Matières Premières /Cuivre : Le cours des déséquilibres

De 1600 dollars la tonne en 2001 à près de 10.000 aujourd’hui, le prix du cuivre a été multiplié par six en dix ans.
Les cours record de mars 2005 et 2008 sont battus de plus de 10%. Même en tenant compte de la baisse de pouvoir du dollar, les hausses récentes donnent le vertige.
Début décembre, JP Morgan achetait plus de la moitié des stocks du London Metal Exchange soit 175.000 tonnes en une seule transaction, provoquant une hausse du cours de 8% dans la journée. First Quantum attaque ENRC en dommage pour 2 milliards de dollars pour détournement d’une concession en République Démocratique du Congo. Barrick surenchérit d’un milliard sur l’offre de Minmetals pour le rachat d’Equinox.
Ces jours-ci, l’histoire du cuivre se lit comme un roman policier. Intrigues, corruption, expropriations, milices privées, attaques armées.
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Il est vrai que la demande dépasse l’offre de plus de 250.000 tonnes en 2010. Et que les prévisions pour 2011 sont pessimistes : le déficit de production devrait encore empirer de 50%.
En 2001, la production minière était de 14 millions de tonnes et on en consommait 15. En 2010, elle était de 16 millions et on en consommait 19. Si la consommation des pays développés a plutôt tendance à baisser – elle est aujourd’hui 18% au dessous du niveau de 2007 –, les énormes besoins en infrastructure des pays à forte croissance avalent des millions de tonnes de cuivre.
Sa conductivité en fait le premier matériau de câblage électrique et de télécommunications du monde, les tubes de cuivre restent l’option la plus fiable et la plus rentable pour la plomberie, le chauffage et le refroidissement, les fabricants de puces informatiques le substituent à l’aluminium et on compte près de 20 kilos de cuivre à bord d’une voiture américaine moyenne – près du double sur les voitures électriques. Pour compléter toutes ces qualités, le cuivre se recycle bien et 35% de la consommation provient de la récupération.
Avec 7,9 millions de tonnes, la Chine, à elle seule, consomme 40% de la production mondiale. Même si sa demande a fléchi en 2010 avec une croissance de 4,3% au lieu des 38% de l’année précédente, elle garde un appétit considérable. Et sa production a augmenté de 197,000 tonnes en 2010 pour atteindre 1,25 million de tonnes soit plus que celle des Etats-Unis. Les Chinois investissent une proportion croissante de leurs réserves en dollars dans des sites miniers afin d’assurer leur indépendance vis-à-vis des cinq grands producteurs: Codelco (Chili), Freeport McMoran (USA), BHP Billiton (Australie), Xstrata (Suisse) et Rio Tinto (Australie/GB) qui comptent pour 35% de la production mondiale.
EN COMPLEMENT : Les cours du cuivre entre mollesse de l’économie chinoise et baisse des ressources Par Claire Fages
Les cours du cuivre ont baissé depuis leur record historique de la mi-février du fait d’un ralentissement très net de la demande chinoise mais la baisse des ressources de métal rouge revient depuis quelques jours au premier plan.
Les cours du cuivre sont en ce moment écartelés. D’un côté la ressource en minerai est de plus en plus rare, c’est ce qui a propulsé les cours à plus de 10 000 dollars le 15 février dernier, au-delà du record de 2008. De l’autre, le prix du cuivre reflète assez fidèlement les évolutions de la conjoncture économique mondiale, et en premier lieu de la Chine, premier consommateur mondial de métal rouge. Or, depuis la pause du Nouvel An chinois, la demande de cuivre, le matériau de base dans la construction, n’a pas repris son rythme habituel dans l’empire du Milieu. Le gouvernement de Pékin a mis fin au crédit facile en rehaussant huit fois les taux d’intérêt depuis le début de l’année pour limiter l’inflation.
Au niveau de prix actuels du cuivre, les acheteurs sont réticents.
La Chine a même produit son propre cuivre raffiné en quantité record, au mois de mars, alors que les importations nettes ont baissé de moitié par rapport à l’an dernier. Seuls mouvements remarquables : des bateaux retardés, ou déroutés du Japon après le tsunami. 600 000 tonnes de métal dormiraient dans les entrepôts des ports chinois, et comme elles sont sous douane, elles peuvent être réexportées sans taxe, ce dont la Chine ne se prive pas.
Cette satiété du dragon chinois a contribué – avec les peurs sur l’état de l’économie mondiale – au repli des cours du cuivre en Avril . S’ils se sont redressés depuis avril, c’est que la perspective de pénurie de cuivre à long terme est revenue sur le devant de la scène.
La deuxième plus grande mine au monde, celle de l’Australien Freemont à Grasberg, en Indonésie, vient d’arrêter une partie de l’extraction après un accident mortel. Alors qu’Anglo American vient d’annoncer une baisse de production de 14 % au premier trimestre à cause des pluies au Chili, qui ont perturbé Collahuasi, troisième gisement mondial. Et qu’à quelques kilomètres de là, Escondida, la plus grande mine mondiale, opérée par BHP Billiton, a reconnu une baisse de rendement due à l’appauvrissement du minerai.
source rfi avril11
EN LIEN SUR RADIO CANADA : Barrick Gold se lance dans une surenchère pour acquérir la minière canadienne Equinox. Equinox faisait l’objet d’une offre non sollicitée de la Chinoise Minmetals. L’analyse de Michèle Boisvert
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Le cuivre résiste à la substitution
La substitution avec d’autres matériaux ne remédiera pas à la faiblesse de l’offre. Bien que le cuivre s’échange à plus de 9000 dollars la tonne.
Les prix du cuivre montent en flèche depuis la fin de la grande récession et ont même surpassé les niveaux antérieurs à la crise, dans un contexte de forte reprise de l’activité industrielle mondiale. Le pire reste à venir, car la production des mines dans le monde devrait être insuffisante pour répondre à la demande, en nette croissance cette année. Le Groupe d’étude internationale du cuivre table sur un déficit de 377 milliers de tonnes cette année, le plus important depuis 2004. Pour compenser la pénurie, il faudra réduire les stocks, ce qui finira par pousser davantage les prix à la hausse.
Voilà ce que dit la théorie. La réalité est bien entendu beaucoup plus complexe, et il faut prendre en compte la relation entre l’offre, la demande et les prix, plus couramment appelée élasticité. L’accroissement de l’offre est bien entendu stimulé par le prix élevé du cuivre.
Toutefois, étant donné les délais de dix à quinze ans pour mettre en œuvre de nouveaux projets de production de cuivre, l’offre reste fixe à court terme et, par conséquent, son élasticité par rapport au prix est faible.
Par contre,, l’élasticité de la demande en fonction du prix est plus élevée, ce qui peut conduire en règle générale soit à un report, soit à une dissolution de la demande. Dans le cas d’un report, les consommateurs considèrent que le prix du cuivre est trop élevé et la constitution des stocks est remise à plus tard en anticipation d’une baisse des prix. Une dissolution de la demande se produit lorsque le cuivre est remplacé par d’autres matériaux, comme l’aluminium ou le plastique et la demande dans le segment touché disparaît en fin de compte de façon permanente.
Aussi n’est-il pas surprenant que le débat sur le remplacement du cuivre s’intensifie chaque fois que les prix atteignent de nouveaux sommets, d’autant plus si des augmentations supplémentaires sont prévues. Dans le passé, il a été observé que de fortes hausses de prix débouchent sur des mesures visant à trouver un produit de remplacement. Toutefois, l’ensemble du processus de décision tient compte de variables plus nombreuses que le seul prix du cuivre. Si la volatilité des prix est également un facteur non négligeable, ce sont les caractéristiques propres des matières premières qui ont l’impact le plus important. Si un matériau de qualité inférieure est utilisé pour remplacer le cuivre, son prix doit être suffisamment bas pour justifier de son utilisation. Les autres paramètres influençant le processus de décision sont les coûts engendrés par le remplacement des matériaux et le nouvel équipement nécessaire, ainsi que l’accueil escompté du produit modifié sur le marché. Les normes et les méthodes mises en place sur le long terme sont difficiles à changer, ce qui n’est pas sans conséquences sur la possibilité de substitution du matériau à court terme.
L’arrivée de produits de remplacement sur le marché du cuivre est un phénomène relativement nouveau. Depuis le début des années 1990, les prix du cuivre étaient en recul, et il n’était donc pas nécessaire d’envisager d’éventuels produits de remplacement. À partir de 2003, cette tendance s’est inversée avec l’augmentation de la demande chinoise, qui a entraîné une hausse des prix, et les produits de substitution ont fini par devenir courants sur le marché du cuivre. La transition s’est produite tout d’abord sur les segments où la substitution demandait peu d’efforts et où son coût était faible – par exemple le recours aux matières plastiques en plomberie – ou encore sur les segments en proie à des avancées technologiques, comme ce fut le cas dans les télécommunications avec la fibre optique. Au-delà, le remplacement du cuivre devient plus complexe, car il faut développer de nouvelles technologies. D’après l’Association internationale du cuivre, les pertes sur les produits de substitution étaient estimées à près de 130 000 tonnes en 2004 et ont atteint leur niveau record à environ 570 000 tonnes en 2007.
La demande de cuivre provient d’applications électriques et non-électriques. Comme le cuivre est l’un des meilleurs conducteurs d’électricité, il est moins facile de le remplacer dans ce domaine que dans d’autres secteurs où les matériaux de remplacement ont déjà pris des parts de marché. En ce qui concerne l’électricité, le produit de substitution le plus menaçant pour le cuivre est l’aluminium, qui s’échange à environ 3,5 fois de moins que le cuivre, bien au-dessus de la moyenne des dix dernières années, qui s’élevait à 2,1 fois. Par contre, l’aluminium est moins bon conducteur que le cuivre. Il est par conséquent plus résistant et dégage davantage de chaleur lorsqu’il est utilisé dans un circuit électrique. La dilatation de l’aluminium est plus importante sous l’effet de la chaleur, ce qui met à l’épreuve les connexions et peut même finir par les détendre, conduisant potentiellement à la production d’étincelles.
Comme son usage est largement répandu, on compte plusieurs domaines dans lesquels le cuivre pourrait être remplacé. Plus de la moitié du cuivre acheté dans le monde sert dans les fils métalliques utilisés dans les bâtiments, le transport, l’infrastructure électrique et, bien sûr, les produits électroniques. Le câblage électrique des bâtiments est le domaine dans lequel le cuivre est le plus utilisé; toutefois, il est peu probable que la demande soit affectée par un recours aux produits de substitution, étant donné les garanties de sécurité supérieures qu’offre le cuivre. Plusieurs pays ont imposé une réglementation interdisant l’utilisation de l’aluminium dans le câblage électrique à la suite de mauvaises expériences dans les années 1970 et 1980, où de tels câblages ont été à l’origine d’incendies dus à une production d’étincelles. Par contre, le risque de substitution dans le secteur des transports semble être plus élevé. L’évolution récente semble indiquer une utilisation accrue de l’aluminium dans le câblage, dont l’objectif au départ était une réduction de poids, mais le prix intéressant de cette matière devrait accentuer la tendance.
La diminution du poids est devenu le principal objectif dans la fabrication des voitures, et la performance de ces dernières est en fait influencée par une distribution du poids qui privilégie une batterie à l’arrière. Par conséquent, les câbles de la batterie ont tendance à s’allonger et donc à s’alourdir de manière cumulative s’ils sont faits de cuivre. Toutefois, le recours croissant à la technologie dans les voitures augmente bien évidemment le câblage électrique, ce qui favorise d’autant l’utilisation du cuivre. Concernant l’infrastructure électrique, aucune tendance marquée n’est observée, et les spécifications varient partout dans le monde. La nécessité d’une standardisation à l’échelle nationale rend plus difficile le remplacement du matériau utilisé. La principale difficulté en la matière est de connecter des câbles d’aluminium à un réseau en cuivre. Les deux métaux ne peuvent pas être épissés ensemble, en raison des effets galvaniques qu’une telle opération pourrait engendrer et qui entraînent la corrosion. Enfin, sur le segment des produits électroniques, la tendance favorisant des appareils plus petits, plus puissants et en même temps moins énergivores a conduit à un retour à l’emploi du cuivre plutôt que de l’aluminium. Sur ce segment, la taille plus importante des câbles d’aluminium et leur résistance plus élevée constituaient un inconvénient majeur pour la conception des produits et nuisaient à leur performance.
En conclusion, on peut dire que la seule prise en compte des différences de prix ou des niveaux de prix absolus n’explique pas à elle seule le processus complexe de la substitution sur le marché du cuivre. Etant donné son niveau de prix élevé, le cuivre perdra des parts de marché dans certains secteurs, même s’il est peu probable que la substitution remédie à la faiblesse de l’offre avant l’apparition de nouveaux projets d’ici la fin de l’année prochaine. A notre avis, la volatilité élevée des prix du cuivre témoigne d’une élasticité relativement faible de la demande. Par ailleurs, il faut également prendre en compte les secteurs où la demande de cuivre pourrait s’accroître, notamment dans la fabrication des véhicules électriques et hybrides. Ces véhicules nécessitent, en effet, deux à trois fois plus de cuivre que des véhicules standards de taille comparable. Par conséquent, étant donné la bonne santé du contexte économique mondial et les difficultés structurelles du marché du cuivre, la tendance haussière des prix devrait se poursuivre jusqu’à la fin de l’année.
Carsten Merke Analyste Matières Premières chez Banque Julius Bär & Cie. SA mai11
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