Etats-Unis

Harry Markopolos : celui qui avait percé le jeu de Bernard Madoff

 L’analyste financier Harry Markopolos a tenté pendant près d’une décennie de lever le voile sur les opérations frauduleuses de Bernard Madoff. Ignoré par les inspecteurs de la SEC, malgré la soumission de plusieurs rapports détaillés, il raconte dans son livre No One Would Listen comment il a mené son enquête sur l’un des plus grands fraudeurs de l’histoire.

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Il y a près de dix ans, Harry Markopolos mettait la main sur un prospectus traitant de la stratégie d’investissement de Bernard Madoff. Alors analyste spécialisé dans les actions, il s’aperçoit rapidement que les rendements promis ne peuvent pas être le fruit d’opérations légales.

Il recrute alors une équipe, tous des travailleurs de la finance, qui mènera à temps perdu une enquête sur Bernard Madoff, à l’époque un des financiers les plus reconnus et les plus admirés des États-Unis. Son livre, No One Would Listen, raconte son périple à travers la bureaucratie américaine jusqu’au dépôt des accusations contre Bernard Madoff, en pleine crise financière.

Dans son livre, il raconte comment il était prêt à s’attaquer physiquement à Madoff au cas où il recevrait des menaces sérieuses de la part du financier : « S’il me contactait et me menaçait, j’étais prêt à me rendre à New York et à me charger de lui ».

« Le cas échéant, c’est le gouvernement qui m’aurait forcé à prendre ces mesures en manquant à ses devoirs et en ne me protégeant pas, ajoute-t-il. Je sentais que je n’avais pas d’autres options. J’allais le tuer. »

Selon lui, une partie des fonds investis chez Bernard Madoff provenaient d’organisations criminelles, comme la mafia russe, qui n’hésiteraient pas à tuer si leurs investissements étaient compromis. Durant toute son enquête, il a donc pris des précautions importantes pour assurer sa sécurité personnelle ainsi que celle de sa famille.

« Je ne démarrais jamais ma voiture sans regarder en dessous, explique-t-il. Si Madoff voulait me tuer, il allait se servir de professionnels pour le faire. »

Il soutient d’ailleurs avoir fait passer à Eliot Spitzer, alors procureur général de l’État de New York, l’ensemble des conclusions de son enquête lors d’un événement où Eliot Spitzer était présent. Inquiet et désireux de conserver son anonymat, Harry Markopolos n’avait pas alors osé donner son rapport en mains propres au politicien. Il ne reçut aucune réponse.

« Il n’y a pas de preuve qu’il ait jamais lu mon rapport, je ne suis même pas certain qu’il l’ait reçu, raconte-t-il. C’était peut-être une erreur tactique de ma part, j’aurais dû comprendre que les soumissions anonymes sont rarement prises au sérieux. »

Cité par le Huffington Post, Eliot Spitzer soutient ne jamais avoir reçu le rapport en question : « J’aurais souhaité l’avoir, nous fouillions toutes les pistes que nous avions et beaucoup des affaires sur lesquelles nous enquêtions commençaient par les allégations d’informateurs anonymes ».

Harry Markopolos n’est pas tendre pour les enquêteurs de la SEC. Selon lui, ils ne seraient pas capables de trouver de la « crème glacée dans un Dairy Queen ». Entre 2000 et 2005, Harry Markopolos aurait envoyé pas moins de cinq rapports à la SEC. L’un d’eux se nommait « Le plus grand fonds spéculatif du monde est une escroquerie ».

Il raconte aussi ses rencontres avec des personnages importants de la SEC tels que Meghan Cheung, alors chef de la branche new-yorkaise de la SEC, sa directrice assistante Doria Bachenheimer ainsi que le directeur régional de l’application des lois pour l’État de la Nouvelle-Angleterre, Grant Ward.

À propos de sa rencontre avec ce dernier, Harry Markopolos dira : « Alors que je lui expliquais cette fraude massive, il m’est rapidement apparu qu’il n’avait pas compris un traître mot de toutes mes explications. Si des regards vides avaient pu se transformer en dollars, je serais sorti riche de cette salle. »

« Il a été froidement poli, mais ne m’a pas posé une seule question pertinente, ajoute-t-il. Je n’ai jamais su si cette attitude représentait un manque d’intérêt, une incompréhension ou simplement son désir d’aller dîner. »

Selon lui, le personnel enquêteur de la SEC est toujours incompétent. Le Huffington Post rapportait d’ailleurs récemment ses paroles au sujet de l’actuelle présidente de l’organisation : « Mary Shapiro a les mauvais employés […] C’est une bande d’imbéciles ».

source f&i mars10

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