Art de la guerre monétaire et économique

La seule vraie crainte du Japon

La seule vraie crainte du Japon

Par François Gilliéron, fgillieron@bluewin.ch 

Il y a quelques semaines, les printemps arabes avaient plongé le monde contemporain dans un nouvel âge d’incertitude. Le premier, qui avait suivi la chute du Mur, avait permis à des milliards de producteurs asiatiques «low cost» et de consommateurs à travers le monde de rejoindre l’économie de marché. Le choc actuel, pensait-on, allait concerner en premier chef l’accès aux ressources énergétiques fossiles. 

Mais les dernières nouvelles qui nous parviennent du Japon changent à nouveau complètement la donne. Lorsqu’un des pays les plus technophiles du monde perd le contrôle de ses outils, le mythe prométhéen est ébranlé. Dans l’immédiat, les marchés cherchent tant bien que mal la suite de ce mauvais rêve. 

Pêle-mêle, voici quelques pistes: le Japon est un pays riche. Donc lorsque vous êtes frappés, une des premières décisions que vous prenez consiste à vendre des actifs détenus à l’étranger. Actions, obligations, immobilier: les assureurs japonais ont déjà commencé à rapatrier ce qu’ils peuvent.

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Par une simple augmentation de la demande, le yen devrait monter dans les mois qui viennent. Par contre, l’énorme monétisation en cours de la dette japonaise – cette dernière égale le PNB américain – pèsera à terme sur la monnaie nippone. 

Un autre grand pays concerné sera sans doute le Brésil et toute la région de São Paulo où vit une forte communauté d’origine japonaise. Gageons donc que le real, nettement surévalué depuis quelque temps, va baisser.

Le domaine du luxe, dont les Japonais sont friands, sera aussi concerné. LVMH n’est donc pas le titre à recommander dans l’immédiat. Pour le tourisme suisse, il y aura quelques places vides dans nos trains de montagne cet été. Par contre, tout le secteur des matériaux et de la construction va être largement demandé. 

Ensuite et surtout, le désastre qui frappe le Japon risque fort de réécrire la géopolitique asiatique. Car à l’évidence, les dirigeants chinois, grands gagnants potentiels de la tragédie japonaise, doivent suivre avec la plus grande attention ce qui se passe dans l’Archipel. Economiquement, ils se frottent les mains, entendant bien être en première ligne pour les immenses contrats de reconstruction qui s’annoncent. Politiquement enfin, voici une occasion rêvée pour eux de reprendre le rôle dominant en Asie qu’ils avaient exercé pendant des millénaires et qui demeure la seule vraie crainte du Japon. Quant aux Occidentaux, ils redécouvrent les contradictions du nucléaire qu’ils avaient feint d’ignorer. Jusqu’au prochain hiver arabe où les intégristes auront pris le pouvoir en Arabie saoudite et annonceront qu’ils veulent interrompre la manne pétrolière?

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