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Carmignac Gestion : Milton Friedman (1912–2006),ou les vertus de l’analyse économique

Un texte d’Eric le Coz datant de 2006 mais très intéressant à relire et quelque peu prémonitoire…

Milton Friedman est mort à San Francisco le 16 novembre 2006, à l’âge respectable de 94 ans. Un des deux plus grands économistes du 20e siècle, avec l’anglais John Maynard Keynes, Friedman reste aujourd’hui bien vivant à travers ses théories et sa méthode. Combattant résolu, penseur iconoclaste, intellectuel influent, sa vie et son oeuvre sont riches d’enseignements. Friedman n’a jamais cessé de croire passionnément que les vertus de la liberté individuelle, combinées à des marchés aussi peu réglementés que possible, constituent le meilleur moyen de coordonner les activités d’individus dispersés pour permettre leur enrichissement mutuel. Avec Friedrich Hayek, George Stigler et Maurice Allais (tous quatre futurs prix Nobel d’économie), Friedman a été le chef de file de la révolution économique néo-libérale. Surtout, son talent excellait à déduire à partir d’idées relativement simples des conséquences aussi inattendues que d’une importance majeure

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Né à Brooklyn en 1912, fils d’immigrants juifs autrichiens, il fait des études de mathématiques et d’économie et commence sa carrière universitaire en 1946, l’année même de la mort de l’illustre Keynes. C’est en poste à Chicago qu’il réalise l’essentiel de ses recherches, introduit le courant monétariste et fonde ce qui restera connu sous le nom « d’Ecole de Chicago ». On retiendra parmi les titres les plus connus de son oeuvre les « Essais d’Economie Positive » en 1953, « Une Histoire monétaire des Etats-Unis 1867-1960 » en 1963 et parmi les plus provocateurs « Capitalisme et Liberté » publié en 1966. Il a été Conseiller économique de Nixon et de Reagan, mais avant tout il a passé le plus clair de son temps à rejeter les idées du socialisme et à combattre les idées de Keynes, qui représentaient dans les années 50-60 « la pensée unique ».

Son avancée principale a été de considérer la monnaie comme un actif. Dès lors, l’inflation s’explique toujours par une augmentation de la quantité de monnaie en circulation. Selon Friedman, le rôle de l’Etat en ce qui concerne la politique monétaire doit se limiter à maintenir une quantité de monnaie proportionnelle au volume de la production. Quant aux politiques keynésiennes de relance budgétaire, elles sont inefficaces car leurs effets bénéfiques se limitent au court terme alors que leurs effets néfastes se manifestent à long terme.

Keynes pensait que les décisions en matière de politique monétaire et budgétaire devaient rester à la discrétion d’experts, de mandarins comme lui-même (où plus récemment comme Alan Greenspan !). Friedman au contraire considérait qu’il fallait limiter et encadrer les actions des gouvernements et des autorités monétaires par des règles strictes.

 Ils se sont tous deux exprimés en faveur de taux de change flottants et donc en faveur de la création monétaire par les gouvernements. Friedman a, dans un discours célèbre de 1968, introduit la notion d’un taux de chômage limite au-delà duquel une accélération de l’inflation devenait inéluctable, remplaçant la très fameuse et très en vogue courbe de Philips, décrivant une relation stable entre taux d’inflation et taux de chômage.

Milton Friedman a reçu le prix Nobel d’économie en 1976. Après avoir rencontré de nombreuses résistances, en particulier de la part des universités anglaises, ses idées ont rencontré l’Histoire. Confrontée, au début des années 70 à la fin des accords de Bretton Woods et à la flexibilité du dollar, à la dérive inflationniste qui s’en est suivie, sans précédent en temps de paix, l’opinion a changé et la réponse apportée s’est appuyée sur le monétarisme de Friedman et sur la fixation d’objectifs en termes de masse monétaire et donc en termes de politique de taux d’intérêt.

C’est Paul Volker qui s’en est fait le chantre entre 1979 et 1982, tout comme le gouvernement de Margaret Thatcher dans les années 80. C’est Alan Greenspan qui a fait la démonstration qu’il est possible de maintenir les prix stables.

Pour autant ces victoires se sont faites au dépends des modèles qui les prédisaient : Au fur et à mesure que la victoire sur l’inflation se profilait, la relation entre la masse monétaire et la demande nominale se délitait. Keynes tombait aux oubliettes et Friedman était en passe de l’y rejoindre. Friedman énonça alors que la politique monétaire devait s’attacher à réguler une variable nominale, l’inflation, et non une variable réelle, la création monétaire. C’est la politique qu’a mise en oeuvre avec succès la Banque d’Angleterre et dont Mr Bernanke s’est fait l’avocat aux Etats-Unis sans réussir toutefois à faire adopter son projet.

Forts de ces succès, assiste-t-on à une fin de l’histoire de la pensée économique ? Rien n’est moins sûr. On assiste à un retour d’une « économie classique » basée sur les attentes rationnelles et à l’émergence de recherches centrées sur la rigueur mathématique et l’élégance des modèles.

Friedman dans ses dernières années a résisté au retour en vogue de la très orthodoxe « école autrichienne », préférant toujours l’interprétation pragmatique des évènements de l’économie réelle.

 Aucun de ces débats n’est donc mort. Citons en quelques exemples :

On voit aujourd’hui des phénomènes de convergence monétaire et d’ancrage de monnaies au dollar qui posent de nouvelles questions, qui vont de la monnaie unique à la monnaie comme variable d’ajustement. La conduite des politiques monétaires elle-même fait débat. La Banque Centrale Européenne, dans le sillage de la Bundesbank naguère, scrute la croissance de la masse monétaire, pour y déceler des implications inflationnistes futures, alors même que sa mission n’englobe pas le souci de maximiser la croissance économique.

L’ensemble des banques centrales se sont refusées depuis quelques années de considérer l’inflation des actifs financiers ou réels dans leurs décisions de politique monétaire. L’excès de liquidité induit, relayé par un système bancaire toujours plus créatif, conduit à une activité qui confine à l’excès du « private equity », c’est-à-dire du rachat d’entreprises par des capitaux privés, et plus généralement de l’activité globalement qualifiée de « leverage finance ». Peut-on raisonnablement douter qu’un tel excès de monnaie ne conduise pas à des allocations de capital peu judicieuses ? Peut-on prévoir les effets qu’aurait une soudaine contraction du crédit ou de la propension des banques à le distribuer ? Autant de questions monétaristes dont l’actualité nous interpelle.

Les effets de la globalisation économique sont un enjeu majeur et des plus incertains pour les banques centrales.

Le recyclage des excédents massifs des économies émergentes contribue à alimenter la liquidité mondiale disponible. Cet effet a aujourd’hui supplanté les principales banques centrales dans leur rôle régulateur de la monnaie en circulation.

Qu’en sera-t-il en cas de crise économique ou de repli protectionniste ? Voilà des questions auxquelles il nous faut continuellement nous confronter, et à la lumière desquelles différents scénarii économiques peuvent et doivent être examinés.

Milton Friedman a collaboré au magazine Newsweek de 1966 à 1984, apportant l’éclairage de l’analyse macroéconomique sur les évènements qui jalonnent chaque jour l’économie mondiale. C’est sa très grande modernité. Sortir des sentiers théoriques universitaires pour appréhender le monde réel, l’interpréter et se confronter à ses inévitables contradictions, en dégager une force prédictive utile. C’est l’immense leçon que nous devons retenir de cette vie d’iconoclaste.

Remettre en cause chaque fois qu’il nous semble nécessaire un ordre établi pour réécrire les contours d’une économie mondiale en pleine et profonde mutation, pour en dégager les lignes de force sur lesquelles se porteront demain nos investissements.

Eric Le Coz Carmignac Gestion 2006

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