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Bruno Colmant : La bourse et l’OPA permanente

Membre de l’Académie Royale de Belgique, Bruno Colmant est un universitaire et un homme d’affaire belge né le 24 juillet 1961.Il est docteur en économie appliquée (2000) et ingénieur commercial (1984) de l’Université libre de Bruxelles, maître en sciences fiscales (1995) et titulaire d’un Master of Business Administration (1989)de l’Université Purdue  (Krannert School of Management, dans l’Indiana, aux États-Unis).Docteur en Sciences de Gestion il est Professeur à la Vlerick School of Management et à l’UCL.

 Après une carrière essentiellement effectuée dans le groupe ING, au sein duquel il devient administrateur délégué d’ING Luxembourg et administrateur délégué d’ING Belgique et directeur financier, il est nommé directeur de cabinet du ministre des Finances et Vice-Premier Ministre belge, Didier Reynders. En 2007, il est nommé président de la Bourse de Bruxelles et membre du comité de direction de NYSE Euronext.Depuis le 1er septembre 2009 Bruno Colmant a pris ses fonctions chez Fortis en qualité de Deputy Chief Executive Officer. Bruno Colmant dirige les entités Finance et Legal et assure la gestion de l’héritage de l’ex-Fortis….

Chroniqueur scientifique dans la presse belge depuis 1994, il est l’auteur ou le co-auteur de plus de 25 ouvrages financiers et de très nombreux articles scientifiques. Il est titulaire d’une vingtaine de certifications professionnelles dans le domaine de la finance, e la comptabilité et de la fiscalité, notamment américaines : CFA, CISA, CIA, etc.

Voici le 7ème billet d’une série qui lui est désormais consacrée : et c’est toujours aussi passionnant et pertinent !!!!!!

De nombreux investisseurs particuliers sont encore égarés dans ces journées boursières qui hésitent à oublier l’éclatement de la crise des subprimes. Pourtant, certains banquiers d’affaires anglo-saxons, restés sur pied de paix pendant 2 ans, ont déjà chargé la culasse avec la poudre des prochaines OPA. Car il ne faut pas l’oublier: le marché boursier a le sens du provisoire.

PLUS DE DETAILS EN SUIVANT : 

En Europe, l’harmonisation monétaire et la disparition des frontières économiques sont les déclencheurs de cette évolution. Mais la fluidité planétaire du capital joue, là aussi, un rôle essentiel: des entreprises géographiquement éloignées sont désormais atteignables. C’est, du reste, ce qui inquiète dans les vagues boursières, devenues depuis peu des déferlantes: elles remettent en question l’ancien schéma de division du travail et du capital. Elles sont au capital ce que la délocalisation est au travail. Au reste, la mondialisation n’est à ce stade qu’une globalisation du capital. Ce sont les marchés financiers qui pilotent désormais l’allocation des ressources. Chaque remontée des indices boursiers est accompagnée par un emballement des opérations de rachat d’entreprises qui alimentent, à leur tour, la hausse boursière. A moins que ce ne soit le contraire, la courbe des OPA épousant celle de l’indice boursier. Aucun analyste n’a jamais tranché cette question car les OPA sont consubstantielles à la formulation de valeur boursière.

La volatilité boursière et les opérations de fusions-acquisitions sont deux phénomènes qui s’entretiennent l’un l’autre, plus que l’un ne présuppose l’autre. Malheureusement, les opérations de fusion/acquisition des dernières années ne se sont pas toutes révélées heureuses. Certaines ont d’ailleurs conduit à des déperditions de valeur, ainsi que l’amortissement de colossaux goodwills. Ce phénomène, comme l’endettement excessif, est commun à tous les lendemains de bulles boursières.

Encore qu’il s’impose d’être circonspect sur l’appréciation rétrospective de ces opérations, aujourd’hui controversées, mais qui répondaient alors à la perception fondée d’une mondialisation rapide de l’économie, exigeant l’atteinte de tailles sectorielles critiques. Tout au plus convient-il donc de nuancer rétrospectivement, sans les nier, les synergies opérationnelles et commerciales, parfois surestimées, que ces opérations de rapprochement d’entreprises étaient censées apporter. En outre, malgré le postulat politique d’une Europe unifiée, les obstacles légaux et fiscaux nationaux ont souvent pesé très lourd sur les rapprochements transfrontaliers. Nombreuses sont, aujourd’hui, les études qui s’intéressent au bilan financier des fusions et acquisitions de ces dernières années. Et en particulier à la question de savoir si elles auront, in fine, contribué à sécréter de la valeur actionnariale.

Alors que la plupart de ces études fournissent une réponse négative à cette question, il faut sans doute apporter une réponse plus nuancée. Les fusions et acquisitions sont, à l’évidence, globalement, mais sur le long terme, des opérations rentables, puisqu’elles fondent l’évolution capitaliste depuis des centaines d’années. Elles révèlent un processus évolutif qui voit certaines entreprises et certains secteurs disparaître au profit d’entreprises commerciales plus rentables, et ceci pour le bien collectif. Un indice est d’ailleurs révélateur: les sociétés phares d’une décennie ne sont que rarement celles de la précédente. Il y a quelques années, Eastman-Kodak, une entreprise centenaire s’est, par exemple, fait écarter de l’indice Dow-Jones alors que Microsoft, créée en 1975, y ressortit.

Examinées à l’aune de la théorie de l’évolution, les fusions et acquisitions de sociétés reflètent un cheminement darwinien qui voit en permanence l’actionnariat évoluer, selon les forces du marché et les profils de risques et de rentabilité des investisseurs. Au demeurant, Adam Smith, dans son ouvrage “Théorie des sentiments moraux” (1759), parle de sa fameuse “main invisible” de l’économie qui contribue, selon une logique darwinienne, à la….multiplication de l’espèce humaine. Les opérations de fusions et d’acquisitions ne représentent, dans la plupart des cas, qu’un changement d’actionnariat de référence (ou de contrôle) des entreprises concernées, c’est-à-dire un phénomène discret (ou discontinu) dans le continuum de la modification permanente (et évolutionniste) de l’actionnariat individuel associé aux marchés boursiers. Et, après tout, ces opérations sont d’ailleurs souvent précédées par une multitude de signes annonciateurs.

Incidemment, une vision darwinienne de la bourse devrait conduire un investisseur à une large diversification et à un horizon d’investissement suffisamment long, à l’image des pulsations de l’évolution. L’économiste qui a le mieux compris l’oscillation du marché boursier tendant vers un équilibre permanent, et surtout continu, est Léon Walras (1834-1910). Walras avançait qu’une économie s’oriente vers l’équilibre général dans le cadre d’une concurrence pure et parfaite. Cela a conduit à la théorie du “tâtonnement walrasien”, qu’on peut résumer, à l’instar d’un marché boursier, comme un lieu d’échange au sein duquel toutes les offres et toutes les demandes convergent vers un commissaire-priseur qui affiche les prix: le marché est parfait et fournit des informations justes à l’ensemble des acteurs. Dans la perspective de Walras, le marché boursier est une OPA permanente.

Les fusions et acquisitions ne doivent donc pas être interprétées, de manière manichéenne, comme des facteurs créateurs ou, au contraire, destructeurs de richesses. Elles sont permanentes, et entraînées par le brassage continu de l’actionnariat. En bonne logique, elles sont, sur longue période, génératrices de valeur ajoutée en ce qu’elles facilitent l’allocation du capital. Elles rappellent qu’il n’existe, dans l’absolu, pas de secteurs d’expansion, mais plutôt des opportunités de croissance dont l’exploitation exige des ressources en capital et en hommes. L’essai de catégorisation des phases de contraction et de décontraction boursière est sans doute vain. Chacun essaie d’appréhender l’évolution économique comme une succession d’événements discrets, indépendants mais répétitifs, alors que la circulation et l’allocation du capital procèdent d’un phénomène continu

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