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Gold : Les gérants ont des interrogations sur la pérennité de la tendance haussière

L’once d’or à Londres, après avoir dépassé les 1.200 dollars à la fin de l’année dernière, est revenue autour des 1.100 dollars Mouvement conjoncturel ou amorce d’une tendance de long terme à la baisse : si la confiance perdure généralement, certains gérants s’interrogent….

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Il est des prophètes que les marchés écoutent. Et le financier Georges Sorros fait partie de ceux-là. Alors, lorsqu’il déclare, à la fin du mois dernier, que « l’or est l’ultime bulle », les investisseurs s’interrogent.
 
Après une tendance de plus de dix ans à la hausse, les cours de l’or s’apprêtent-ils à se retourner ?
 
Si l’équilibre entre l’offre et la demande se maintient et paraît même, dans une certaine mesure, soutenir les cours, le marché reste toutefois limité et des ventes massives pourraient, selon certains professionnels, provoquer de graves problèmes de liquidités.
Des inquiétudes partagées même si, « en termes réels, rappelle Evy Hambro, managing director, gérant de portefeuilles et codirecteur de l’équipe Actions ressources naturelles de BlackRock, le cours du métal jaune est nettement inférieur à son pic de 1980 puisque cette année-là, le prix de l’once d’or avait atteint 850 dollars, ce qui équivaudrait aujourd’hui à plus de 2.000 dollars après correction de l’inflation ».

Production stable.

En premier lieu, l’offre a eu tendance à se stabiliser. Après avoir connu un pic au début des années 2000, la production d’or se maintient aujourd’hui autour de 2.500 tonnes (voir le tableau), selon les statistiques du World Gold Council. « Sur le marché primaire, il est de plus en plus difficile de trouver et d’exploiter de nouvelles mines,déclare Anne Ruffin responsable de la gestion actions matières premières chez Amundi. Les contraintes environnementales et géopolitiques sur l’offre de métal primaire sont de plus en plus fortes. »Les mines, très matures et développées depuis plus de dix ans, n’ont pas été remises à niveau. « Leur déclin n’est donc pas compensé par de nouveaux gisements qui viendraient en production dans les années à venir », continue la gérante.
En six ans, le coût de production d’une once d’or est passé de 180 dollars l’once en 2003 à 500 dollars en 2009. « Ceci a été la conséquence pour partie de la baisse de la rentabilité des mines – il faut aujourd’hui traiter un volume de minerai beaucoup plus important pour atteindre la même quantité d’or produite – et pour partie de la hausse des matières premières. Ensuite, le coût de la main-d’œuvre a fortement augmenté. Enfin, le prix de remplacement et de développement de nouvelles mines s’est nettement accru », précise Benjamin Louvet, associé gérant chez Prim’Finance. « En prenant en compte tous ces critères, le coût de production d’une once d’or atteint une fourchette comprise entre 750 et 800 dollars », complète-t-il. En rajoutant les marges du secteur d’activité, aux alentour de 20 %, le prix d’équilibre d’une once d’or, pour que l’industrie reste pérenne, se situe donc entre 900 et 1.000 dollars, soit autour des cours aujourd’hui observés.

Banques centrales acheteuses.

Dans le même temps, l’offre naturelle des banques centrales a disparu. « Alors que ces dernières, depuis des années, étaient structurellement vendeuses d’or, elles sont devenues acheteuses nettes au cours de l’année dernière, note Benjamin Louvet. Cette tendance joue en faveur d’un maintien des cours élevés. En effet, les banques acheteuses aujourd’hui sont de nouveaux acteurs sur le marché, comme le Sri Lanka, l’Ile Maurice, la Chine ou l’Inde. »La banque centrale de ce dernier pays a d’ailleurs acquis 200 tonnes des 400 tonnes d’or que souhaitait vendre le FMI à un cours de 1.040  ollars l’once, bien supérieur à la moyenne des cours annuels de l’once d’or en 2009, à 871 dollars.

Petite Chronique du Chercheur d’or : la Chine, toujours la Chine (cliquez sur le lien)

Variables d’ajustement.

Ces volumes, directement issus des mines, sont ensuite complétés par le recyclage, correspondant en 2009 à près de 40 % du marché. Si les quantités d’or recyclé ont fortement augmenté, elles pourraient se tasser en cas de baisse des prix. Ces masses mises sur le marché n’inquiètent donc pas les gestionnaires.

En revanche, les rachats d’or des mines, correspondant à l’abandon de leur politique de couverture depuis une dizaine d’années (le « déhedging ») et comptabilisés en négatif dans l’offre (donc correspondant à une demande), se sont taris et devraient cesser dans deux à trois ans. La production offerte sera alors mathématiquement supérieure de 200 à 300 tonnes par an à ce qu’elle est aujourd’hui.

Demande physique en baisse compensée par les financiers.

La demande physique a fortement baissé l’année dernière, les volumes de la joaillerie passant de 2.187 tonnes en 2008 à 1.747 tonnes en 2009. Cependant, selon Anne Ruffin, « la demande est aujourd’hui moins sensible au prix de l’or. En effet, elle est davantage liée à l’enrichissement dans les pays émergents. D’ailleurs, le recul de la joaillerie observé l’année dernière est sans commune mesure avec ce que nous aurions pu avoir avec la hausse massive des cours ».

Par ailleurs, cette baisse a été compensée par le développement très rapide de la demande d’investissement caractérisée par les ETF qui, lorsqu’ils sont souscrits, doivent investir les montants gérés en or physique. « La demande a atteint un plancher qu’il sera difficile de percer. En effet, le pôle investissement, qui représentait alors 15 % des volumes, en représente aujourd’hui 33 %, constate Benjamin Louvet. Dans les mois qui viennent, l’investissement en or devrait se maintenir et la demande en joaillerie rebondir puisque les joaillers ont eu tendance à diminuer leur stock l’année dernière et devront le reconstituer. »

Facteurs de risque.

Malgré cet équilibre entre offre et demande, plusieurs facteurs militent pour l’arrêt de la hausse des cours de l’or.

La progression du billet vert pourrait tirer les prix du métal précieux vers le bas, même s’il faut relativiser le lien existant entre l’or et la monnaie américaine. Cependant, « à très long terme, les corrélations les plus fortes des cours du lingot concernent davantage les taux d’intérêt réels et la création de masse monétaire », précise Alain Corbani, directeur général et gérant des fonds chez Commodities AM.

Ensuite, si le marché d’or-investissement soutient aujourd’hui les cours, il pourrait cependant en augmenter la volatilité. « Dès qu’un marché se financiarise, la volatilité augmente », affirme un professionnel.

 Enfin, un chiffre inquiète certains spécialistes du secteur. Les « investissements résiduels », c’est-à-dire la simple différence comptable entre l’offre et la demande d’or fait apparaître une demande non expliquée de 504 tonnes d’or (soit environ 13 % de la production), différence entre les 3.890 tonnes de l’offre et les 3.386 tonnes de la demande comptabilisés. « Cette différence provient des marchés de gré à gré qui ne passent pas par les canaux officiels », explique un gérant.

Conclusion : le marché de l’or a eu tendance à s’opacifier ces dernières années. Et ce n’est jamais très bon signe.

Par Franck Joselin – 12/03/2010 agefi

 
 

 
 
 
 
 
 
 

EN COMPLEMENT : Evy Hambro, managing director, gérant de portefeuilles et codirecteur de l’équipe Actions ressources naturelles de BlackRock / La fièvre de l’or continuera-t-elle en 2010 ? 

L’or a clairement le vent en poupe. Il s’est apprécié de 27% en 2009, ce qui marque sa neuvième année consécutive de hausse et sa période la plus faste depuis 40 ans. La précédente période d’euphorie sur le marché de l’or (cinq années consécutives de hausse) remonte au début des années 1970, lorsque le gouvernement américain a décidé de supprimer la convertibilité du dollar. 

La tendance actuelle perdurera-t-elle en 2010 ?

D’un point de vue statistique, une tendance est un mouvement de long terme, qui a donc une plus forte probabilité de continuer que de s’achever. Quant aux fondamentaux, ils accréditent aussi le scénario d’une poursuite de la hausse des cours de l’or. 

L’une des principales évolutions du marché de l’or ces dernières années a été l’émergence des fonds indiciels cotés (ETF), qui ont contribué à stimuler la demande des investisseurs. Cette demande est importante car elle constitue le principal moteur de la tendance structurellement haussière des prix de l’or. 

Les facteurs qui expliquent l’engouement des investisseurs pour l’or – au premier rang desquels les craintes d’une dépréciation du dollar et d’une résurgence de l’inflation à moyen terme – ne semblent par pour l’heure sur le point de se dissiper

Le prix du lingot d’or étant exprimé en dollars, le métal jaune est intrinsèquement lié à l’évolution de la monnaie américaine. Pour autant, l’or étant un actif physique, la quantité d’or qu’un investisseur détient restera constante indépendamment des fluctuations du billet vert. C’est pour cette raison que les investisseurs se tournent vers l’or lorsque le dollar se déprécie.

 Il en va de même lorsque l’inflation augmente. La hausse du cours de l’or – actif physique – permet de compenser en partie l’impact de l’inflation, qui se traduit par une érosion du pouvoir d’achat d’une devise. C’est ce que l’on observe actuellement sur le marché de l’or, les mesures d’assouplissement quantitatif mises en œuvre par les banques centrales du monde entier alimentant les craintes inflationnistes. 

Le Graphique du Jour :L’accumulation des réserves d’or dans le Monde et les inquiétudes que cela exprime (cliquez sur le lien)

Serge Laedermann : Avec le sauvetage de la Grèce le bateau ivre s’échouera plus loin (cliquez sur le lien)

Si les cours de l’or réagissent à de nombreux facteurs, le dollar et l’inflation exercent actuellement une influence prépondérante sur l’évolution du métal jaune, même si la corrélation n’est pas parfaite.

La réduction de la production aurifère et la possibilité d’une diminution des ventes nettes des banques centrales (qui pourraient même devenir acheteuses nettes) constituent deux autres facteurs de soutien à long terme.

S’agissant des valeurs aurifères, celles-ci montrent actuellement une certaine sensibilité au prix du lingot, contrairement à ce que l’on a pu observer ces dernières années du fait de l’envolée des coûts d’exploitation. Ceux-ci ayant désormais tendance à se stabiliser, le secteur devrait voir sa rentabilité augmenter à la faveur de l’appréciation du métal jaune, une situation de nature à susciter un regain d’intérêt de la part des investisseurs.

Le marché se demande si les cours de l’or pourront se maintenir à leur niveau actuel. A cet égard, il convient de rappeler qu’en termes réels, le cours du métal jaune est nettement inférieur à son pic de 1980, puisque cette année-là, le prix de l’once d’or avait atteint 850 dollars, ce qui équivaudrait aujourd’hui à plus de 2 000 dollars après correction de l’inflation. Cette période de hausse s’est accompagnée d’un accroissement de la volatilité, qui nous semble appelé à perdurer.

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