Douce France

France : République Bananière sur fond de gaspillage des deniers publics

Les dépenses inconsidérées de M. Joyandet, secrétaire d’état  à l’outre-mer et le contrôle des deniers publics…

PLUS DE MEFAITS DES PRINCES EN SUIVANT :

 On apprend, le 29 mars, par la presse que le secrétaire d’Etat à l’outre-mer, M. Joyandet, a loué pour 116 000 euros un avion privé pour se rendre aux Antilles à une conférence sur Haïti.

Deux jours après, on apprend que le déficit public de la France a représenté 7,5 % de son produit intérieur brut en 2009 (contre 3,3 % en 2008), et le collectif budgétaire du 9 mars annonçait que France Trésor va emprunter 236 milliards d’euros en 2010.

Le rapprochement de ces deux faits n’est pas anodin. Les finances publiques de la France sont dans une situation catastrophique. Et pourtant, un secrétaire d’Etat n’hésite pas à dépenser plus de 110 000 euros pour louer aux frais de l’Etat, des contribuables donc, un avion privé.

 Une fois connu, un tel agissement provoque quelques vaguelettes dans les médias, puis on passe à autre chose. Or le « cas Joyandet » mérite qu’on s’y arrête. Un secrétaire d’Etat ne doit-il pas être comptable de ses dépenses, au sens précisément qu’il doit être responsable ? Tout l’indique.    

Relisons d’abord les textes fondateurs du droit public français, et notamment le trop méconnu article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Nul besoin d’être juriste pour en déduire que les membres du gouvernement sont aussi responsables, financièrement, que les fonctionnaires, car ils sont tout autant des agents de l’Etat et ils doivent user des deniers publics d’une manière qui ne peut pas être incontrôlée. 

Aux frais de la République 

Relisons aussi l’article 14, qui attribue aux citoyens et à leurs représentants le contrôle de l’usage fait par les gouvernants de la « contribution publique ». Or M. Joyandet, en sa qualité de secrétaire d’Etat, est membre du gouvernement, et comme tel, responsable politiquement devant le Parlement. Cette responsabilité est autant individuelle que collective. Les députés ou les sénateurs peuvent lui demander des comptes de son action, tout comme ils peuvent le faire pour l’ensemble de l’exécutif. Comme on le sait, un député actif, M. Dosière, traque depuis des années les dépenses excessives de l’Elysée. 

Depuis la révision constitutionnelle de 2008, le Parlement a deux fonctions égales en importance : le vote de la loi, d’un côté, et le contrôle de l’action du gouvernement et l’évaluation des politiques publiques, de l’autre. La même révision a mis l’accent sur quelques impératifs financiers : l’objectif d’équilibre des comptes publics (article 34), qui doivent être réguliers, sincères et fidèles (article 47-2). 

En outre, les mesures récentes en matière budgétaire ont renforcé le dispositif juridique et managérial de bonne gestion de l’Etat. Il incombe donc au Parlement de vérifier que les projets annuels de performance seront respectés, y compris par les gouvernants, et pas seulement par les fonctionnaires. 

Pourtant, le président du groupe parlementaire de l’UMP, Jean-François Copé, est venu au secours de M. Joyandet (son ami), en déclarant que s’il « y a sans doute besoin d’un effort de régulation (…), ce n’est pas le législatif qui va décider de ça, c’est vraiment interne à l’exécutif ». Une telle déclaration est étonnante de la part d’un responsable politique qui prétend proposer, dans la revue Commentaire (printemps 2010), une réinterprétation du régime de la Ve République. 

Contrairement à ce que M. Copé affirme, les dépenses inconsidérées du secrétaire d’Etat ne sont pas une affaire purement « interne à l’exécutif ». Le propre d’un régime parlementaire, c’est que plus rien n’est « interne » à l’exécutif, et que les membres du Parlement peuvent contraindre les gouvernants à un peu plus de vertu et de sagesse en les obligeant à s’expliquer devant eux, et non devant la presse, de leurs coupables agissements. 

Seul ce contrôle parlementaire, effectif et poussé, pourrait faire comprendre à nos ministres et secrétaires d’Etat qu’ils ne sont pas des « petits marquis » pouvant s’offrir n’importe quel caprice aux frais de la République, mais bien des serviteurs de l’Etat – un Etat censé être encore républicain, du moins, espérons-le !

, par Olivier Beaud et Henry Michel Crucis LE MONDE | 14.04.10

Olivier Beaud est professeur de droit public à l’université Paris-II ;

Henry Michel Crucis est professeur de droit public à l’université de Nantes.

Laisser un commentaire