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Elie Cohen : Grèce / nuages noirs sur les banques françaises

Elie Cohen : Grèce / nuages noirs sur les banques françaises  

  Le plan de sauvetage a éloigné pour un temps la perspective du défaut de la Grèce sur le paiement de sa dette. La réaction en chaîne qui menaçait d’emporter le Portugal, l’Espagne et l’Irlande a été stoppée, mais le soulagement risque d’être de courte durée. Le FMI et l’UE ont estimé que les coûts d’un défaut partiel et immédiat de la Grèce étaient supérieurs à un report à des temps meilleurs d’une inévitable restructuration de la dette grecque.

 Parmi les arguments qui ont sans doute pesé il faut compter la fragilité d’un système bancaire européen qui commence à se relever de la crise des subprimes, qui n’a pas fini de purger ses bilans des actifs toxiques et des mauvais risques accumulés et qui va devoir faire face à de  forts besoins en capital pour satisfaire les normes de solvabilité en cours d’élaboration. Dans ce contexte peu rassurant, la banque française se singularise par une exposition exceptionnellement élevée au risque grec.

 Les Banques Françaises et Allemandes ont le plus prété aux PIIGS (cliquez sur le lien)

PLUS DE COHEN EN SUIVANT :

D’après la BRI, les banques françaises sont exposées a hauteur de 79 milliards d’euros sur un total européen de 189 milliards d’euros. Les banques allemandes le sont moins : à 43milliards. On reste interdit devant pareils chiffres : qu’est-ce qui justifie en effet que les banques françaises soient si investies en Grèce : est-ce l’effet d’une position commerciale particulièrement avantageuse qui justifierait que les banques accompagnent leurs clients, est-ce l’effet d’une industrie financière particulièrement active et innovante, est-ce l’effet d’une abondante épargne en quête de placements sûrs (obligations en euros) ? La réponse n’est pas évidente surtout si l’on se fie aux déclarations des dirigeants de cette industrie. Pour Baudouin Prot en effet l’exposition de BNPP est « négligeable » ; quant aux dirigeants du CA ils ont laissé filtrer des chiffres dans la presse révélant une exposition inférieure à 1 milliard d’euros.

 WSJ : La route sera longue pour la Grèce et ses alliés (cliquez sur le lien)

Evolutions du prix des CDS 2007-2010 et le pic atteint avec la crise grecque

source:  http://ftalphaville.ft.com/blog/2010/05/06/222286/cds-report-its-getting-worse/ (cliquez sur le lien)

En fait le cas grec est illustratif  de la stratégie de la banque française au cours des dernières années. Quatre traits permettent de la résumer :

une stratégie multidomestique d’expansion dans la banque de détail en Europe qui la mène en Grèce, la croissance continue de la gestion collective pour placer l’argent d’épargnants avides de produits sûrs et défiscalisés, l’émergence de nouveaux modèles économiques et la quête du leadership dans les produits dérivés, 

La banque française est d’abord exposée au risque grec à travers ses filiales locales qui portent de la dette souveraine.

La banque française a poursuivi avec constance depuis la  création de la zone euro une stratégie multidomestique de banque de proximité. C’est ainsi que BNPP a ajouté à sa base française une base italienne puis belge et que le Crédit Agricole a trouvé des relais de croissance en Italie et en Grèce. Le caractère récurrent des revenus générés par l’activité de banque de détail, la capacité à foisonner à partir de la gestion du compte chèque en multipliant les services offerts et au-delà à monter en sophistication ont fait de cette politique un classique. Le problème est que les derniers arrivés n’ont pu se développer que sur des marchés plus problématiques comme la Grèce. L’acquisition d’Emporiki par le Crédit Agricole (24 milliard d’euros d’engagement) a tourné au cauchemar et a motivé l’éviction de Georges Pauget. SocGen est pareillement en difficulté avec Geniki. De plus la crise actuelle n’est que le premier acte d’une crise rampante : l’économie grecque qui est déjà stagnante va subir un choc récessif du fait des mesures très strictes du plan UE/FMI. La violente contraction de la demande interne publique et privée, le faible soutien à attendre de la demande externe vont à la fois ralentir l’activité bancaire et dégrader la solvabilité des entreprises et des ménages.

Au total l’exposition de la France du fait du contrôle de banques grecques est donc triple : d’abord un risque liée à la détention de la dette souveraine grecque par des banques locales , ensuite, un risque lié à la dégradation des conditions économiques en Grèce suite au plan d’austérité et enfin un risque de « bank run » de la part de déposants qui peuvent vouloir protéger leurs dépôts contre le risque du retour au drachme

La finance française est également exposée à travers les portefeuilles de titres constitués pour le compte des épargnants par les gestionnaires de fonds collectifs.

 On le sait les Français ont fait de l’assurance vie le vecteur principal de leur épargne financière. Or les supports de contrats d’assurance vie sont essentiellement placés en obligations libellées en Euros. La dette grecque est donc présente dans le portefeuille des épargnants français. La moindre exposition des Français au placement action leur a évité le choc des crises passées (krach de la nouvelle économie, des subprime…) elle ne leur évitera pas le coût éventuel d’un défaut partiel sur la dette grecque. Les estimations varient sur l’importance de cette exposition, on parle de 20 milliards d’euros ce qui en cas d’une décote de la dette de 30% signifierait une perte de 6 milliard d’euros (S&P estime qu’en cas de défaut de la Grèce la perte pourrait être de 50 à 70% de la valeur de la dette). Mais les épargnants ne sont pas seuls à détenir de la dette souveraine, les assureurs doivent aussi en détenir sauf à imaginer qu’ils se soient désengagés quand la dette grecque a commencé à être dégradée. On sait en effet que les assureurs ne peuvent détenir dans leurs réserves techniques des dettes dégradées. 

La finance française est exposée aussi au travers de banques qui comme Dexia se sont aventurées dans un jeu perdant sur des arbitrages de taux : elles empruntaient court et plaçaient long. La constitution d’un portefeuille de 150 milliards d’euros d’obligations financées par des ressources levées sur le marché monétaire et qui avait déjà mis Dexia au bord du gouffre en septembre 2008 risque à nouveau de fragiliser cette société en cas de défaut grec et pire encore en cas de contagion aux pays du sud de l’Europe. D’après certaines estimations Dexia pourrait perdre jusqu’à 35% de son actif net. 

Enfin les excellentes performances des activités de marché des grandes banques comme SocGen et BNPP, nourries par une rivalité pour le leadership sur les produits dérivés, ne peuvent pas ne pas avoir conduit à des prises de risques dont on ne découvrira que plus tard les implications. Quelle est l’ampleur des prises de position sur le marché des CDS sur dette souveraine, comment ont-elles évolué dans la période d’extrême tension qui vient de s’achever ? Faut-il rappeler que SocGen avait été très actif face à AIG sur le marché des CDS et qu’il en avait tiré grand profit ? L’absence d’information dans ce domaine comme dans le reste nous conduit ici à mentionner le risque plus qu’à l’estimer. 

Entrées tardivement sur un marché grec qu’elles croyaient plein de promesses en prenant le contrôle de banques peu performantes, les banques françaises héritent de leurs engagements et sont donc en risque en cas de défaut sur la dette souveraine et de dégradation de la conjoncture économique. Pire encore le risque de défaut étant contagieux les banques françaises s’exposent à la fois à des fuites de déposants en Grèce et à des pertes encore plus importantes sur leurs actifs dans les autres pays méditerranéens. Comme par ailleurs elles ont un problème spécifique de fonds propres, il n’est pas excessif de considérer qu’on a célébré trop tôt leur rétablissement

De Elie Cohen.2 Mai 2010 telos

ON LIRA AVEC ATTENTION LES EXCELLENTS BILLETS DU NON MOINS EXCELLENT  JEAN PIERRE CHEVALLIER CONSACRE AUX BANQUES FRANCAISES : BNP : tout va bien ! (cliquez sur le lien)

La Générale Potemkine (cliquez sur le lien)

La Générale 1° trimestre 2010 (cliquez sur le lien)

EN COMPLEMENTLes banques prêtent à la Grèce dans la crainte 

Laura Stevens et David Gauthier-Villars,THE WALL STREET JOURNAL mai10 

Les banques françaises et allemandes, de plus en plus remises en cause pour le rôle qu’elles ont joué dans la crise financière, ont accepté de contribuer au plan de sauvetage de la Grèce. 

La ministre de l’Economie Christine Lagarde a annoncé mercredi que les principales banques françaises s’étaient engagées à continuer d’accorder des prêts à la Grèce, en vue de soutenir le plan d’aide au pays de 110 milliards d’euros décidé par les gouvernements de la zone euro et le Fonds monétaire international. La veille, les banques allemandes apportaient leur soutien au plan de sauvetage en maintenant ouvertes leurs lignes de crédit aux banques grecques et en se risquant à accorder des prêts à la Grèce lorsque les crédits existants arriveront à échéance. 

Toutefois, les banques se sont bien gardées de s’exprimer quant à leur confiance dans la solvabilité de la Grèce. Les analystes estiment que l’Allemagne agit dans un objectif politique et que les banques françaises protègent les importants crédits déjà accordés aux emprunteurs grecs

Les banques françaises détiennent en effet 75 milliards de dollars de dette grecque dans les secteurs public et privé, selon la Banque des réglements internationaux. De leur côté, les banques allemandes présentent la deuxième plus forte exposition à la dette grecque, avec 45 milliards de dollars, toujours selon la Banque des règlements internationaux. 

Parmi les banques qui devraient inscrire de lourdes dépréciations d’actifs en cas de défaut de paiement de la Grèce, on peut citer du côté allemand Hypo Real Estate Holding AG, qui détient 7,9 milliards d’euros d’emprunts grecs, et Commerzbank AG, avec 3,1 milliards d’euros d’emprunts grecs. 

Du côté français, Société Générale SA dit détenir de manière directe pour 3 milliards d’euros d’emprunts grecs, tandis que BNP Paribas SA a déclaré jeudi lors de la publication de ses résultats que son exposition à la dette souveraine grecque était d’environ 5 milliards d’euros et que son exposition aux entreprises grecques se montait à quelque 3 milliards d’euros. La banque a réaffirmé à cette occasion qu’elle continuerait à soutenir la Grèce. 

Et si Société Générale a annoncé qu’elle poursuivrait ses achats de dette grecque, elle a également indiqué que sa filiale grecque Geniki Bank durcirait ses pratiques de crédit dans le pays, compte tenu de la détérioration du climat des affaires.

4 réponses »

  1. Vendredi 7 mai 2010 :

    Marchés d’Asie et euro toujours dans la tourmente.

    La tempête continuait à faire rage vendredi sur les Bourses d’Asie et la monnaie européenne restait sous pression face au dollar, sur fond de craintes de contagion de la crise grecque à d’autres pays de la zone euro et dans la foulée d’une chute historique de Wall Street.

    Alors que les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro devaient se retrouver vendredi en sommet extraordinaire à Bruxelles, les ministres des Finances du club de grands pays industrialisés du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon) ont annoncé la tenue d’une conférence téléphonique dans la journée sur la crise de la dette grecque.

    La monnaie unique européenne, qui avait atteint jeudi son plus bas niveau depuis mars 2009 face au billet vert à 1,2523 dollar, remontait légèrement mais restait sous pression vendredi matin lors des échanges en Asie. Vers 02H50 GMT (04H50 HEC) un euro valait 1,2708 dollar, contre 1,2644 jeudi vers 20H00 GMT.

    Le ministre japonais des Finances, Naoto Kan, a exclu des mesures concertées du G7 pour redresser l’euro. “Je ne pense pas qu’il y aura de demande d’intervention” lors de la conférence téléphonique, a-t-il déclaré.

    Alors que les télévisions du monde entier diffusaient en boucle les images d’affrontements entre policiers et manifestants à Athènes, les marchés d’Asie ont poursuivi leur net recul entamé la veille.

    A la Bourse de Tokyo, l’indice Nikkei des valeurs vedettes a dégringolé de 3,74% à la mi-séance, cumulant une perte de près de 7% en deux jours.

    “La raison de la chute, tout le monde la connaît: la Grèce. Le marché prend en compte la possibilité que le problème grec s’étende à l’Espagne et au Portugal”, a expliqué Hideaki Higashi, analyste chez SMBC Friend Securities.

    La chute de Tokyo était amplifiée par la rapide ascension ces derniers jours face à l’euro du yen, traditionnelle valeur-refuge par temps de crise, un phénomène qui pénalise lourdement les exportateurs japonais. Des valeurs comme Sony, Panasonic ou Nintendo dévissaient de plus de 5%.
    L’euro affichait toutefois un timide redressement vers 02H50 GMT et s’échangeait pour 117,35 yens, contre 114,49 yens à 20H00 GMT la veille.

    Prenant les devants, la Banque du Japon (BoJ) a injecté vendredi 2000 milliards de yens (17,4 milliards d’euros) dans le système bancaire du pays, afin de tenter de rassurer les investisseurs. C’est la première fois depuis décembre que la BoJ prend une mesure d’urgence de ce type.

    La plupart des autres marchés d’Asie connaissaient également une journée mouvementée.

    Dans le courant de la matinée, Sydney et Taipei perdaient plus de 2% chacune, tandis que Séoul lâchait environ 3%. Les pertes étaient plus limitées à Shanghai (-0,42%) et Hong Kong (-0,67%) vers 02H45 GMT.

    http://www.romandie.com/infos/news/201005070645040AWPCH.asp

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