Certaines règles de vente stop peuvent ajouter au portefeuille jusqu’à 1 % de rendement net par mois
Lorsque la bulle des .com a explosé, au printemps 2000, et que le marché a amorcé sa descente aux enfers, les investisseurs ont figé sur place comme des chevreuils hypnotisés par les phares d’un camion. Certains ont attendu que leur portefeuille perde plus de 50 % de sa valeur avant de réagir. ” La Bourse, ça monte, ça descend ! ” ” Après la pluie, le beau temps ! ” disaient les plus positifs.
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Et pourtant, quand on subit une lourde perte, la pente à remonter peut être longue et pénible. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer ce qui suit.
Si votre portefeuille encaisse une perte de 30 %, il vous faudra un gain de 43 % pour revenir au point de départ. Si cette baisse est de 40 %, il vous faudra un gain de 67 % pour compenser votre perte. Et si votre portefeuille baisse de 50 %, ce qui est souvent la norme chez les investisseurs les moins bien diversifiés, vous devrez obtenir un rendement de 100 % pour récupérer. Combien d’investisseurs ne sont même pas au courant de cette statistique financière la plus élémentaire ? Ils raisonnent comme s’il fallait un gain de 50 % pour effacer une perte de 50 %.
Tous les entraîneurs sportifs professionnels savent qu’il est impossible de remporter un championnat sans une bonne défensive. Le même principe peut s’appliquer à la gestion de portefeuille : il est difficile de tirer son épingle du jeu dans le merveilleux monde du placement sans une bonne stratégie défensive. Or, qui dit ” stratégie défensive “, dit ” ordre de vente stop ” (stop loss order).
Ordre de vente stop
Un ordre de vente stop est un outil qui peut vous aider à protéger vos profits ou à limiter vos pertes en cas de baisse des marchés, notamment si vous ne surveillez pas les marchés au quotidien (ou que vous partez en vacances).
Un ordre de vente stop est un ordre de vente qui se fait au marché lorsque le prix d’un titre atteint ou franchit le cours limite que vous avez fixé. Les investisseurs aguerris s’en servent pour limiter leurs pertes si un titre n’évolue pas comme ils l’espéraient, ou encore pour protéger leurs profits si un titre qu’ils ont acheté a atteint un sommet et commence à reculer.
Un ordre d’achat stop est l’opposé d’un ordre de vente stop, puisqu’il est destiné à l’investisseur qui a vendu un titre à découvert en vue de réduire une perte ou pour protéger un profit en prévision d’une hausse des cours.
Les Bourses canadiennes et américaines offrent toutes sortes de modalités d’ordre de vente et d’achat, qui peuvent varier d’un marché à l’autre. Par exemple, lorsque vous attribuez un ordre de vente stop et que le titre descend au seuil que vous aviez fixé, votre ordre est converti en ordre au marché et est éventuellement exécuté au meilleur cours offert. Si votre titre (ou le marché) est très volatil, le prix que vous obtiendrez lorsque votre ordre sera exécuté risque d’être nettement plus bas que celui que vous souhaitiez. Pour éviter ce genre de situation, vous pouvez établir un arrêt de limite, c’est-à-dire un prix en bas duquel vous ne voulez pas vendre vos actions. Si votre titre chute en-deça de votre arrêt de limite avant que votre ordre ne soit exécuté, votre ordre pourra rester valide et être éventuellement déclenché si jamais les cours remontent.
Imaginons que vous êtes le genre d’investisseur qui refuse de perdre plus 10 % sur une position. Si vous avez acheté le titre XYZ à 50 $ l’action, vous aurez à établir un ordre de vente stop à 45 $. En théorie, il s’agit d’une bonne me-sure défensive, mais en pratique, c’est souvent autre chose. En effet, il se peut bien que votre titre ait une volatilité de 10 % par semaine, ce qui signifie que vous passerez votre temps à l’acheter et à le vendre sans jamais faire de profits.
Il n’y a pas de règle d’or universelle en matière d’ordre de vente stop. Tout dépend de votre style d’investissement. Un négociateur sur séance (day trader) n’aura aucune difficulté à gérer une norme de stop loss de 5 %. L’investisseur qui a un horizon de placement d’un an et plus devra généralement fixer la barre à 20 %, et même plus.
Les ordres de vente stop peuvent limiter vos pertes quand vous achetez un titre qui se met à descendre dès que vous l’ajoutez à votre portefeuille, tout comme ils peuvent servir à protéger vos gains quand un titre monte beaucoup. Dans ce dernier cas, l’ordre de vente doit être constamment ajusté en fonction de la hausse du titre (on parle alors de trailing stop loss).
Par exemple, vous pourriez établir la règle que tout titre de votre portefeuille sera vendu dès qu’il baisse de 15 % depuis son dernier sommet. L’analyse technique peut vous aider à mettre en place une telle règle – ou quelque chose de très similaire – grâce à l’utilisation des graphiques et des courbes de moyennes mobiles. Ainsi, un titrepourraitêtre vendu dès qu’il passe sous sa moyenne mobile des 20, 30 ou 40 derniers jours, au choix de l’investisseur.
Police d’assurance
La beauté des ordres de vente stop, c’est qu’ils ne coûtent rien à mettre en place et qu’ils sont relativement faciles à gérer.
Ils exigent de l’investisseur rigueur et discipline, et supposent qu’il ne s’attachera pas trop aux titres de son portefeuille. Certes, il est impossible d’éliminer toutes traces d’émotions du processus de décision en matière de placement. Par contre, une bonne règle de stop loss peut agir comme une police d’assurance qui neutralisera l’excès d’optimisme et les sentiments parfois trop intuitifs et trop positifs des investisseurs.
Le gestionnaire de portefeuille Tom Basso, qui a connu beaucoup de succès sur tous les types de marchés financiers (matières premières, actions, devises, etc.), expliquait en entrevue que le coeur de sa philosophie d’investissement réside dans sa stratégie de sortie de ses positions. À un point tel qu’il n’hésite pas à dire qu’un investisseur peut faire de l’argent en choisissant ses titres au hasard (action, matière première, obligation ou devise), en autant qu’il ait une règle adéquate pour couper ses pertes et protéger ses gains.
Tom Basso a testé cette hypothèse à partir de données historiques provenant du marché des contrats à terme, et a alors découvert qu’on peut faire de l’argent en ayant une stratégie d’achat aléatoire, à la condition qu’elle soit combinée avec une stratégie de vente raisonnée et rigoureuse.
Van K. Tharp, auteur de Trade Your Way To Financial Freedom (McGraw-Hill, 2007), s’est livré au même exercice de simulations rétrospectives (back testing) que Tom Basso sur une dizaine de marchés de matières premières, pendant une période de 10 ans. Les ordres d’achat étaient exécutés de manière aléatoire ; en revanche, les ordres de vente stop étaient établis selon quelques règles simples (1 % du portefeuille par position, ordre de vente stop lancé quand la volatilité du marché des 10 derniers jours dépasse une certaine moyenne mobile à plus long terme, etc.). Résultat : même quand l’entrée sur un marché se fait au hasard, une sortie disciplinée qui réduit les pertes à un seuil respectable permet de faire de l’argent dans 80 % des cas.
Deux professeurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT), Kathryn Kaminski et Andrew Lo, ont tenté de mesurer l’efficience de différentes règles de stop loss sur le rendement d’un portefeuille. À partir de données financières mensuelles américaines qui couvrent la période 1950-2004, ils ont découvert que certaines règles de vente stop peuvent ajouter au portefeuille jusqu’à 1 % de rendement net par mois. C’est notamment le cas pour les portefeuilles qui reposent sur une stratégie de momentum.
Une discipline rigoureuse de sortie de vos positions perdantes, même simple et parfaitement mécanique, peut vous permettre de protéger votre capital, tout en vous offrant la chance de le redéployer en saisissant les aubaines… que le marché ne cesse de nous offrir, avec une belle constance. Une belle occasion de laisser votre unité offensive prendre le relais de votre unité défensive.
André Gosselin chercheur et analyste canadien F&I
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