Matière Première : Coup de feu spéculatif sur le caoutchouc
Les fabricants de pneus relèvent leurs tarifs. À Bangkok la feuille de latex s’est appréciée de 20% cette année…
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De 3 à 6% de hausse chez Bridgestone, jusqu’à 6% chez Goodyear… Depuis la fin de l’été, les manufacturiers relèvent leurs tarifs afin de répercuter une partie de l’appréciation du caoutchouc naturel, qui atteint 10% depuis le début de l’année sur la bourse qui lui est dédiée à Tokyo. Le géant français Michelin – qui a annoncé cet été un renchérissement de 3% de ses tarifs – reconnaît que la hausse du coût des matières premières lui coûtera «entre 600 et 650 millions d’euros» cette année.
Le signal de Goldman Sachs
Goldman Sachs entre maintenant dans la danse du latex. Mardi, la mise en garde de la banque quant à un possible déficit de caoutchouc en 2011 a suffi à valider tous les paris haussiers. À Tokyo, l’envolée des cours a même nécessité l’arrêt des transactions. Cette ébullition contamine les places d’échanges utilisées par les industriels: à Bangkok, le prix de la feuille de latex fumée s’est apprécié de 20% cette année.
Ces paris s’appuient toujours sur le même paradigme: les besoins de la Chine, premier marché automobile. Le fait que la saignée des hévéas soit actuellement ralentie par les pluies abondantes liées au phénomène climatique La Niña est censé parachever la démonstration: la pénurie menace.
«Phénomènes spéculatifs»
«Comme au printemps dernier, on assiste à coup de feu sur le marché; les banques agissent comme une caisse de résonance et les perspectives d’une reprise de la demande mondiale sont exacerbées par des phénomènes spéculatifs», avertit Jérôme Sainte Beuve, correspondant de la filière hévéa au sein du secteur au sein du Cirad – le centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement basé à Montpellier.
Avec une production mondiale de 9,6 millions de tonnes en 2009 et des besoins de 9,4 millions de tonnes, les estimations de déficit – 0,1 million selon Goldman Sachs – restent d’autant plus hasardeuses que les données à disposition sont peu précises. Comme le rappelle Jérôme Sainte Beuve, le caoutchouc est en train de vivre «un vaste mouvement de balancier». Et la Chine reste la seule à compenser l’effondrement des besoins occidentaux: durant la crise, la consommation des Etats-Unis a plongé de 300 000 tonnes, un pays comme la France ayant vu ses achats divisés par deux en 2009. «Sur le plan mondial, il n’est pas certain que l’on retrouve rapidement la demande d’avant la crise», avertit l’expert du Cirad.
Les hévéas se rebiffent
Surtout, ce spectre d’un déficit de latex fait l’impasse sur «le million d’hectares d’hévéas planté en Asie depuis 2005», prévient le spécialiste. Or les premières de ces nouvelles plantations arrivent à maturité et «pourront commencer à produire l’an prochain».
Sans compter que les spéculateurs peuvent être pris à revers par les ententes secrètes entre les pays producteurs – Thaïlande, Malaisie, Indonésie – réunis au sein de l’ITRO, sorte d’OPEP du caoutchouc. Ces derniers sont soupçonnés de s’être entendus l’an dernier sur une limitation de leur production, afin de soutenir le marché.
Par Pierre-Alexandre Sallier/le temps sep10
Catégories :Le Temps, Matières Premières