Beat Wittmann, associé de Dynapartners, s’attend à la poursuite des politiques de stimulus, si bien que l’or et les matières premières sont à privilégiés
Dynapartners, une boutique créée l’an dernier et spécialisée dans le conseil aux institutionnels, vise un rendement absolu qui dépasse à la fois l’inflation et le taux sans risque à l’aide d’une allocation d’actifs flexible. Le directeur général est Beat Wittmann, précédemment responsable d’Investment Solutions pour Julius Baer, et le responsable de l’investissement Giovanni Miccoli, précédemment responsable du trading pour Goldman Sachs Suisse.
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Beat Wittmann joue le mégatrend des ressources naturelles (de l’énergie aux métaux industriels, agricoles et précieux) depuis 2001 dans le contexte de réflation des banques centrales et les besoins des pays émergents.
Après une année 2009 très favorable aux matières premières, Beat Wittmann ne croit pas à un resserrement monétaire de la part des principales banques centrales. Les économies ont encore besoin de stimulus pour maintenir la demande finale. Les taux resteront très bas, selon lui.
Le Temps: Quelles sont les perspectives des matières premières pour 2010.
Beat Wittmann: A moyen et long terme, les besoins vont croître en raison des pays émergents. La grande question qui préoccupe les marchés financiers est celle du prix à payer pour ces attentes et l’intégration des surcapacités industrielles qui règnent actuellement. L’investisseur, même si son scénario est correct, doit aussi accepter une forte volatilité.
– Que pensez-vous du prix actuel du pétrole?
– Les grands producteurs sont intéressés à une lente hausse à long terme pour ne pas accélérer l’émergence de sources alternatives. Je m’attends à une zone de fluctuations entre 60 et 90, sachant les risques politiques possibles ces prochains mois. Nous recommandons 20% dans l’or et 15% dans les matières premières. C’est une pondération respectable, un choix supérieur au consensus pour l’or et plus conforme à la moyenne pour les matières premières. Il exprime aussi notre optimisme pour la croissance mondiale à long terme.
– Pourquoi 20% en or?
– Les politiques de «réflation» soutiennent l’or, ainsi que la crainte de sortie du processus d’endettement par l’inflation et, dans une optique à plus court terme, la nervosité des opérateurs liée aux dévaluations compétitives. Les Etats-Unis suivent une telle stratégie depuis des décennies et la Chine tient à conserver une sa monnaie sous-évaluée. L’or est la monnaie refuge par excellence. D’ailleurs les banques centrales sont acheteurs d’or depuis deux ans.
– 20% en or, c’est davantage qu’une protection, non?
– C’est à la fois une protection et un investissement à moyen terme.
Ces derniers neuf mois, la corrélation entre l’or et les actions a été positive. Traditionnellement, elle est inverse. A moyen et long terme, l’or est une assurance car à long terme la corrélation est négative. Cette position répond aussi à la question de la diversification du portefeuille.
– Quelle est l’alternative à l’or? Les monnaies liées aux matières premières?
– Absolument. Certaines monnaies liées aux matières premières comme le dollar australien, le dollar canadien et la couronne norvégienne sont très intéressantes. Les marchés des capitaux de ces pays et leur système bancaire sont stables. Leur endettement est bas ainsi que leur taux de chômage. Ils doivent forcément poursuivre une politique monétaire plus stricte que la Fed et la BCE. C’est une invitation à la spéculation. Je suis surpris que les attaques spéculatives n’aient pas été plus fortes à travers des stratégies de portage (carry trade) financées en dollars et en euros.
– Quelle est votre opinion de l’Afrique du Sud?
– L’investisseur doit prendre deux décisions, sur les matières premières et sur les choix politiques. Ces dernières sont moins stables qu’en Norvège et au Canada.
L’évaluation des actions canadiennes est attractive. Pourquoi y ajouter un risque supplémentaire?
– Qu’achetez-vous au Canada et en Norvège?
– Des grandes entreprises pétrolières et des entreprises tournées vers le marché domestique, mais aussi la monnaie. Les deux pays offrent aussi une diversification intéressante en cas de problème politique ou de crise au Moyen-Orient. C’est le plus grand risque en 2010. Le Canada et la Norvège sont totalement indépendants de la production au Moyen-Orient.
– Quels sont vos thèmes d’investissement pour 2010?
– Le principal est d’investir dans la qualité, un management forte, des produits compétitifs, une situation financière stable et une évaluation attractive. S’il s’agit d’une action pétrolière, le rendement du dividende doit aussi être attractif.
– Sur le marché pétrolier, est-ce problématique que le pouvoir politique augmente progressivement son emprise sur les décisions?
– Cela peut être problématique, mais c’est une pratique déjà ancienne. L’Etat a toujours joué un grand rôle dans le secteur. Il existe toutefois des entreprises efficaces et bien gérées, avec une protection et un contrôle ultime par l’Etat, à l’image d’Aramco. Il existe aussi de mauvais exemples comme le Venezuela, qui s’est contenté de dévaluer pour doubler ses recettes.
Si vous investissez, les décisions principales sont combien investir, à quel moment, quoi et à quel prix? Quelquefois, les ETF sont utiles, quelque fois des fonds actifs avec une excellente performance par rapport à leur référence, et parfois des valeurs individuelles. Nous avons par exemple investi dans l’or à travers un ETF physique alors que nous préférons des titres individuels dans les ressources naturelles. L’ETF est utile à une approche tactique. Il est liquide et bon marché. Mais attention, tous les ETF ne sont pas bon marché.
L’objectif pour un titre individuel est d’avoir un potentiel de gain de 30% pour un risque de 10% (ratio de 3:1), avec des limites à la hausse et à la baisse pour réduire la volatilité.
– Est-ce que les critiques envers la finance et son rôle sur les matières premières créent des risques importants?
– Le risque d’intervention doit naturellement être pris en compte. La situation doit être analysée au cas par cas. Mais avec des prix relativement raisonnables, le risque est faible. Dans l’histoire, de nombreux pays, à l’image des Etats-Unis, ont par exemple décidé d’interdire la détention d’or.
– Est-ce que la restructuration de la finance pèsera sur les prix des matières premières?
– La hausse des matières premières a commencé vers l’an 2000. La participation du secteur financier sur ces marchés a ensuite fortement augmenté. Beaucoup achètent des matières premières passivement, à travers les indices, si bien que l’activité financière liée à la finance dépasse largement celle nécessaire au financement de l’économie réelle. C’est toujours un risque pour les marchés financiers, car l’intervention de l’Etat est susceptible de modifier les règles du jeu. Ce risque s’est accru ces dernières années. L’analyse de ce risque est difficile à évaluer en l’absence de statistiques fiables.
– Est-ce que l’attention des autorités, et notamment du Financial Stability Forum, ne se porte-t-elle pas plutôt sur d’autres activités?
– Naturellement, l’attention du FSB se porte sur l’épicentre de la crise.
Car les trois principales causes de la crise se trouvent dans l’arbitrage réglementaire (y compris les agences de rating), la politique monétaire expansive de certaines banques centrales, et l’asymétrie des incitations au sein du système (risques de gains pour les banquiers et aucun risque de perte).
Les matières premières ne jouent qu’un rôle périphérique dans l’évolution récente.
– Où en est-on dans l’évolution de la crise?
– Celle de l’extension du feu. Nous n’avons passé que la première des trois étapes. Ensuite, cette année, ce sera l’heure de la politique et des discussions avec les autorités (BRI, G20, FSB, banques centrales, l’industrie). Les grands changements réglementaires ne sont mis en place que trois ou quatre ans après l’éclatement de la crise. Cela crée des risques autant que d’opportunités.
– Quels en sont les effets sur les marchés?
– Ils se lisent dans la réaction aux propositions de Barack Obama et Paul Volcker. Les grandes banques d’investissements ont cédé 5 à 10% en bourse, alors que certaines petites banques régionales se sont appréciées de 5 à 10%.
La différence entre gagnants et perdants va s’accroître.
Il faudra par ailleurs que le dossier des surcapacités soit résolu. On a beaucoup parlé de restructurations dans l’automobile, mais concrètement les surcapacités n’ont pas diminué. Rien n’a changé. Plus on attendra et plus longue sera la crise. Par exemple sur les maillons faibles du système, tels que la Grèce. Je rentre de visites en Norvège et en Espagne. L’écart ne peut être plus énorme. La Norvège est actuellement l’économie la plus stable au monde, avec le chômage le plus bas, l’endettement le plus bas et un système bancaire stable. L’Espagne n’a procédé à aucun ajustement dans l’immobilier ni dans la finance, et elle entre seulement en crise.
– Pour la Suisse?
– Je suis positif sur la Suisse en comparaison internationale grâce à notre faible endettement, un système bancaire stable et une bonne compétitivité, ainsi qu’une monnaie forte (par défaut), capable d’attirer les capitaux. Le plus grand problème est celui des pressions à la hausse sur le franc.
– Où est-ce que vous vous éloignez le plus du consensus?
– Nous avons 20% dans des obligations souveraines allemande et américaine de première qualité. Cela nous distingue du consensus. Mais pour nous, cette position est une assurance en cas de mini-crises.
Par ailleurs, nous ne couvrons plus les positions en dollar. A court terme, il devrait profiter de sa capacité à sortir plus rapidement que l’Europe de la crise.
EN COMPLEMENTS INDISPENSABLES : Beat Wittman : Qualité et sélectivité pour performer en 2010 (cliquez sur le lien)
Un Consensus dangereux parce trop positif des analystes financiers sur les marchés émergents (cliquez sur le lien)
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