Gold et Métaux Précieux

La Guerre du Gold….

Au Pérou, une guerre hideuse ternit l’éclat de l’or

Alain Délétroz, analyste de politique internationale, plaide pour que le commerce de l’or fasse l’objet d’une réglementation permettant sa traçabilité, à l’heure où le précieux métal atteint des valeurs inégalées. Car le sang coule dans le bassin amazonien….

Décidément  quelque soit  le marché : de gré à gré devient vite de gré ou de force et ne laisse plus place qu’à l’avidité !!!!!

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L’exploitation de l’or dans le bassin amazonien a des conséquences terribles sur les populations locales et l’écologie de la région. Il est temps que les acteurs du marché mettent en place un processus de régulation et de certification des conditions d’extraction de l’or mis sur le marché mondial, à l’exemple du «processus de Kimberley» relatif au commerce des diamants

La prise de conscience que les diamants de Sierra Leone, du Liberia et de la République démocratique du Congo finançaient les guerres dans ces pays amena le commerce du diamant à reconnaître qu’il était dans son intérêt d’installer un système de «traçabilité» du produit garantissant au consommateur que le bijou acheté sur les quais d’Anvers ou de Genève n’allait pas servir à financer les milices d’enfants-soldats de Charles Taylor au Liberia… 

L’exploitation de l’or en Amazonie ne fait, lui, l’objet d’aucune certification de ce type. Une fois les concessions accordées par l’Etat, les mineurs peuvent extraire le minéral comme bien leur semble, le vendre où bon leur semble, ce qui contribue grandement au blanchiment d’argent de la drogue, à détruire les terres amazoniennes au terreau particulièrement délicat. Le travail dans les concessions s’apparente à des conditions de quasi-esclavage… A quand un processus de certification de la production d’or? 

Le Pérou a vu resurgir au mois de juin de cette année des images que l’on croyait d’un autre âge. Des hélicoptères de l’armée ouvrirent le feu sur des Indiens Awajun et Wampis du département de l’Amazonas qui avaient le tord de protester contre la loi 1090, qui donne la possibilité aux investisseurs étrangers d’obtenir des concessions d’exploitations sur les terres communautaires des indigènes pendant plus de 40 ans. N’importe quel investisseur peut donc «dénoncer» pour son exploitation minière jusqu’à 40 000 hectares de terre, y compris des terres appartenant à des communautés indigènes. 

De plus, pour «laver» le précieux métal, ce sont des milliers de tonnes de terre et d’eau qui sont remuées, déplacées et laissées sans végétation, ce sont des tonnes de mercure qui sont déversées chaque année dans les rivières amazoniennes et des milliers de bulldozers et pelleteuses qui attaquent avec férocité la plus grande forêt du monde. L’exploitation du personnel engagé approche souvent les conditions d’un esclavage du XXIe siècle. L’ouvrier qui débarque au cœur de la forêt vierge devra acheter au magasin du patron ses outils, sa nourriture, essentiellement des conserves amenées à dos de mules, et tout ce qui lui faut pour survivre. Le salaire qu’il reçoit de ce même patron ne permet que rarement à l’ouvrier de couvrir ces frais. Au bout de quelques mois, il est prisonnier, il ne peut plus quitter la mine, car il doit au patron plus que son salaire ne lui permettra jamais de rembourser. Pas étonnant que, dans un système aussi primaire d’exploitation, la violence soit reine et pratiquement l’unique voie de sortie pour des ouvriers pris dans un système aussi kafkaïen. 

Le bilan des affrontements du mois de juin à Bagua Grande et Bagua Chica est lourd: vingt-sept policiers tués, probablement autant d’Indiens, et surtout la crainte pour le Pérou de voir resurgir le spectre de la guerre civile des années 80. 

En 2003, la Commission de la vérité, créée pour faire la lumière sur ces années de guerre, avait tiré une conclusion qui avait le mérite de la clarté: les populations indigènes sont celles qui ont payé de loin le tribut le plus lourd en victimes et en disparitions. 

L’actuel président, Alan García Pérez était à la tête du Pérou au cœur de la sale guerre. Son penchant pour la manière forte vient de montrer ses effets dans les affrontements de l’Amazonas. Son gouvernement reste particulièrement sourd aux appels des organisations amazoniennes, sur les conséquences directes de l’absence de régulation et de législation dans l’exploitation de l’or. 

Pourtant, ces dernières n’ont pas manqué d’envoyer à Lima au tout nouveau ministre de l’Ecologie, Antonio Brake, des rapports fort bien documentés sur les conséquences directes de cette exploitation pour l’avenir de leurs régions, sans qu’aucune suite ne soit donnée à leur demande. Le paysage lunaire que laisse derrière elle cette activité sauvage aurait dû, depuis belle lurette, attirer également l’attention des organisations internationales de défense de l’écologie et des droits de l’homme qui restent pourtant étonnamment muettes sur le sujet. 

Il en va pourtant de la survie à long terme du «poumon» amazonien. Selon Xavier Arbex, un prêtre genevois travaillant depuis plus de trente ans dans le département amazonien de Madre de Dios, à la frontière du Brésil et de la Bolivie, la Suisse est le plus gros importateur d’or péruvien: plus de 40 tonnes par an. Et 70% de cet or vient de cette région, du Madre de Dios. Il serait donc temps, poursuit Xavier Arbex, que la Suisse exige une certification de l’or qu’elle achète. Un or qui serait produit sans émanations toxiques et dans des conditions de travail acceptables. 

Même si la crise financière a vu l’or retrouver sa place parmi les valeurs refuges, il serait temps que les marchés du métal précieux reconnaissent le coût que leur commerce fait peser sur les ouvriers péruviens et l’avenir de l’Amazonie. La Suisse pourrait mener le combat. Et le processus de Kimberley a démontré qu’un brin de volonté politique peut obtenir rapidement des résultats importants pour la paix dans les régions de production.

2 réponses »

  1. article fort intéressant ! merci!
    tant il est vrai que la morale est une valeur que l’on ne retrouve plus que chez les antiquaires

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