Lehman Brothers avait caché une partie de ses dettes
Provoqué avant tout par des erreurs de jugement, l’effondrement de l’institution de Wall Street a été précédé de tentatives visant à masquer jusqu’à 50 milliards de dollars de dettes, selon le rapport de l’expert judiciaire
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Les mois qui ont précédé la spectaculaire faillite de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, ne sont pas restés exempts de taches. Dans leurs efforts toujours plus désespérés pour assurer la survie de leur institution, certains dirigeants de ce qui était alors la quatrième banque d’affaires de Wall Street se sont livrés à des manipulations comptables afin d’embellir leur bilan. Ils ont dissimulé des dettes dépassant 50 milliards de dollars au public, aux autorités de régulation et même à leurs propres administrateurs.
Ces révélations figurent dans le très épais rapport de l’expert judiciaire Anton Valukas, mandaté par le Tribunal des faillites du district sud de New York, dont les 2200 pages ont été publiées jeudi soir.
Prêts toujours plus élevés
Le premier visé est Dick Fuld, alors directeur général de la banque, qui avait accédé à ce poste après avoir passé l’essentiel de sa carrière dans la maison. Trois directeurs financiers sont également concernés: Christopher O’Meara, Erin Callan et Ian Lowitt. Ce sont ces quatre responsables qui ont décidé des manipulations comptables, à l’insu des autres membres de la direction et des administrateurs. Le réviseur Ernst & Young se voit reprocher sa passivité. Informé des opérations comptables, il n’a pas transmis l’information aux administrateurs.
Les dissimulations se sont faites au travers d’opérations de refinancement permettant à la banque de se procurer des liquidités à court terme en mettant des actifs en gage. Ces opérations sont normales pour autant qu’elles soient annoncées comme des emprunts. Cependant, la banque qualifiait les mises en gage de «ventes d’actifs», induisant le public en erreur.
Modestes au début, ces opérations ont pris une très grande ampleur dès la fin de 2007 et durant les bouclements des deux premiers trimestres de 2008.
L’expert n’a pas noté d’autres faits majeurs susceptibles de faire l’objet de poursuites pénales de la part des victimes de la faillite. Il note cependant que certains actifs immobiliers ont été surévalués de 450 millions de dollars, ce qui peut donner l’objet de nouvelles poursuites. Il reproche aussi à JP Morgan, mais sans insister, d’avoir exigé des garanties trop élevées de Lehman Brothers la semaine précédant la faillite. Citigroup, qui avait aussi élevé in extremis ses exigences, fait l’objet d’une accusation similaire.
En revanche, Anton Valukas ne soutient pas la rumeur d’un lâchage de Lehman par Henry Paulson, le secrétaire au Trésor d’alors et ancien directeur général de Goldman Sachs. «En aucun cas Lehman ne devait assumer le rôle de victime sacrificielle», écrit-il, citant les propos du directeur juridique de la Fed de New York, Thomas Baxter.
«Décisions normales»
Si la faillite a eu lieu, c’est d’abord en raison de la stratégie erronée de fuite en avant conduite par la banque dans les années précédant sa disparition et non pas à cause des manipulations, estime l’expert judiciaire.
En investissant massivement dans les prêts titrisés dans l’immobilier, la banque s’est exagérément chargée d’actifs devenus illiquides lors de l’éclatement de la crise des «subprime» à l’été 2007 et a rencontré des difficultés toujours plus grandes à faire face à ses obligations financières.
«Lehman s’est effondré car elle n’a pas été capable de garder la confiance de ses créanciers et de ses contreparties et parce qu’elle n’avait pas assez de liquidités pour faire face à ses obligations», écrit Anton Valukas: «Les décisions qui ont conduit Lehman à sa crise de confiance peuvent avoir été erronées, mais elles ont été prises dans le cadre normal des affaires. Par contre, la décision de ne pas publier ces décisions ouvre la voie à des prétentions contre les responsables qui les ont prises.»
Selon le rapport d’Anton Valukas, Lehman Brothers a dissimulé des dettes afin de présenter un passif moins inquiétant aux investisseurs, aux partenaires commerciaux et aux autorités de surveillance, afin de maintenir sa capacité à lever du crédit sans avoir à le payer plus cher.
La banque «a employé des véhicules hors bilan, connus à l’interne comme des transactions «repo 105» et «repo 108» pour retirer temporairement des titres de son bilan, habituellement sur des durées de sept à dix jours afin de créer une image trompeuse de la situation financière de la société à la fin de2007 et en 2008», écrit l’expert dans son rapport.
Techniquement, l’opération n’était pas très différente d’un prêt «repo» normal: moyennant la mise en gage de titres, la banque se procurait auprès d’autres établissements des liquidités à court terme, lesquelles étaient employées à réduire la dette de la société. La différence par rapport à la pratique normale vient que la banque concédait des actifs dont la valeur était sensiblement plus élevée que les liquidités qu’elle obtenait en échange. L’écart était de 5% pour les prêts «repo 105» et de 8% pour les prêts «repo 108».
Le dérapage s’est produit au moment de qualifier ces mouvements. Pour la banque, les actifs gagés étaient considérés comme «vendus» alors même qu’elle les récupérait quelques jours plus tard au moment de rendre les liquidités empruntées. L’essentiel, pour les responsables de cette pratique, était que les liquidités obtenues masquent des dettes des livres de comptes lors des bouclements trimestriels. C’est pourquoi la banque a recouru à cet instrument à fin décembre 2007, à fin mars, puis à fin juin 2008. Le personnel concerné n’était cependant pas dupe. Il qualifiait cette pratique de «tour de passe-passe».
Selon le rapport, la banque a levé des sommes toujours plus importantes dans ces opérations. En décembre 2007, elle empruntait 38,6 milliards de dollars. En mars 2008, ce sont 49,1 milliards qui ont été ainsi empruntés, et 50,38 milliards à la fin de juin. Ces manœuvres lui permettaient d’abaisser son levier de manière significative.
En décembre, celui-ci s’affichait à 16,1 fois les fonds propres. Sans les manipulations, il aurait été de 17,8 fois. En mars, le levier publié était de 15,4 fois les fonds propres alors que le réel était de 17,3 fois. En juin, le levier publié était de 12,1 fois les fonds propres, le réel de 13,9 fois.
source le temps mars10
ce rapport est édifiant; on trouve des sociétés de révision qui sont prêtes à fermer les yeux à chaque fin de trimestre pour que la société sous surveillance puisse mentir éhontément.
quid de celles qui ont été sauvées…
il n’y a aucune raison que leur rapport fonds propres / taux d’endettement soit celui affiché et c’est très fâcheux.
On a en effet beaucoup mis en cause les manquements des agences de notations, rarement ceux des sociétés de révisions chargées de la certification de comptes….parfois douteux…subprime oblige !!!