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La Chine, un placement risqué ? Bulle ou croissance normale?

C’est la question que se posent plusieurs experts par les temps qui courent. Mais ce débat, quasi-permanent depuis bientôt une décennie, est reparti de plus belle alors que les investisseurs occidentaux se tournent massivement vers les économies émergentes.

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The Economist sonne l’alarme dans un texte intitulé « Central heating » (cliquez sur le lien) et pose la question : la Chine grandit-elle trop vite?

Il y a plusieurs années, le rythme de croissance chinois était d’une telle ampleur et tellement soudain que les économistes occidentaux se sont mis à douter des chiffres officiels. Mais les antennes des firmes financières installées à Hong Kong et sur le continent ont rapidement rappelé les experts à l’ordre. La Chine venait de faire son Grand Décollage.

Puis, au début de la crise financière et économique, en 2008, on a craint que la croissance chinoise ne soit stoppée subitement. Les sceptiques de la théorie du découplage ont été confondus : la Chine a maintenu une croissance infernale, selon les critères occidentaux.

The Economist présente d’ailleurs quelques chiffres concernant le PIB chinois de janvier. Celui-ci est en croissance de 10,7% au quatrième trimestre de 2009 (sur une base annuelle). La production industrielle a fait un bond inimaginable de 18,5% de décembre à décembre. Les ventes au détail, pour la même période, ont crû de 17,5%, la plus forte des deux dernières décennies. Cela s’explique surtout par le plan de relance du gouvernement et les coupures de taxes sur l’achat des voitures neuves.

Surchauffe?

L’an dernier, les économistes s’inquiétaient du taux de chômage à la hausse et d’une menace déflationniste. Cette année, les préoccupations sont différentes : l’économie chinoise est-elle en train de surchauffer? L’inflation s’installe-t-elle à demeure? Elle fut d’ailleurs de 1,9% en décembre.

Mais la hausse de l’inflation s’explique par celle des prix des aliments et, surtout, par l’hiver le plus froid qui a frappé le nord de la Chine depuis des décennies. Début janvier, Pékin a battu un record de froid vieux de 59 ans.

Cela dit, dans certains secteurs de l’économie, les inventaires sont assez bas pour inquiéter les experts. Dans certaines provinces, on rapporte des coupures de courant. Les stocks de charbon sont au plus bas. Et les ouvriers se font plus rares à certains endroits, ce qui pousse les salaires à la hausse. Un phénomène que n’a jamais connu la Chine moderne. L’Empire du Milieu est le théâtre de la plus grande migration humaine de l’histoire. Celle de millions de paysans venus chercher du travail dans les régions côtières.

Certes, le crédit accordé par les banques a commencé à se tarir, mais pas assez pour avoir un effet sur la croissance de l’économie dans son ensemble. On verra si la Banque du Peuple de Chine, la banque centrale, va se résoudre à orchestrer une hausse du taux d’escompte pour freiner une inflation déjà hors de contrôle pour certains.

Justement, sur le front du crédit, Bloomberg publie un texte au titre évocateur : « China’s Growth ‘Too Strong’ for Its Policy Makers »(cliquez sur le lien).

L’article reprend essentiellement les propos du chef économiste chez Goldman Sach, Jim O’Neill. Ce dernier estime que la croissance chinoise est trop forte alors que les officiels chinois tentent de restreindre l’accès au crédit. L’économiste définit l’époque actuelle comme étant celle de « l’âge d’or du consommateur chinois ».

Stocks en baisse

Les stocks diminuent rapidement et les Chinois craignent que les autorités tentent de freiner la croissance et l’inflation en asséchant le crédit. D’où la frénésie de consommation.

Bloomberg écrit aussi que la Bourse chinoise est en baisse. Les investisseurs s’inquiètent de la possibilité d’une nouvelle hausse du taux d’escompte et de restrictions sur le crédit qui viendraient crever la bulle spéculative immobilière constatée dans plusieurs grandes villes chinoises. Bloomberg explique que le gouvernement chinois a abreuvé l’économie de trillions de yuan pour faire face à la crise. Les banques ont offert du crédit à la hauteur de 1,4 trillion $US et le gouvernement a adopté un plan de stimulation fiscal évalué à 4 trillions de yuan sur deux ans.

M. O’Neil prévoit une croissance de l’économie chinoise de 11,4% cette année et de 10% en 2011. Il entrevoit un rebond qu’il qualifie de « super V » et parle d’un risque d’inflation « modeste », tant pour la Chine que l’Inde.

Ne vous inquiétez pas

Pondérant le chaud et le froid, le Financial Times explique que, certes, il y a plusieurs raisons de s’inquiéter d’une possible surchauffe de l’économie chinoise. Mais il se peut fort bien que la Chine, encore une fois, surprenne le reste du monde.

Dans un texte intitulé « Reason vs emotion in China’s growth story » (cliquez sur le lien), le Financial Times écrit qu’intellectuellement, les indicateurs se multiplient pour suggérer que la Chine ne peut continuer indéfiniment dans cette direction. « Mais, instinctivement, on peut penser le contraire. »

Le journal mentionne que le Parti communiste chinois ne tolérera pas une détérioration importante et soudaine de l’économie. Plusieurs raisons macroéconomiques suggèrent que la Chine va encore soutenir des taux de croissance élevée.

De fait, 47% de la population chinoise vit en ville. Un niveau de développement semblable à celui du Japon de 1950, qui connaissait alors une croissance immobilière inouïe. Le développement des infrastructures chinoises en est encore à ses débuts, notamment en ce qui concerne le gaz destiné à chauffer les immeubles et les logements. Aqueduc et égouts sont encore à installer partout en Chine. Ce pays en est encore au début de la construction de son réseau national de trains à haute vitesse. Ce mode de transport fera chuter considérablement la durée des voyages de millions de Chinois, ce qui se traduira par des gains de productivité gigantesques.

De plus, à cause de sa politique d’enfant unique, les Chinois n’ont d’autre choix que de construire immeubles et infrastructures quand ils le peuvent encore. Car la population va commencer à vieillir à partir de 2015. L’épargne va alors se contracter alors que des millions de retraités vont commencer à vivre de leurs rentes. Un phénomène qui fera toutefois croître encore la consommation. Ce qui aura pour effet de corriger les déséquilibres économiques constatés de nos jours.

Globalement cependant on peut dire que la Chine inquiète. Les marchés bruissent de commentaires rivalisant de pessimisme sur la future deuxième économie du monde (la Chine devrait dépasser le Japon cette année). Après une année 2009 marquée par une ruée sur l’Asie émergente, ce retournement de tendance impressionne. Il est d’autant plus préoccupant que plusieurs gourous des marchés prennent des positions tranchées. Kenneth Rogoff, ancien économiste en chef du FMI, craint le gonflement d’une bulle sur le crédit chinois. Quant à Chris Rice, gérant de fonds chez Cazenove Capital, il n’est guère plus optimiste: «Il n’y aura pas de thème d’investissement plus décevant que la Chine dans la prochaine décennie. Ce marché partage de nombreuses similitudes avec la bulle des nouvelles technologies du début des années 2000

Selon JPMorgan qui propose une analyse transversale l et une remise en perspective interessante la vigueur de la reprise en Asie émergente traduit le redressement de l’activité par rapport à des niveaux faibles observé pendant la récession.

Toutefois, de récents indicateurs montrent que deux autres thèmes entrent en jeu. Premièrement, la demande intérieure joue un rôle de plus en plus important.

La croissance des ventes au détail et des investissements en capitaux fixes en Chine est ressortie à 17 % en rythme annualisédepuis début 2008. Al’image de l’ Inde, la croissance solide de la production industrielle s’explique pour l’essentiel par la hausse de la demande de biens de consommation durables dans le pays. Des progressions similaires des dépenses de consommation ont été constatées dans toute la région.

Deuxièmement, les exportateurs asiatiques bénéficient de la reconstitution des stocks par les entreprises. Un indicateur indirect J.P. Morgan des ventes fermes mondiales fait apparaître une augmentation régulière, ce qui laisse entrevoir une reprise de la consommation mondiale capable de servir de relais à la croissance chinoise….

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