“A plus ou moins longue échéance, on découvrirait alors que Bercy n’est guère plus éloigné du FMI que le Parthénon.”
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Avec la réforme des retraites, le gouvernement joue sa crédibilité, les syndicats leur responsabilité, Nicolas Sarkozy peut-être sa réélection en 2012, la France peut-être sa place dans la zone euro. Des demi-mesures jetteraient le discrédit sur son engagement à rétablir ses comptes publics et sa capacité à financer l’ensemble de sa protection sociale. A plus ou moins longue échéance, on découvrirait alors que Bercy n’est guère plus éloigné du FMI que le Parthénon.
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La crise grecque a révélé les nombreuses fractures de la zone euro, fracture de croissance, d’endettement, de chômage, de réforme, de confiance. Pendant dix ans, l’euro était euphorisant, il est devenu anxiogène. Désormais, ce n’est plus seulement la pérennité de la zone euro qui est en jeu, mais le modèle de société et le système de protection sociale de l’Europe qui sont dans la balance.
Les philippiques, ou les jérémiades, de Mme Lagarde à l’égard de l’Allemagne apparaissent d’autant plus inappropriées que seuls les pays qui sauront s’adapter aux bou- leversements démographiques, économiques, industriels, sociaux, budgétaires, dont certains ont été amplifiés par la crise, pourront faire face aux défis qui surgissent en Europe et partout dans le monde.
En matière de retraite, qu’a fait l’Allemagne, qui s’est érigée en statue du commandeur de la zone euro ?
En dépit d’une démographie beaucoup plus inquiétante que celle de la France (1,3 enfant par femme), son système de retraite échappe au déficit ; pourtant, il est interdit d’augmenter les cotisations au-delà de 22 % des salaires. Le taux de prélèvement est actuellement de 19,9 %. L’âge de la retraite a été porté à 67 ans (d’ici à 2029, et de nombreux pays ont suivi), les pensions sont revues à la baisse pour les futurs comme pour les actuels retraités (l’effort et les sacrifices sont ainsi répartis) et, la répartition ne suffisant plus, une dose de capitalisation a été introduite dès 2002. De telles mesures sont jugées inapplicables politiquement en France. Nous préférons nous enfoncer dans la dette.
La France est le seul pays de l’OCDE où l’âge légal de retraite est de 60 ans, le pays européen qui compte le plus de régimes spécifiques (dix), le pays le plus en retard sur la capitalisation : l’épargne représente 8 % des pensions, contre 20 % en Allemagne et 30 % au Danemark. Depuis 1970, la durée d’activité a diminué de sept ans – merci M. Mitterrand, merci M. Jospin et Mme Aubry – alors qu’en 2030 un sexagénaire aura une espérance de trente ans pour une femme et de vingt-six ans pour un homme, et qu’il y aura 1,5 actif pour 1 retraité, contre 2,5 en 1970.
Déjà, une retraite sur dix est payée à crédit (10 milliards sur 100 milliards), et la crise a brutalement avancé les échéances en diminuant les ressources que sont les cotisations. Le déficit prévu en 2020 est au rendez-vous en 2010, et il est bien supérieur au chiffre attendu dans dix ans, tandis que le passage à 41 ans de cotisation, décidé en 2003, n’aura d’effet financier qu’en 2020. Une réforme semée en 2010 ne portera ses fruits qu’en 2030.
L’OCDE a prévenu : dans aucun pays la pérennité des retraites n’est assurée, la seule mesure efficace est une augmentation forte et rapide de l’âge de départ à la retraite. Nous sommes tout aussi loin du refus des syndicats et de la gauche de toucher aux 60 ans que de la promesse de Nicolas Sarkozy, lors des voeux du 1er janvier, de « consolider notre système de retraite ». La France décidera-t-elle, une fois de plus, de rafistoler ? Si oui, on pourra appliquer aux Français cette formule que Tacite destinait aux Romains du Ier siècle : « Ils ne peuvent ni supporter leurs maux ni endurer leurs remèdes. »
PAR PHILIPPE SASSIER | JDF HEBDO | 17.04.2010
EN COMPLEMENTS INDISPENSABLES : Marc Touati / La retraite en France : plus fort que Madoff ! (cliquez sur le lien)
Jean Pierre Petit : Trappe à Dettes / Au tour de la France (cliquez sur le lien)
L’explosion du nombre de retraités et la dégradation du ratio démographique expliquent l’envolée du déficit.
Si rien n’est fait, le déficit du système français de retraite sera d’environ 100 milliards d’euros en 2050. Et ce dans un contexte très hypothétique de retour au plein emploi à partir de 2020, d’après le scénario médian dévoilé par le Conseil d’orientation des retraites (COR) le 14 avril. Autrement dit, il est très probable que ce montant soit largement dépassé.
Il faut dire que le nombre de retraités atteindra 22,9 millions d’euros en 2050, contre un peu plus de 15 millions actuellement.
Par ailleurs, le ratio démographique, qui représente le nombre de cotisants sur le nombre de retraités et constitue donc un indicateur clé pour assurer l’avenir du système, ne cesse de se dégrader. « En 1960, la France comptait quatre actifs pour un retraité », rappelle un rapport d’information du ministère du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique. « Aujourd’hui, ce ratio s’élève à moins de 1,8 actif pour un retraité et, en 2050, il n’y aura plus que 1,2 actif pour un retraité. »
En raison de la baisse des cotisations liée à la dégradation du marché de l’emploi ces derniers mois, le COR a nettement revu à la hausse ses estimations de déficit pour les prochaines années. Reste maintenant à trouver les solutions de ce dérapage.
Le COR s’est essayé au petit exercice du chiffrage des efforts à fournir pour revenir à l’équilibre. Si l’unique remède retenu est la hausse des cotisations, elles devraient augmenter de 10 points d’ici à 2050.
Solution d’emblée rejetée par l’exécutif : la baisse des pensions versées. Ces dernières devraient être réduites de 36 % à l’horizon 2050 si aucune autre mesure n’était adoptée.
Enfin, dans l’hypothèse où le seul curseur retenu serait celui du recul de l’âge de la retraite, il devrait être repoussé à 65,6 ans en 2020 et à 70,6 ans en 2050.
Le Medef a récemment réitéré son souhait de relever progressivement l’âge de la retraite. « Mais le très faible taux d’emploi de la classe d’âge des 55-64 ans, de 38 %, suggère que les entreprises ne sont toujours pas prêtes à embaucher des seniors », indique Dominique Barbet, chez BNP Paribas.
Les syndicats s’opposent d’ores et déjà au calendrier de la réforme des retraites, qui devrait s’achever par une loi déposée en septembre.
De quoi s’attendre d’ici là à de nouvelles vagues de grèves et de manifestations.
Caroline Mignon | JDF HEBDO | 17.04.2010
ON LIRA AVEC LE PLUS GRAND INTERET L’ ETUDE DOLIVIER FLUCKE SUR LE DERNIER RAPPORT DU COR ET DE LA NECESSITE DE SA REACTUALISATION : http://investigationfin.canalblog.com/archives/2010/04/15/17588018.html (cliquez sur le lien)
Catégories :Douce France, JDF, Retraite, Démographie et Vieillissement
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