Behaviorisme et Finance Comportementale

Gold : Entretien avec le Co-gérant des fonds Goldsphere et Commosphere chez Edram : Raphael Dubois

Il donne son avis sur l’évolution récente du prix des matières premières et du gold  et  explique au passage  une de ses méthodes d’arbitrage au sein des valeurs de son portefeuille

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Pouvez vous nous présenter rapidement les deux fonds que vous gérez ?

Il s’agit tout d’abord de Goldsphere, spécialisé sur les valeurs aurifères et crée le 30 septembre 2008. Le fonds Commosphere a, quant à lui, été lancé le 31 décembre 2008, avec une politique de gestion consistant à investir sur un portefeuille de valeurs couvrant l’ensemble des matières premières : pétrole, gaz, uranium, métaux de base, métaux précieux et produits agricoles.

Les encours sous gestion de ces deux fonds s’élèvent à plus de 100 millions d’euros pour une clientèle composée de personnes privées et d’investisseurs institutionnels, en particulier des assureurs.

Comment expliquez vous le rebond récent des prix des matières premières industrielles ainsi que le mouvement haussier sur le marché de l’or ?

En 2008, sous l’effet de la crise financière et économique, le prix des matières premières liées aux cycles industriels s’est replié. Pourtant, au premier trimestre 2009, même si la demande des pays développés est restée relativement atone, celle, par contre, en provenance de l’Asie et en particulier de la Chine a montré des signes de reprise, en particulier sur le pétrole, le charbon, le minerai de fer ou bien le cuivre. De son coté, l’offre s’est contractée, dans le même temps, poussant les prix à la hausse, dans un contexte de stocks historiquement peu élevés.

L’OPEP a décidé de réduire de près de 4.5 millions de baril/jour sa production de pétrole, soit environ 5% de l’offre mondiale, sachant que cette baisse a été respectée jusqu’à environ 80% par ses pays membres. La baisse des quotas a été favorisée par la nécessité d’un cours du pétrole plus élevé pour que les membres du cartel équilibrent leurs budgets nationaux. L’offre mondiale de métaux s’est, quant elle, réduite en raison la mise en « stand by » de nombreux projets miniers qui étaient devenus économiquement non rentables en raison de la faiblesse des prix.

Pour le marché de l’or, l’explication est différente. C’est la demande d’investissement qui tire actuellement les prix à la hausse. Face aux craintes inflationnistes mais surtout à la détérioration du cours du dollar, de nombreux intervenants achètent du métal jaune pour se protéger contre la glissade du billet vert. Ces flux financiers représentent aujourd’hui la majeure partie de la demande mondiale d’or. La demande liée à l’industrie et à la bijouterie ne représente, à l’heure actuelle, que 40% de la demande mondiale, à comparer à près de 70%, en temps normal : il faut dire qu’elle subit de plein fouet les effets de la crise économique actuelle. Il est intéressant de noter toutefois que la demande totale d’or (contrairement à celle des autres matières premières) a continué de progresser malgré la crise.

Pouvez-vous nous expliquer une de vos méthodes d’arbitrage au sein de votre portefeuille de valeurs ?

Nos fonds investissent dans deux types d’entreprises : d’un coté, celles ayant d’ores et déjà des capacités de production et de l’autre celles beaucoup plus spéculatives dites « exploratrices » dont l’activité consiste à découvrir de nouveaux gisements.

Lorsque l’appétit au risque des investisseurs est faible, nous avons tendance à favoriser les sociétés productrices génératrices de « cash flows ». Par contre, dans un environnement plus favorable, nous nous intéressons davantage aux sociétés exploratrices, pouvant faire l’objet d’OPA en bourse. La découverte de nouveaux projets majeurs, est, en effet, susceptible d’intéresser les « majors » qui cherchent à maintenir leur niveau de production, dans un contexte général de difficultés croissantes d’accéder aux ressources mondiales. On peut citer, à titre d’exemple, la société Addax Petroleum rachetée par le Chinois Sinopec mi-2009.

Est-il possible, par exemple, de nous présenter une de vos méthodes utilisées pour valoriser une société produisant exclusivement de l’or ?

Une des méthodes utilisées consiste à évaluer le cours implicite de l’or de la société à valoriser. La façon de procéder est la suivante : il suffit de diviser la valeur de l’entreprise (somme de la capitalisation boursière et des dettes nettes) ainsi que les dépenses d’investissement à venir par ses ressources récupérables (auditées et communiquées par la société). En rajoutant à ce chiffre les coûts d’extractions unitaires, on obtient le cours de l’or implicitement reconnu dans son cours de bourse. Ce cours implicite présente généralement une décote, plus ou moins faible par rapport au prix actuel de l’or. Cette décote est souvent fonction d’un risque politique, (lié, par exemple, à une possible expropriation par le gouvernement du pays où se trouvent les mines), géologique ou bien encore technique.

Pensez vous que la hausse du prix des matières premières et en particulier du pétrole va se poursuivre à long terme ?

Je vous citerai quelques chiffres qui parlent d’eux-mêmes : un Américain utilise aujourd’hui environ 25 barils par an. Pour un Européen, la quantité est de 14, quant à un Chinois ou à un Indien, sa consommation est inférieure à 5 barils : je vous laisse imaginer l’impact possible sur les prix …

 En quoi le nouvel accord encadrant les ventes d’or des banques centrales européennes est-il une bonne nouvelle pour le marché de l’or?

La Banque centrale européenne a en effet annoncé début août qu’un nouvel accord de cinq ans encadrerait les ventes d’or à venir des banques centrales signataires du Traité de Washington (CBGA : Central Bank Gold Agreement) et cela est positif pour deux raisons.

Tout d’abord, le quota de ventes annuelles a été revu à la baisse : 400 tonnes contre 500 tonnes. En raison de la crise actuelle et du besoin de nombreux états de « renflouer leurs caisses », on aurait pu craindre une accélération des ventes, pourtant c’est l’inverse qui va se produire…

D’ailleurs, cela fait maintenant 3 ans que le quota n’est pas atteint. Sur le premier semestre 2009, par exemple, les ventes des banques centrales signataires du Traité se sont élevées à seulement 95 tonnes, soit un rythme très inférieur aux 500 tonnes autorisées annuellement.

Le second point positif de ce nouvel accord concerne la mention faite aux ventes d’or à venir du FMI (403 tonnes au total sur les quelques années à venir). Bien que le FMI ne soit pas membre du CBGA, ses ventes seront intégrées au nouveau quota. Le fait que ces ventes soient également encadrées est rassurant pour le marché de l’or car il n’y aura pas de ventes « sauvages » de la part des banques centrales sur le marché.

Il est important de noter que les ventes nettes des banques centrales n’ont été que de 38 tonnes sur le premier semestre 2009. Comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous, non seulement les banques centrales signataires du Traité vendent de moins en moins d’or (bien en deçà de leurs quotas), mais on remarque également un intérêt croissant de la part de pays comme la Russie ou la Chine. Les pays non signataires sont d’ailleurs devenus nets acheteurs depuis fin 2006 avec une tendance haussière. Au cours du deuxième trimestre 2009, la totalité des transactions des banques centrales a même fait ressortir un achat net d’or !

Ndlr : l’annonce cette semaine par la banque centrale de Russie de son intention de vendre entre 20 tonnes et 50 tonnes d’or pour combler, en partie, son déficit budgétaire vont sans doute pesé sur le cours du gold

Comment se sont comportées les autres composantes classiques de l’offre d’or, la production minière et le recyclage ?

La production minière a progressé de 6% au cours du second trimestre 2009 par rapport à l’année dernière pour atteindre 622 tonnes. Cependant, cette hausse s’explique par une base de comparaison favorable ; en effet, la production minière reste inférieure au niveau du troisième trimestre 2008 (634 tonnes) et du quatrième trimestre 2008 (648 tonnes). D’ailleurs, les grandes sociétés du secteur continuent de décevoir quant à leurs niveaux de production.

L’offre issue du recyclage s’est ralentie séquentiellement au second trimestre (334 tonnes) après avoir atteint un pic à 566 tonnes au premier trimestre 2009. Cet essoufflement devrait se poursuivre sauf à s’attendre à une forte progression du prix de l’or. En effet, la crise économique a accéléré le recyclage (beaucoup de personnes ayant monétisé leur or détenu sous forme de bijoux) mais nous notons que les quantités recyclées du second trimestre 2009 sont en recul malgré un cours moyen de l’or toujours en hausse. Elles sont même inférieures à celles du premier trimestre 2008 malgré un cours moyen de l’or équivalent.

L’essentiel des ventes « panique » est donc probablement derrière nous.

Qu’en est-il de la demande ?

La demande de bijouterie a rebondi de 17% au 2e trimestre (416 tonnes) par rapport au trimestre précédent mais reste très faible par rapport à l’année dernière (-22%). Le prix élevé de l’or ainsi que la récession ont bien évidemment pesé sur cette composante de la demande. Toutes les zones géographiques marquent un fort recul à l’exception notable de la Chine (+6% par rapport à l’année dernière). Nous entrons dans la période de l’année la plus faste pour la bijouterie avec des stocks d’or faibles, ce qui laisse présager un second semestre beaucoup plus porteur. Il nous est fait écho d’un intérêt marqué pour l’or de la part des bijoutiers lorsque les cours se rapprochent de 900 USD/oz.

Le risque de baisse du cours de l’or semble donc limité.

Notons toutefois qu’une mauvaise mousson en Inde et/ou une pandémie de grippe limitant le tourisme pourraient toutefois empêcher la demande de bijouterie de rebondir même si nous entrons dans une période propice à la vente de bijoux (festivals en Inde et achats de Noël).

La demande industrielle a elle aussi été faible au deuxième trimestre (93 tonnes, soit -21% par rapport au 2e trimestre 2008) malgré un léger rebond par rapport au 1er trimestre (79 tonnes). Ce rebond, en ligne avec l’amélioration en cours des indicateurs économiques mondiaux, devrait se poursuivre.

C’est encore une fois la demande liée à l’investissement qui permet au marché de l’or dans son ensemble d’être en croissance de 14% au deuxième trimestre, soit 927 tonnes contre 812 tonnes en 2008. En effet, les investissements en or ont progressé de 158% par rapport à 2008 pour atteindre 418 tonnes. Le deuxième trimestre fait tout de même état d’un ralentissement marqué par rapport au premier trimestre 2009 (763 tonnes), la perception du risque systémique bancaire ayant diminué. Le niveau de demande d’investissement reste toutefois très élevé par rapport à la moyenne de ces dernières années.

Notons que si les achats d’ETFs aurifères ont fortement ralenti (57 tonnes contre 465 tonnes au premier trimestre 2009), les achats d’or physique (sous forme de pièces, médailles, lingots…) ont par contre augmenté, compensant en partie le ralentissement observé dans la demande d’ETFs.

(tonnes et %) T2 2008 Poids T2 2009 Poids Evolution

Bijouterie 532 66% 416 45% -22%

Industrie 118 15% 93 10% -21%

Investissement 162 20% 418 45% 158%

Demande totale 812 927 14%

Source : World Gold Council

Comme le récapitule le tableau ci-dessus, le marché de l’or se distingue des autres marchés de matières premières puisqu’il croît malgré la récession (+14%) grâce à la demande d’investissement qui puise justement sa force dans la crise. Notons également le fait que les poids de la demande de fabrication (bijouterie et industrie) et d’investissement se sont presque inversés.

L’évolution actuelle et à venir des différentes composantes de l’offre et de la demande nous conforte dans notre anticipation d’une progression graduelle du cours de l’or au cours des années à venir.

Quel est l’impact de l’évolution récente de l’offre et de la demande sur Goldsphere ?

Les dernières nouvelles dans le secteur de l’or (renouvellement de l’accord des banques centrales, statistiques d’offre/demande au deuxième trimestre) nous rendent confiants quant aux possibilités pour le cours de l’or d’augmenter sur les prochains mois. De plus, nous entrons dans la « haute saison » de l’or avec des stocks faibles chez les bijoutiers.

En termes de valorisation, le secteur reste bon marché. La valorisation des sociétés aurifères par rapport au cours de l’or continue de se normaliser après l’aberration post Lehman Brothers (ratio proche de 12 x). Pour revenir à la moyenne, l’indice des actions aurifères devrait gagner environ 30% ou alors le cours de l’or devrait perdre près de 30% et revenir à 700 USD/oz ; ce dernier scenario nous semble improbable compte tenu de l’environnement de risque financier, la saisonnalité de l’or et les fondamentaux de demande (croissante) et d’offre (non extensible). Nous restons donc largement investis dans Goldsphere.

Nous notons un retour des opérations de M&A dans le secteur (achat de Moto Goldmines par Randgold et AngloGold Ashanti, OPA d’Eldorado Gold sur Sino Gold Mining et entrée au capital d’Osisko par Goldcorp), qui valide l’idée que les relais de croissance vont se faire de plus en plus rares dans le secteur. Ainsi, les projets les plus intéressants ou bien les sociétés avec de la croissance seront les futures cibles d’OPA. Nous renforçons donc régulièrement les lignes dans les sociétés qui pourraient être des « proies » potentielles comme Allied Nevada, Anatolia, Centamin, Detour Gold, Golden Star Resources, Great Basin Gold, Jaguar Mining, Osisko, Red Back Mining… Ces sociétés représentent près de 20% du fonds.

EN COMPLEMENT :

L’attrait stratégique de l’or physique

Par Philippe Pol*

D’autres facteurs que le statut de valeur refuge du métal jaune devraient soutenir son cours, comme l’utilisation dans la bijouterie et l’industrie. Son prix étant peu corrélé à celui d’autres actifs, la conversion d’une partie du patrimoine en or physique permet donc de diversifier davantage un portefeuille.

Depuis toujours, l’Homme a cherché à protéger et à échanger ses biens les plus précieux. L’utilisation de l’or comme ancrage de valeur et moyen d’échange commercial remonte au quatrième millénaire avant J.-C., lorsque les Egyptiens l’utilisaient en lingots d’un poids fixe pour conclure des affaires. En 1971, lors de l’abandon de son amarrage au billet vert par les Etats-Unis, une once de métal jaune valait 35 dollars.

Il y a quelques semaines, l’or a pulvérisé la barre des 1000 dollars l’once. La plupart des indicateurs restent favorables, et tout porte à croire que le mouvement haussier devrait se poursuivre. Nombre d’investisseurs continuent de convertir une partie de leur patrimoine en or. Et certains considèrent que le lieu le plus sûr pour le stocker reste leur domicile.

Parmi les moteurs de la hausse récente, on retrouve bien entendu la crise financière et la perte de confiance envers les établissements bancaires, ainsi que les quantités de liquidités sans précédent injectées dans l’économie mondiale par les politiques extrêmes de relance. L’or, plutôt que les devises, a retrouvé son statut de valeur refuge, comme ce fut le cas lors de précédentes périodes de troubles économiques.

Aux yeux de nombreux intervenants, l’assurance contre la dévaluation des devises, jadis considérées comme sûres, passe ainsi par l’achat et le stockage d’or physique. Mais le stockage à domicile engendre des frais importants en assurances et en sécurité, outre la perte du statut de livraison good for delivery.

Afin de parer à ces inconvénients, l’alternative consiste à acquérir des parts d’un fonds de placement dont la valeur peut être tracée directement à celle des lingots entreposés dans les coffres de l’établissement de gestion. Lorsque celui-ci est reconnu pour sa solidité financière, cette solution peut s’avérer très attrayante. L’investisseur devrait cependant s’assurer que la valeur des parts suit de près le cours de l’or, et que celles-ci demeurent convertibles en métal physique livrable. A noter par ailleurs que, si les lingots sont entreposés dans des coffres agréés, ils conservent leur statut de livraison officiel.

Mais l’attrait de l’or physique dépasse son statut de valeur refuge. Peu importe la devise de référence, le potentiel d’appréciation est lié à des tendances de fond à long terme. La hausse du niveau de vie dans les économies en fort développement entraîne un accroissement de la demande dans plusieurs secteurs. La bijouterie, qui compte pour 57% de la demande mondiale, est un des principaux facteurs de soutien au cours. Le retour de la croissance économique au plan mondial favorisera aussi une reprise de l’utilisation du métal jaune dans les applications industrielles et dentaires, qui comptaient pour plus de 11% de la demande en 2008.

Du côté de l’offre, la hausse des coûts d’extraction et le repli du nombre de sites aurifères entraînent une poursuite de la baisse de la production, qui a chuté de 3% l’an dernier. Les tensions entre la demande et l’offre devraient ainsi durablement soutenir le cours de l’or.

Ces tendances font du métal jaune un placement alternatif attrayant. Alternatif, car l’histoire montre que l’évolution de son prix est peu corrélée à celle d’autres actifs. La conversion d’une partie du patrimoine en or physique permet donc de diversifier davantage un portefeuille, en cristallisant une augmentation de son couple potentiel de rendement/risque.

Aujourd’hui, alors que la question de la résurgence ou non de l’inflation reste ouverte, les perspectives d’évolution du cours – en dollars ou dans d’autres devises – semblent très favorables. Investir dans l’or physique, tout en se libérant des contraintes liées au stockage et en s’assurant de la qualité de sa contrepartie, apparaît donc comme une décision stratégique de choix.

*Senior Investment Manager Pictet (CH) Precious Metals-Physical Gold

LE PRIX DE L’OR A PLUS DOUBLE EN 10 ANS :

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/01dc367c-c1af-11de-b632-098ccfdc6eab/ (cliquez sur le lien)

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