons (grâce à la poursuite de la baisse des prix et à la stabilisation des taux mortgages). Les variations de stocks (au-delà même du secteur automobile) devraient aussi jouer favorablement après 5 trimestres de variations négatives, compte tenu de la résistance de la demande finale. Même remarque pour les dépenses publiques (du fait de l’application du plan de relance). L’investissement productif (qui a déjà décru moins rapidement au T2) devrait également repasser en territoire positif. Au-delà de l’auto, la consommation devrait poursuivre sa résistance dans un contexte de moindre dégradation de l’emploi, alors même que le taux d’épargne est bien remonté au cours des derniers mois.

Dans l’Union Européenne à 27, la baisse modérée du PIB (-1,2% en annualisé) au T2 (avec des chiffres légèrement positifs pour l’Allemagne et la France), montre que l’Europe suit le mouvement de redressement mondial. Cette « performance «, comparable à celle des Etats-Unis, a surpris. Il faut toutefois nuancer la comparaison brute et ne pas en inférer une dynamique de croissance aussi forte, voire plus forte, en Europe qu’aux Etats-Unis pour les 12 prochains mois. D’abord parce que la chute antérieure de la production avait été, depuis le début de la crise, plus forte en Europe qu’aux Etats-Unis. Du pic au creux, la baisse cumulée du PIB réel a ainsi été de 6,4% en Allemagne contre « seulement» 3,7% aux Etats-Unis. En outre,  l’Europe est, à l’instar des précédents cycles récessifs, très en retard en matière d’ajustement récessif sur l’emploi, comparativement aux Etats-Unis. Il faut se souvenir que le pic du taux de chômage allemand, après la forte récession de 1992-93, n’avait été atteint qu’en 1998 ! Ajoutons que l’ajustement immobilier, qui est encore devant nous dans certains pays européens (Espagne, France), l’état relatif du système bancaire, la surévaluation de l’euro, l’exposition à l’Europe de l’Est, ne plaident pas en faveur d’une sur performance européenne.

Partout ailleurs, les derniers chiffres font état d’un redressement plus ou moins marqué. Bref, les éléments d’un redressement synchrone à horizon un an sont présents. Naturellement, les performances des différentes zones seront divergentes et le redressement ne sera pas linéaire.

JEAN-PIERRE PETIT  Stratégiste indépendant de marché

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