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Energie : Le Brésil mise sur l’hydraulique pour assurer son avenir énergétique

Le gouvernement brésilien entend construire de grands barrages en Amazonie. Les détracteurs de ces projets redoutent une menace pour l’environnement…

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Sauf nouveau retournement, l’appel d’offres pour l’attribution du très controversé barrage de Belo Monte – un marché de plus de 12 milliards de francs suisses – a eu lieu comme prévu ce mardi. La justice est revenue vendredi dernier sur l’annulation de celui-ci prononcée l’avant-veille. Le parquet, qui avait saisi les tribunaux, redoutant une menace pour l’environnement, a annoncé qu’il ferait appel.

D’une capacité de 11 200 MW, l’usine hydroélectrique de Belo Monte devrait être la troisième plus grande au monde après celle des Trois-Gorges (Chine) et celle d’Itaipu (sur la frontière Brésil-Paraguay). Prévu sur le Xingu, un des principaux affluents de l’Amazone, le barrage va inonder une superficie de 516 km2, déplacer près de 12 000 riverains et assécher une partie de ce fleuve sacré pour les peuples indigènes.

Même James Cameron, le réalisateur canadien d’Avatar, s’en était ému, appelant Lula à renoncer à son projet.

Le gouvernement brésilien entend au contraire construire d’autres grands barrages en Amazonie. Au mépris des études montrant qu’ils peuvent être plus ­polluants que des centrales électriques au charbon de même capacité.

Ralentir le rythme de la demande

Au Brésil, l’hydroélectricité représente près de 80% du mix électrique: c’est la source d’énergie la moins chère, disent les autorités, qui s’appuient sur les grandes réserves d’eau douce du pays.

Avec ses fleuves immenses, le bassin amazonien est donc devenu la nouvelle frontière de la production électrique. Plus de 60% du potentiel hydroélectrique brésilien se trouve justement dans cet écosystème ultrasensible. «Le potentiel situé ailleurs est déjà quasiment saturé, reconnaît Gilberto Jannuzzi, expert en énergie de l’Université de Campinas. Mais il y a des alternatives qui permettraient de réduire la nécessité de construire des barrages en Amazonie tout en stabilisant nos émissions de CO2.»

Pour cela, poursuit Jannuzzi, «il faudrait ralentir le rythme de la demande d’électricité, par le biais d’une politique d’efficience énergétique plus poussée, au lieu de se contenter d’augmenter l’offre». En commençant par le plus simple: optimiser la capacité des usines hydrauliques existantes et réduire les pertes d’énergie, estimées à 15% de la production.

Autre mesure préconisée: exploiter davantage l’énergie éolienne et la biomasse – en particulier la bagasse de canne à sucre –, dont le potentiel est important au Brésil. Le plan d’expansion de l’offre élaboré par le gouvernement réserve une part croissante à ces sources d’énergie mais encore très inférieure à l’hydroélectricité ou même aux sources fossiles.

Pour Célio Bermann, un expert de l’Université de São Paulo, si le Brésil construit de grands barrages en Amazonie, ce n’est pas seulement pour faire face aux besoins croissants d’une population dont les conditions de vie s’améliorent. Il s’agit aussi, selon lui, de satisfaire le marché international. «Six industries absorbent à elles seules 30% de notre consommation d’énergie, fait-il remarquer. Et parmi elles, quatre, dont l’aluminium, sont vouées à l’exportation. Si le Brésil produisait des biens à plus haute valeur ajoutée, nous n’aurions pas besoin d’autant d’énergie.»

Par Chantal Rayes, São Paulo le temps avril10

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