Formation a la gestion de portefeuille

The Economist : Quel avenir pour les dérivés ?

 Warren Buffet les a désignés comme des armes de destruction financière massives (tout en les utilisant de manière régulière le filou). Ils ont aggravé la crise de 2008-2009, considérée comme la plus importante depuis la Grande Dépression des années 1930.

Cela dit, les produits dérivés ont tout de même une cote de popularité très élevée chez les financiers. Et, bien utilisés, ils peuvent rendre de fiers services à l’humanité.

PLUS DE DETAILS EN SUIVANT :

Dans un reportage fouillé intitulé « Over the Counter, Out of Sight »(cliquez sur le lien), The Economist s’attarde aux dérivés et constate que, s’ils sont utiles, ils demeurent aussi très dangereux et implicitement… subventionnés !

Les options sont l’exemple le plus simple des produits dérivés. Avec un future, vous pouvez acheter un bien ou un titre à un prix fixé à l’avance à une date ultérieure, également déterminée à l’avance. Il s’agit d’un contrat dont la valeur est « dérivée » du prix d’une commodité ou d’un autre actif.

The Economist rappelle que les dérivés sont habituellement vilipendés sur la place publique par ceux qui perdent beaucoup d’argent en les utilisant. Et le magazine cite des exemples : les producteurs d’oignons américains pendant les années 1950 (ils ont eu l’appui du futur président Gerald Ford), le Orange County californien et Proctor & Gamble durant les années 1990, Enron, AIG l’an dernier, et, bien sûr, Lehman Brothers. Ces deux derniers s’étant lancés dans une orgie de swaps de défaut de crédit (CDS), une forme de dérivé censée protéger le créditeur contre la possibilité qu’un emprunteur fasse défaut. AIG en avait pour 400 G$ US. Washington a dû allonger 180 G$ US simplement pour sauver l’assureur d’une déconfiture qui aurait fait imploser le système financier américain, et, par effet domino, mondial.

Changer le système

À chaque crise, quelqu’un appelle à des restrictions sur les dérivés. Cette fois, c’est Josph Stiglitz, un prix Nobel d’économie, qui propose que les banques ne puissent plus s’en servir. Cependant, Myron Scholes, un autre nobélisé, réplique qu’une interdiction des dérivés ferait plus de mal que de bien et retrancherait plusieurs décennies de progrès accomplis au système financier mondial.

À cause de la crise, les régulateurs du monde entier sont tout de même sur le point d’encadrer davantage les produits dérivés. Des milliards de profits bancaires et de taxes sont en jeu. Les régulateurs n’auront pas la partie facile. Parce que les dérivés sont des créatures très complexes.

The Economist en fait d’ailleurs une longue nomenclature.

Environ 96% des firmes qui figurent au Fortune 500 s’en servent. Ils permettent à leurs utilisateurs de gérer le risque et entraînent de fortes économies. Ils facilitent beaucoup les échanges mondiaux.

The Economist précise que les dérivés sont vieux de quelques millénaires. Au 17e siècle, les Japonais échangaient des futures sur le riz. Ils étaient négociés à Amsterdam au même moment. Par contre, les dérivés financiers sont récents : ils ont fait leur apparition au cours des années 1970, à cause du besoin de se prémunir contre les fluctuations des devises lorsque le système issu des Accords de Bretton Woods s’est effondré. Ils ont même été encouragés par la suite par les régulateurs, justement parce qu’ils permettent de se prémunir contre le risque, notamment dans l’industrie immobilière.

Les dérivés sont échangés de deux façons : dans les Bourses, et de gré-à-gré, ou over the counter (OTC). Ce dernier marché, très prisé des banques, a littéralement écrasé celui des Bourses. La Banque des règlements internationaux (BRI) l’évalue aujourd’hui à 604,6 trillions $ US. Une estimation qui commande tout de même la prudence.

Un monde opaque

Les régulateurs s’intéressent à ce marché, d’abord à cause de sa taille gigantesque, ensuite les dérivés ont amplifié la dernière crise. Notamment parce que plusieurs dérivés financiers comportent des clauses de « valeur nette ». Celles-ci permettent à la contrepartie qui désire se protéger par un dérivé de déclarer une valeur nette aux actifs sous-jacents, en cas de défaut de la contrepartie. Ceci évite l’attente et le passage devant un tribunal qui fixera une valeur à ces actifs, en cas de défaut de la contrepartie. Elles garantissent aussi une place prépondérante dans la liste des créanciers à celui qui sera protégé par un contrat de dérivé.

Un autre problème avec lequel jonglent les régulateurs est le fait que les dérivés sont implicitement subventionnés par les gouvernements.

Cette situation vient du fait que les banques d’affaires jouent un rôle tellement important dans l’économie (le risque systémique) que les autorités s’assurent qu’elles ne puissent pas faire défaut (le principe du Too Big To Fail). Cette protection gouvernementale de facto se traduit par un risque moins élevé, donc un coût d’emprunt moins onéreux. Ces banques ne peuvent donc proposer des dérivés moins chers que si elles ne bénéficiaient pas de la protection gouvernementale.

De fait, le tiers des dérivés gré-à-gré ne requièrent aucun collatéral, une exigence lorsqu’ils s’échangent sur des Bourses. Autrement dit, les firmes peuvent s’endetter à coût zéro.

La complexité des dérivés constitue un autre risque pour la société. Certains produits sont tellement compliqués que même les souscripteurs les plus avisés ne saisissent pas complètement le risque auquel ils s’exposent. Cette complexité rend difficile l’allocation d’une valeur précise aux contrats de dérivés. Ce qui rend les bilans financiers plus opaques.

Cette situation a mené les banques à prêter davantage, et à des clients plus risqués, parce que la présence de produits dérivés leur permettait essentiellement de partager le risque avec d’autres banques. D’où le soupçon de risque systémique dont parlent Warren Buffett et consorts depuis des lustres.

Ce que les régulateurs proposent

Pour contourner ces problèmes, les régulateurs proposent plusieurs réformes.

Ainsi, un plus grand nombre de produits dérivés devraient être couverts par des chambres de compensation centralisées. Ce qui éviterait aux autorités de se retrouver avec des portefeuilles compliqués, marqués par de grandes quantités d’obligations interconnectées entre plusieurs partenaires.

En fait, les autorités aimeraient que la plupart des dérivés soient échangés sur des Bourses. Ce qui ruinerait le marché de certains dérivés plus exotiques… mais beaucoup plus risqués. Un rsique que la société peut assumer, disent les réformateurs.

Cela dit, constate The Economist, tous les contrats de dérivés ne migreront pas naturellement vers des Bourses. Certains sont gigantesques à un tel point qu’une seule transaction pourrait influencer le cours du marché ! D’autres, si opaques, qu’il sera difficile d’en fixer le prix avec précision. Ces faits créent de l’incertitude pour les négociateurs et les investisseurs.

Dans le noir

Aux États-Unis, le Congrès se prépare à adopter un règlement qui limiterait à 20% la couverture des swaps de défaut des banques.

Il y a toutefois des limites à l’action des régulateurs.

Il est difficile de vraiment fixer une valeur à certains dérivés du simple fait que les données historiques qui permettaient d’en évaluer la volatilité n’existent pas. Et il serait impossible pour plusieurs contreparties de produire le collatéral nécessaire pour garantir le risque d’une immense quantité de contrats. Même le grand patron de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, a reconnu que le gouvernement devra éventuellement s’engager massivement dans une nouvelle crise, initiée ou amplifiée par les dérivés.

Certains s’inquiètent du manque de transparence du marché, qui perdurera malgré les tentatives de réformes.

D’autant plus que plusieurs firmes qui ne sont pas des institutions financières et qui utilisent massivement des dérivés, comme General Electric, demandent à être exclues des nouvelles règles. Elles craignent que les réformes n’entraînent une hausse des prix des dérivés, les rendant inabordables. D’autres craignent que les fonds de couverture (hedge funds) soient exclus des réformes.

Des experts prédisent également que certaines banques tenteront de contourner les nouveaux règlements en confiant une partie de leurs portefeuilles de dérivés à des joueurs non financiers, déjà actifs dans ce marché.

Un indice : certaines de ces firmes embauchent déjà des traders de dérivés actifs au sein des banques et des grandes firmes financières visées par les réformes.

Formation Financière : Les options, un pilier de tout bon portefeuille d’investissement (cliquez sur le lien)

Bourse Pratique : La fiscalité des dérivés et des OPCVM (cliquez sur le lien)

Antoine Paille , la Société Générale et les Dérivés (cliquez sur le lien)

Formation Financière : Lexique des produits dérivés et des nouveaux instruments financiers (cliquez sur le lien)

Stratégie : Réduire la volatilité d’un portefeuille actions en achetant et vendant des options (cliquez sur le lien)

Formation Financière : rapide survol des marchés dérivés (cliquez sur le lien)

Les dérivés financiers, moteurs invisibles de la crise (cliquez sur le lien)

Le contrôle des dérivés de gré à gré se heurte à des obstacles (cliquez sur le lien)

4 réponses »

Laisser un commentaire