Commentaire de Marché

Yves de Kerdrel : Les marchés ont-ils perdu la raison ?

Yves de Kerdrel : Les marchés ont-ils perdu la raison ?

  C’est devenu un poncif à la mode que de dire : les marchés sont fous. Ou bien : ils ont perdu la tête. Ou encore : tout cela, ce n’est que de la spéculation. Il n’y a qu’en France où, lorsque la fièvre monte, on a pour premier réflexe de casser le thermomètre. Bien sûr que la Bourse n’est pas synonyme de vérité économique. Bien sûr qu’elle n’a pas raison tous les jours. Bien sûr que sa volatilité a quelque chose de déroutant. Mais les messages qu’elle envoie ne sont dénués ni de sens ni de raison.

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Or que dit-elle actuellement à travers ses séances en montagnes russes, ses voeux de rigueur et ses peurs de l’austérité, sa hausse régulière de l’or et sa baisse tout aussi linéaire du rendement des emprunts d’Etat ?

D’abord le marché nous envoie un premier message, qui est celui de la volatilité. Aux Etats-Unis, le VIX, l’indice de volatilité du Chicago Board Options Exchange, également appelé « indice de la peur », a plus que doublé depuis mi-avril, passant de 16 à 41 points.

http://stockcharts.com/h-sc/ui?s=$VIX&p=D&yr=0&mn=6&dy=0&id=p71316421307 (cliquez sur le lien)   

En Europe, la volatilité implicite à trois mois sur l’Euro Stoxx 50 a augmenté de 18,5 % à 38 % en moins d’un mois et demi. Ce qui constitue un plus haut niveau depuis plus d’un an. Quant aux devises, la volatilité y a aussi beaucoup progressé, pour revenir à ses niveaux de mars 2009.

Formation Financière : volatilité historique et volatilté implicite (cliquez sur le lien)

Qu’est-ce que cela signifie ? Tout simplement qu’il y a aujourd’hui trop d’incertitudes dans l’environnement économique pour apercevoir une tendance claire. Le prix du pétrole semble prêt à s’effondrer, les problèmes de dettes souveraines ne sont pas réglés. Les variations de parité de change bouleversent les estimations de résultats. Plus rien n’est modélisable. Ce qui incite les investisseurs à court terme à sortir complètement du marché.

Le second message, c’est celui envoyé par le taux de rendement des emprunts d’Etat français, qui est à son plus bas niveau historique.

Drôle d’affaire en vérité ! Notre pays sera bientôt insolvable, et pourtant notre dette s’arrache. Il est vrai que désormais chacun est convaincu que l’Allemagne viendra, s’il le faut, au secours de la France, qui est son premier client. Il n’empêche que cette anomalie de marché ne peut pas durer. A un moment ou à un autre, les investisseurs reprendront conscience du vrai risque souverain de la France. Ils mesureront que l’argent emprunté sur dix ans a plus de valeur que les 2,8 % de rendement actuellement proposés. Ce choc obligataire sera violent, douloureux et incontournable. Et, lorsque l’argent vaudra plus cher, les actions se paieront un prix moins élevé. Autant dire qu’il vaut mieux ne pas s’emballer après le rebond de ces derniers jours.

PAR YVES DE KERDREL | JDF HEBDO | 29.05.2010

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2 réponses »

  1. En complément, les flux des fonds mutuels US pour le mois d’avril, c’est-à-dire avant les grosses trubulences actuelles.

    – flux actions : +13.9 Md$ (contre +11.5 Md$ en mars) dont 8.6 Md$ en oversea (stable d’un mois à l’autre) et +5.3 Md$ sur le marché indigène (+3.1 Md$ en mars). Les gestionnaires remettent très prudemment certaines de leurs billes dans les actions US mais sans exubérance.

    – flux obligataire : +27.7 Md$ (+37.2 Md$ en mars). Encore un flux très important sur les obligations (rappel : avant la crise des subprimes, un tel montant aurait constitué un record). Depuis janvier 2009, les fonds mutuels ont presque placé 500 Md$ sur l’obligataire !

    – flux forex : -126.5 Md$ (-155.8 Md$ en mars). Le retrait montreux s’est encore poursuivi (plus de 400 Md$ sortis depuis le début d’année). Le reflux tellement été massif (encore plus violent que le flux) que la montagne va très bientôt être revenu au niveau du sommet lors de la bulle internet.

    je me réjouis déjà de voir comment ont réagit les gestionnaires en ce mois de mai très agité.

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